E-ID, première étape de l’intégration à l’UE ? Entretien avec Michelle Cailler, présidente du MFR

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Alexandra Klucznik-Schaller – Suite à un referendum initié par le Mouvement Fédératif Romand (MFR)1, le 28 septembre prochain, les citoyens Suisses – sans doute les seuls au monde – seront appelés à voter pour ou contre l’introduction de l’identité électronique (e-ID)De fait, l’e-ID s’insère dans un contexte beaucoup plus large et est en passe d’être imposée dans un grand nombre d’États par les gouvernements ou agences onusiennes. Le contexte est celui de l’Agenda 2030 décliné en 17 objectifs de développement durable (ODD). L’ODD 16.9, comme on peut le lire sur le site de la Confédération, est celui qui s’intéresse à l’identité numérique2L’Agenda 2030 est un «plan d’action pour l’humanité» 3 aux visées nobles : promotion de la paix, éradication de la pauvreté, protection de l’écologie ; mais la révolution qui s’annonce est sujette à caution, car comme on le sait, c’est dans les détails que le diable se cache : disparition des prérogatives étatiques, introduction de l’argent numérique de type ID4D4, réorganisation des villes5

Le débat s’impose, aussi, nous sommes allés à la rencontre de Michelle Cailler, présidente du MFR, qui nous a accordé un entretien sans concessions : « le 28 septembre est une date charnière. Si nous perdons ce combat, tous les autres seront perdus d’avance. L’identité numérique, c’est le verrou de protection de notre souveraineté. » Si le oui passe, l’identité numérique sera déployée dès 2026, mais est-il raisonnable de lutter contre le progrès technique ? Que peut la Suisse ? Comment font les autres pays ? Quels sont les enjeux et quelles pourraient être les alternatives ?

«Inspirés par la vision d’une démocratie où chaque citoyen est souverain, nous œuvrons pour un renouveau ancré dans l’héritage helvétique et ouvert aux défis de notre temps», lit-on sur le site du Mouvement Fédératif Romand, autant dire que le MFR c’est David contre Goliath, la démocratie directe à l’épreuve du feu.

Alexandra Klucznik-Schaller : Mais au fait, pourquoi on vote sachant que la question de l’identité numérique a déjà été soumise à consultation en 2021 et refusée à près de 65% des votants ?

Michelle Cailler : Contrairement à ce que beaucoup croient, il ne s’agit pas du même projet que celui rejeté en 2021. Le 20 décembre 2024, le Parlement suisse a adopté une nouvelle loi fédérale sur l’identité électronique et d’autres moyens de preuves électroniques (LeID). Cette adoption s’est faite de manière relativement discrète, presque en catimini, sans que les médias n’en parlent suffisamment. Il a fallu la vigilance de citoyens pour remarquer ce vote sinon aucun référendum n’aurait été mis en route et l’identité numérique aurait été acceptée sans vote populaire.
Suite à cette adoption parlementaire, un référendum a été lancé par le comité “Loi sur l’e-ID Non” et d’autres organisations. Dans les 100 jours suivant la publication de la loi, il a fallu récolter 50’000 signatures valables. 55’683 signatures ont été déposées, dont 55’344 valides, permettant ainsi d’aboutir au référendum qui aura lieu le 28 septembre 2025.
Il est important de comprendre que le système démocratique suisse autorise explicitement le Parlement à adopter de nouvelles lois sur un même sujet, même après un refus populaire. C’est un principe fondamental de notre démocratie directe : tant qu’une nouvelle loi respecte les critères constitutionnels et qu’elle présente des différences par rapport à la précédente, le Parlement peut la proposer.
Les instruments de démocratie directe – référendum facultatif et initiative populaire – permettent alors aux citoyens de s’exprimer à chaque nouvelle tentative. C’est exactement ce qui se passe actuellement : le référendum facultatif a été utilisé pour contester cette nouvelle loi sur l’e-ID.
Cette situation soulève néanmoins des questions fondamentales sur notre système démocratique. Quand le Parlement peut faire autant de tentatives qu’il le souhaite pour arriver au résultat désiré, cela interroge sur le respect de la volonté populaire.

