Les crédits solidaires font grimacer les PME suisses

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Eric Bertinat – Le Conseil fédéral a-t-il menti aux patrons de PME en difficultés financières ? La question est posée discrètement par la presse helvétique dans le doux ronron d’un confinement qui va, semble-t-il, se résorber tranquillement dès le 27 avril. Un détail, et pas des moindres, passé sous silence lors de la présentation par le Conseil fédéral de l’Ordonnance sur l’octroi de crédits et de cautionnements solidaires à la suite du coronavirus. Relayée par les médias dès le 25 mars, l’ordonnance permet des crédits bancaires de moins de 500’000 francs garantis par la Confédération à un taux de 0%. Pour des crédits supérieur à 500’000 francs, un taux de 0,5% sera appliqué.

Mais une lecture attentive du document révèle que ce taux n’est garanti… que la première année. Le Département fédéral des finances, en concertation avec les banques, peut* dès le 31 mars 2021 décider d’une réévaluation des taux d’intérêts. Le porte-parole du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) à même préciser qu’aucun plafonnement à la hausse n’était prévu. Les taux d’intérêts pourraient fort bien prendre l’ascenseur rapidement. Et enfin, cerise sur le gâteau, une autre subtilité à définitivement mis de mauvaise humeur les entrepreneurs : les banques peuvent* choisir comment accorder ces crédits. Pour certaines d’entre-elles, les prêts accordés ne se matérialiseront pas en argent versé sur le comptes des emprunteurs mais constitueront une limite de découvert équivalent au montant demandé.

Le virus met le marché du travail sous une pression sans précédent. Des milliers de PME se sont déjà décidées pour ces cautionnement solidaires. Dès l’année prochaine, en fonction des intérêts décidés par chaque banque et de la situation économique, de nombreuses entreprises seront incapables de s’acquitter de leur emprunt.

Cinq professeurs de l’Université de Lausanne, dont un ancien vice-président de la Banque Nationale Suisse (BNS), ont qualifié la politique du Conseil fédéral d’«inique». Et de remarquer que l’Etat suisse pourrait offrir des financements sans contrepartie aux entreprises qui en ont besoin. La solution se trouve dans les coffres de la BNS dont les fonds propres se montent à plus de 160 milliards de francs. Ce à quoi s’ajoutent 20 milliards de francs de «liquidités», que la BNS conserve pour la Confédération. Tout cet argent étant amplement suffisant pour couvrir les quelque 60 milliards alloués jusqu’ici.

Il n’y a pas que les patrons des PME qui sont déçus par la politique fédérales. Le patron de Stadler Rail et ex-conseiller national UDC, Peter Spuhler, critique vivement les mesures du Conseil fédéral pour soutenir l’économie malmenée par le coronavirus. Je ne suis absolument pas un fan des plans de relance, déclare-t-il dans le SonntagsBlick. Il est presque impossible que les mesures gouvernementales tombent au bon endroit et prennent ensuite effet au bon moment. Et cet ancien politicien, aujourd’hui entrepreneur international, sait de quoi il parle…

*Pouvoir est un verbe très apprécié des libéraux!


Lettre d’information N° 13 – 27 avril 2020 | Source : FIGAROVOX/TRIBUNE – 23 avril 2020


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Eric Bertinat
Éric Bertinat est une figure active du catholicisme traditionaliste et de la politique genevoise. En 1988, il cofonde la revue Controverses, influente dans les milieux catholiques traditionalistes francophones. Il fonde également en 2010 l’association Perspective catholique, engagée sur des questions sociétales en lien avec la doctrine chrétienne. Journaliste et collaborateur régulier de plusieurs publications (Le Vigilant, Présent, Una Voce Helvetica, etc.), il entame aussi une longue carrière politique. Élu député au Grand Conseil de Genève en 1985 sous la bannière de Vigilance, il y revient en 2005 et occupe plusieurs postes clés jusqu'en 2013. Il est également membre du Conseil municipal de Genève dès 2011, y occupant diverses présidences de commissions jusqu'en 2021.Il en est élu président le 5 juin 2018 pour 2018-2019.

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