Le 1er août ou le pacte oublié ?

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Eric BertinatLe propre de l’existence humaine, c’est sa brièveté. Il y a la naissance, il y a la mort. Il y a donc un commencement et une fin. C’est la seule certitude que nous possédons. À vrai dire, nous en avons une deuxième, un pressentiment pour certains : celle, inverse, de l’éternité, sans début ni fin. Elle est immuable et nous conduit à un seul Dieu trinitaire. Ce toujours, inépuisable, est aussi parfait et assuré que notre incarnation est passagère et imparfaite. Mais cette vie que l’on nous donne un jour, il nous faut l’aimer et la respecter, l’entretenir aussi bien humainement que spirituellement, en nous préoccupant de notre passage terrestre, court, et de notre éternité, longue, sans fin.

Ce rapport au temps et à la finitude ne concerne pas seulement les individus. Il concerne aussi les sociétés, les nations. À leur manière, elles aussi naissent, vivent, déclinent. Il en est ainsi de notre pays. La Suisse n’est pas éternelle. Elle a une naissance historique que nous situons en 1291 avec son pacte fédéral, de nature juridique et défensive. Quant à la date de sa mort, nous ne la connaissons pas, mais nous pressentons qu’elle pourrait être proche, au regard du peu de sérieux avec lequel population et gouvernants traitent ses valeurs fondatrices, à commencer par ses racines chrétiennes.

Par sa prudence, sa retenue à se mêler des affaires d’autrui, son attachement à l’indépendance et au devoir d’État, la Suisse s’est longtemps illustrée par des qualités façonnées autant par sa géographie, montagnes rudes, plaines hospitalières, que par sa proximité avec des pays de haute culture et d’héritage chrétien commun.

Tout cela a tenu jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Jusqu’à l’irruption de la modernité, non seulement grâce à la technologie, l’industrie, les communications, les énergies, mais surtout les idéologies : celle des utopies, du relativisme, du dénis de la réalité, du rejet du droit naturel et, évidemment, du christianisme.

En cette Suisse de 2025, nous sommes confrontés à des choix cruciaux. Des choix qui nous couperaient de notre histoire, de notre culture, de notre mission, si clairement dessinée par saint Nicolas de Flüe : – Ne te mêle pas des affaires de tes voisins.

Nous voilà tentés de nous fondre dans l’Union européenne, de nous enserrer dans les griffes de l’OTAN, de renoncer définitivement à notre neutralité armée, de prendre parti en appliquant des sanctions dictées par d’autres, de nous soumettre à des législations étrangères, jusque dans l’éducation sexuelle données dans nos écoles (UE, ONU, OMS, UNESCO, UNFPA, etc.).

La Suisse, qui ne tire sa force que de la protection vigilante de ses faiblesses, risque purement et simplement de se dissoudre dans le magma mondialiste et immigrationniste. De la messe dominicale à celle, démocratique, des soirs de votation, ne nous restera-t-il plus que quelques retraités rassemblés dans des stades trop grands, regardant des sportifs sans lien ni mémoire commune ?

Si l’homme doit veiller à sa vie brève en pensant à son éternité, alors les peuples doivent, eux aussi, entretenir leur identité passagère en regardant vers leur destinée collective. Un pays, comme un être, peut mourir d’indifférence ou s’élever par fidélité à ce qu’il est. L’histoire ne retient pas les nations qui se renient, mais celles qui savent qui elles sont.

Le 1er août n’est donc pas seulement une fête : c’est un rappel !

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Eric Bertinat
Éric Bertinat est une figure active du catholicisme traditionaliste et de la politique genevoise. En 1988, il cofonde la revue Controverses, influente dans les milieux catholiques traditionalistes francophones. Il fonde également en 2010 l’association Perspective catholique, engagée sur des questions sociétales en lien avec la doctrine chrétienne. Journaliste et collaborateur régulier de plusieurs publications (Le Vigilant, Présent, Una Voce Helvetica, etc.), il entame aussi une longue carrière politique. Élu député au Grand Conseil de Genève en 1985 sous la bannière de Vigilance, il y revient en 2005 et occupe plusieurs postes clés jusqu'en 2013. Il est également membre du Conseil municipal de Genève dès 2011, y occupant diverses présidences de commissions jusqu'en 2021.Il en est élu président le 5 juin 2018 pour 2018-2019.

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