En 2021, le peuple avait clairement exprimé son opposition à l’e-ID avec 64,4% de non. Seulement quatre ans plus tard, Berne tente de faire passer un projet similaire sous une nouvelle apparence. Cette persistance parlementaire, bien que légale, peut légitimement être perçue comme un contournement de la volonté populaire exprimée démocratiquement. 
Le fait que le Parlement puisse ainsi réitérer ses propositions indéfiniment pose question sur l’équilibre des pouvoirs dans notre démocratie. Cela crée une asymétrie : les autorités peuvent revenir à la charge autant de fois qu’elles le souhaitent, tandis que les citoyens doivent constamment mobiliser leurs ressources et leur énergie pour s’opposer aux projets qu’ils ont déjà refusés.
Si nous votons à nouveau sur l’identité numérique, c’est parce que notre système le permet et que le Parlement a choisi d’user de cette possibilité. Bien que cela soit légal, cette pratique questionne l’essence même de notre démocratie directe. Elle nous rappelle que la vigilance citoyenne doit être permanente et que chaque vote compte, même quand on a l’impression de revivre la même bataille.

AKS :  De nombreux pays disposent déjà ou sont en train de développer une identité numérique. L’UE met en place un portefeuille numérique. Les résidents de Singapour ont un SingPass pour accéder aux services gouvernementaux et privés. En Chine, le système d’identité est même intégré aux réseaux sociaux et lié à la reconnaissance faciale. Est-ce que refuser l’identité numérique est seulement possible ? Quelles seraient vos alternatives ?

Michelle Cailler : Le système actuel fonctionne parfaitement. Les cartes d’identité et passeports traditionnels offrent déjà toute la sécurité nécessaire sans compromettre notre vie privée. Pour les démarches administratives, des systèmes de login existent déjà et sont suffisants. Nous proposons de renforcer la protection des données dans les systèmes existants plutôt que de créer de nouveaux risques. L’innovation doit servir l’humain, pas l’asservir. Si numérisation il doit y avoir, elle doit respecter nos valeurs démocratiques : transparence totale du code source, contrôle citoyen, garanties constitutionnelles contre les dérives, et surtout, respect absolu du choix de ne pas participer. L’État affirme que l’e-ID est facultative. C’est un argument fallacieux que nous avons déjà entendu.

Le « facultatif » devient rapidement obligatoire. Nous avons vécu la même manipulation avec le certificat COVID. On nous disait qu’il était facultatif, mais concrètement, sans ce certificat, impossible d’accéder aux restaurants, transports, événements culturels. L’exclusion sociale était la sanction de ce « libre choix ». Pour l’e-ID, le mécanisme sera identique. Le Conseil des États a déjà décidé que les référendums et initiatives ne pourront plus être signés qu’avec l’e-ID. Cela signifie : sans smartphone et identité numérique, plus de participation démocratique ! Cette mesure transforme un droit fondamental en privilège technologique. 
Progressivement, l’e-ID deviendra indispensable pour accéder aux services bancaires, faire des achats en ligne, utiliser les transports publics. Le « facultatif » n’est qu’une stratégie de communication pour faire accepter l’inacceptable.

Un autre scandale, c’est l’obligation d’avoir l’e-ID pour refuser le don d’organes. Le peuple a accepté le consentement présumé en 2022 à 60,2%, mais le Conseil fédéral conditionne sa mise en œuvre à l’e-ID. Pour s’inscrire dans le registre de refus de don d’organes, il faudra l’identité électronique. C’est une extorsion du consentement ! Sans smartphone et e-ID, impossible de refuser le prélèvement d’organes. Franz Immer, directeur de Swisstransplant, « s’irrite qu’on doive attendre ainsi », mais le gouvernement persiste.
Cette mesure transforme un droit fondamental en privilège technologique. C’est exactement le mécanisme que nous redoutons : l’e-ID devient progressivement obligatoire pour exercer ses droits les plus élémentaires.

AKS : Vous pointez sur une possible collusion entre les intérêts du secteur privé impliqué dans le projet de l’e-ID, et la sécurité des données personnelles. Connait-t-on déjà les acteurs privés qui vont collaborer avec l’Etat ? Identifiez-vous des risques ?

Michelle Cailler : ELCA et la collusion d’intérêts avec Cédric Moret, car c’est ELCA qui a obtenu le contrat pour développer la plateforme de vérification de l’e-ID suisse. Un contrat de 11 ans d’une valeur de 12,8 millions de francs ! Cédric Moret, le multimillionnaire vaudois qui possède ELCA, est déjà au cœur du scandale Serafe. Sa société contrôle indirectement Serafe via 63,5% des parts de Secon. Six millions de francs de dividendes ont été versés rien qu’en 2024 grâce à la perception de notre redevance radio-TV. Et maintenant, la même entreprise ELCA va gérer notre identité numérique ! C’est un conflit d’intérêts majeur. Cédric Moret a des liens étroits avec le PLR : son ex-épouse Isabelle Moret est conseillère d’État PLR, et deux poids lourds du parti siègent au conseil d’administration d’ELCA : Thierry Burkart (président du PLR) et Pascal Broulis.
Cette collusion entre secteur privé et pouvoir politique est exactement ce que nous dénonçons. Comment faire confiance à une entreprise commerciale pour gérer nos affaires privées les plus sensibles ?

