
Eric Bertinat – On s’y attendait, et nul n’a été surpris. Dès l’annonce de la mort du pape François, un concert unanime d’éloges s’est élevé, sanctifiant sans réserve la figure de Jorge Mario Bergoglio. Foule émue, témoignages larmoyants, déclarations solennelles d’une classe politique soudainement touchée par la grâce catholique, religieuses en pleurs arborant jupette et émotion : tout y est.
Certes, ce pape a marqué son époque — mais serait-il désormais interdit d’émettre la moindre réserve ? Aucun mot sur les zones d’ombre d’un pontificat qui a pourtant désorienté bien des membres du clergé, y compris parmi les plus ouverts aux évolutions post-conciliaires. Où sont passés les regards critiques, pourtant compatibles avec le recueillement et le respect dus à un défunt ?
Ils existent mais il faut chercher, gratter presse et réseaux sociaux. Et l’on trouve un ou deux courageux qui émergent de ce cloaque médiatique de louanges calibrées.
Parmi les premiers à réagir, la revue géopolitique Conflits (21 avril 2025). La revue souligne que le pontificat du pape François laissera un héritage contrasté, mêlant lumières et zones d’ombre. Déroutant pour de nombreux chrétiens, son style autoritaire a progressivement lassé, y compris au sein du Vatican. La ferveur initiale s’est émoussée : audiences clairsemées, désintérêt populaire, faible impact de ses publications. Son pontificat s’est achevé dans une atmosphère d’indifférence, marquée par une perte de soutien dans la curie, alimentée par des décisions jugées arbitraires et des procès controversés.
Jean-Marie Guénois, chroniqueur religieux reconnu (Le Figaro du 22 avril 2025), dresse un bilan nuancé du pontificat de François. Si sa personnalité a marqué son époque, sa gouvernance et ses choix sociétaux restent controversés. Il n’a pas réussi à enrayer la baisse des vocations et de la pratique religieuse, même dans les zones jusque-là dynamiques comme l’Asie et l’Afrique, désormais elles aussi en ralentissement.
Sur les sujets sensibles, son bilan est mitigé. La réforme de la théologie pastorale, notamment l’intégration des divorcés remariés et des personnes homosexuelles, a suscité tensions et ambiguïtés. L’ouverture à la communion pour les divorcés remariés a été décidée, mais sa mise en œuvre a souffert d’un manque de clarté, créant des disparités entre évêques.
Concernant les couples homosexuels, la bénédiction autorisée fin 2023 par la Doctrine de la foi a provoqué une rupture avec les Églises africaines, qui s’y sont opposées. Le pape a dû faire marche arrière localement, tout en maintenant la mesure ailleurs.
Enfin, sur l’épineuse question du sacerdoce des hommes mariés, bien que le synode sur l’Amazonie ait voté pour en 2019, il est relevé que François a choisi de ne pas acter cette évolution, au grand désarroi des courants progressistes.
Pour Philippe de Villiers (CNews, 21 avril 2025) (1), il est légitime d’analyser le pontificat de François, car il fut le chef de l’Église. Deux reproches majeurs lui sont adressés. D’une part, son attitude envers la France : il a plusieurs fois manifesté du mépris, affirmant explicitement, lors de visites à Strasbourg ou à Marseille, qu’il ne se trouvait «pas en France», mais dans des villes symboles du multiculturalisme. Cela traduit une approbation implicite de l’islamisation de l’Europe, qu’il a opposée à une «Europe vieillissante et stérile».
D’autre part, l’ancien député européen l’accuse d’avoir marginalisé les chrétiens attachés à la tradition liturgique, poursuivant les fidèles de l’ancienne messe — celle qui faisait la beauté et la grandeur spirituelle de l’Église. Pendant ce temps, il mettait en avant d’autres minorités, dites «périphéries», notamment culturelles, ethniques ou sexuelles. «Et quand vous allez chercher les périphéries, on connait cela en politique, et que vous négligez le noyau central, vous perdez tout.».
(1) https://youtu.be/u-r9Bu3iXus
Jean-Louis Aubert, sur sa page facebook intitulée «L’Humanité La Résistance» (2) se montre particulièrement sévère envers le pape François, tout en soulevant des critiques argumentées. Il fustige le combat mené contre la tradition catholique, dénonçant une Église modernisée à l’extrême depuis Vatican II : prêtres sans soutane, religieuses sans voile, pratiques spirituelles affaiblies, et fidèles désorientés. Selon lui, seules les vocations progressistes, vidées de substance doctrinale et morale, trouvaient grâce aux yeux du pape.
Il va plus loin, accusant François d’avoir ouvert les portes de l’Église à l’influence de la franc-maçonnerie, jusqu’au sein du collège cardinalice. Il estime que le pontificat a semé le trouble et fragilisé l’Église de l’intérieur.
Enfin, Jean-Louis Aubert critique vivement la gestion de la crise sanitaire : promotion de la vaccination à outrance, remplacement de l’eau bénite par du gel hydroalcoolique, gestes liturgiques modifiés (comme le salut du coude), et discours anxiogène ayant érigé la peur en nouvelle forme de salut. Et de conclure : La distanciation sociale est devenue parole d’Évangile. —
(2) https://www.facebook.com/100080942362636/videos/1897836767654729
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Newsletter N° 256 – 30 avril 2025 | Source : Perspective catholique