Eric Bertinat – Depuis son élection le 8 mai dernier, le pape Léon XIV est scruté de près. Il est encore trop tôt pour dresser un véritable bilan, mais déjà se dessinent les contours d’un style et d’une personnalité. Ce nouveau pape impressionne par son port, son attachement à la liturgie, son respect du protocole. À rebours de son prédécesseur, il soigne ses interventions, cite volontiers les grandes figures du catholicisme — y compris celles d’avant le concile Vatican II — et assume un ton plus doctrinal. Si ses premières nominations s’inscrivent encore dans une certaine continuité, les observateurs, tant du camp moderniste que conservateur, restent dans l’attente. Un attentisme nourri par des discours inauguraux qui laissent entrevoir un pontificat moins erratique, plus ordonné, plus lisible. Mais derrière cette volonté d’incarner pleinement la charge pontificale, demeurent les marques du modernisme postconciliaire — comme en témoigne son discours du 21 juin 2025 à la basilique Saint-Pierre, prononcé devant les représentants politiques de 68 nations membres de l’Union interparlementaire internationale. Parmi eux, de nombreux chefs d’État et hauts responsables, dont la Présidente du Conseil des ministres, Giorgia Meloni.
Dans cette adresse solennelle, le Saint-Père a ouvert son propos par une citation bien connue du pape Pie XI : « La politique est la forme la plus élevée de la charité » (Discours à la Fédération universitaire catholique italienne, 18 décembre 1927). Une formule qu’il reprend à son compte, y voyant l’expression d’un engagement chrétien authentique : la politique comme service concret du bien commun, comme signe tangible de la sollicitude de Dieu pour l’humanité. Cette vision, dit-il, s’inscrit dans le sillage de Fratelli tutti, l’encyclique de son prédécesseur.

Le Saint Père s’est adressé le 21 juin 2025 à la basilique Saint-Pierre, aux représentants politiques de 68 nations membres de l’Union interparlementaire internationale. Parmi eux, de nombreux chefs d’État et hauts responsables, dont la Présidente du Conseil des ministres, Giorgia Meloni.
Le pape Léon XIV a ensuite articulé son discours autour de trois réflexions majeures
La première porte sur le bien commun. En s’appuyant sur l’enseignement de Léon XIII, notamment dans Rerum Novarum, il a dénoncé les situations d’extrême pauvreté et d’exclusion, trop souvent ignorées par les décideurs. Ce déséquilibre, a-t-il souligné, engendre des injustices durables, terreau de violences et parfois de conflits. Une politique véritablement humaine, selon lui, se doit de promouvoir une distribution plus équitable des ressources, condition indispensable à une paix durable, tant au niveau national qu’international.
La deuxième réflexion concerne la liberté religieuse. Citant saint Augustin et l’idéal de la Civitas Dei, il a rappelé que toute société véritablement humaine doit avoir pour fondement la charité. Il a plaidé pour la reconnaissance d’un socle commun dans l’action politique, ouvert à la dimension transcendante, et a souligné l’importance de la loi naturelle, non écrite, mais universellement intelligible. Pour illustrer ce point, il a fait référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’ONU — une citation qui détonne dans le ton général du discours, s’inscrivant toutefois dans sa volonté de dialogue avec les institutions internationales.
Enfin, sa troisième réflexion portait sur l’intelligence artificielle. Le pape a mis en garde contre les risques d’une culture numérique déshumanisante, où la personne serait réduite à un simple ensemble de données. «Notre vie personnelle a plus de valeur que n’importe quel algorithme», a-t-il déclaré. Il a appelé à préserver des espaces relationnels que les machines, si perfectionnées soient-elles, ne sauraient remplacer. La politique, a-t-il insisté, ne peut rester spectatrice de ces bouleversements. Elle doit se montrer à la hauteur des attentes de citoyens partagés entre espoir et inquiétude face à cette nouvelle ère technologique.
En conclusion, Léon XIV a invité les dirigeants présents à s’inspirer de la figure de saint Thomas More, «martyr de la vérité et de la conscience», dont la fidélité au bien et à la justice jusqu’au sacrifice ultime reste, selon lui, un modèle indépassable pour quiconque exerce une charge publique. —
___________________________________________________________________________________
Newsletter N° 261 – 25 juin 2025 | Source : Perspective catholique