Jean-Pierre Saw – La saga du DDPS continue. Un ministre a remplacé l’autre, mais les dégâts laissés par cette dernière continuent de faire surface. Les media nous révèlent à présent que les États-Unis – une fois n’est pas coutume – nous ont bien eus. En effet, les fameux F-35 coûteront officiellement jusqu’à deux milliards plus chers (1), cinq selon Pierre-Alain Fridez (2).

À moins, bien sûr, que le Conseil fédéral y renonce, mais il a déjà prépayé 10 % de la facture finale. La population suisse, sensible aux sujets financiers, est divisée entre la volonté de ne pas perdre l’argent déboursé et le refus de dépenser plus que prévu. Entre ces considérations financières et un anti-américanisme grandissant, il est probable qu’une majorité de la population soit à présent opposée à l’acquisition de ces avions qu’elle avait validée en 2020 à 50.1%.
Même les spécialistes se demandent à quoi servent encore les chasseurs pour un pays qui ne cherche qu’à se défendre. Lors des conflits récents, les avions de combat ont servi à des missions offensives, lorsque la supériorité aérienne était acquise. Les combats aériens ont été quasiment absents des théâtres de guerre, sauf lors d’un affrontement entre l’Inde et le Pakistan les 7 et 8 mai 2025. À cette occasion, l’Inde semble d’ailleurs avoir perdu plusieurs appareils, mais ne l’a pas confirmé (3). Face à la puissance des drones et des missiles guidés, les pilotes ont-ils encore intérêt à s’exposer ? Ou une défense sol-air protéiforme et quelques appareils de police du ciel ne suffiraient-ils pas ?
Mais les considérations du chef de l’armée partant sont surtout d’ordre budgétaire : il sait bien que, pour élargir l’enveloppe prévue, il faudrait repasser devant le peuple. Sa dernière bonne idée serait donc de réduire le nombre d’appareils. On découvre pour l’occasion que, finalement, nous n’en sommes pas à un avion près, puisqu’il serait prêt à passer de 36 unités à 24, voire 18… Il serait pour le moins surprenant d’apprendre subitement que ces chiffres suffiraient à remplir les missions.
Toujours est-il qu’il faudra tirer la leçon de ces entourloupes contractuelles et se tourner vers d’autres partenaires à l’avenir. C’est d’ailleurs dans ce sens que se dirige la politique du Conseil fédéral, qui a décidé de réorienter les achats en armement vers le continent européen et la base industrielle suisse (4). C’est un pas essentiel vers une souveraineté retrouvée. Mais ici encore, il s’agira de rester diversifiés et de ne pas tomber d’une dépendance dans une autre.
En attendant, les pays européens de l’OTAN ont pris des engagements d’investissements à 5% de leur PIB. Il y a cependant fort à parier que la plupart des commandes iront vers les Etats-Unis, puisque la production de toute l’Union européenne était en 2024 trois fois inférieure à celle de la Russie pour les pièces d’artillerie, 30 fois pour les véhicules blindés et 36 fois pour les chars de combat (5)…
On commence à comprendre l’angoisse des dirigeants européens : ils dénoncent la prétendue menace russe, mais s’inquiètent surtout de leur propre faiblesse. —
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(1) L’achat des avions de combat F-35 pourrait coûter un milliard de plus que prévu, RTS 25.06.2025
(2) Les avions F-35 pourraient coûter jusqu’à… 5 milliards de plus, selon Pierre-Alain Fridez, Blick 2.07.2025
(3) Défense et sécurité internationale (DSI) n° 178, Juillet-août 2025, pp. 76-79
(4) https://www.vbs.admin.ch/fr/conseil-federal-strategie-politique-armement
(5) Défense : ces chiffres qui montrent le retard de l’Europe face à la Russie, L’Express 20.06.2025
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Newsletter N° 262 – 16 juillet 2025 | Source : Perspective catholique