AKS : Il est souvent question du crédit social chinois. En effet, en Chine, les citoyens sont soumis à un système à points ; si leur score social – ou celui d’un proche – est bas, ils ne peuvent pas accéder à certains postes de travail, voyager à l’étranger, ou intégrer l’école de leur choix. Vous pensez que l’e-ID permettrait la mise en place d’un système similaire ?

Michelle Cailler : L’identité électronique constitue la base technique fondamentale pour l’implémentation d’un système de crédit social. Contrairement aux affirmations rassurantes des autorités, cette infrastructure numérique centralisée représente la clé de voûte d’un dispositif de contrôle total des citoyens. Le système suisse d’e-ID, même présenté comme décentralisé et respectueux de la vie privée, crée une architecture de surveillance qui pourra être facilement détournée. Une fois cette infrastructure en place, il devient techniquement simple d’y greffer des mécanismes de notation comportementale et de restriction d’accès aux services.

AKS : Il est de plus en plus question de monnaies numériques qui seraient garanties par une banque centrale, détenus sur smartphones et qui fonctionneraient sans compte bancaire. Les CBDC seraient programmables et pourraient être conditionnés. Leur popularisation nécessite l’e-ID car l’e-ID permettra le contrôle ?

Michelle Cailler : l’’Euro Numérique – ou le franc numérique ou tout autre système de monnaie numérique – est l’outil de contrôle absolu. L’euro numérique programmable, mais toutes les CBDC sont programmables, est prévu pour octobre 2025 et représente l’aboutissement de cette logique de contrôle. Cette monnaie sera programmable, permettant aux autorités de restreindre les achats selon des critères comportementaux, imposer des dates d’expiration aux fonds détenus, surveiller en temps réel toutes les transactions, conditionner l’accès aux services selon le comportement citoyen.
Contrairement aux assertions de la BCE qui nie la programmabilité, les caractéristiques techniques de l’euro numérique en font une monnaie conditionnelle sans précédent dans l’histoire humaine.

AKS : Sachant que la Suisse a un système politique très particulier dont la démocratie directe est le pivot central, est-il vraiment pertinent de faire ce genre de comparaisons ? 

Michelle Cailler : Pourquoi notre système politique ne nous protègera pas ? La Suisse subit une pression constante pour s’aligner sur les standards internationaux. L’identité numérique européenne et l’euro numérique s’imposent comme des normes auxquelles la Suisse ne pourra échapper. Les accords de reconnaissance mutuelle et l’interopérabilité technique créent une dépendance structurelle qui limite notre souveraineté décisionnelle. Les institutions suisses, y compris le Parlement, adoptent progressivement ces technologies sous couvert de modernisation et d’efficacité. Le caractère prétendument “volontaire” de l’e-ID masque une obligation de facto pour accéder aux services essentiels.
Les décisions déterminantes sont désormais prises au niveau technique et réglementaire, échappant au contrôle démocratique direct. Les citoyens votent sur des lois-cadres sans comprendre les implications concrètes des choix techniques.
Le processus d’accoutumance progressive fait accepter des restrictions qui auraient été impensables auparavant. La crise sanitaire a démontré la facilité avec laquelle des mesures exceptionnelles deviennent permanentes.
La combinaison e-ID/euro numérique créera un écosystème de surveillance totale où chaque action citoyenne sera tracée, évaluée et potentiellement sanctionnée. Les exemples de restrictions possibles incluent : limitation des déplacements selon le “comportement environnemental” ; restriction d’accès aux services selon la “réputation sociale ; conditionnement des aides selon la conformité comportementale ; exclusion progressive des récalcitrants du système économique. 
Nous devons refuser cette architecture de contrôle avant qu’il ne soit trop tard. L’histoire nous enseigne que les libertés perdues au nom de la sécurité et de l’efficacité ne sont jamais récupérées sans combat.

AKS : La Suisse, avec les Bilatérales IIl s’achemine vers un approfondissement de ses relations avec l’Union Européenne, l’alignement impliquerait d’abandonner le Franc Suisse au profit d’un Franc numérique ?

Michelle Cailler : Pour le franc numérique il convient de s’intéresser au projet Helvetia qui est déjà très avancé, sur la mise en place des monnaies numériques de gros. De là il n’y a qu’un pas à l’adapter au privé. Or, le-ID et le CBDC permet le contrôle total de l’individu.

J’aimerais juste conclure avec cette analyse : l’e-ID est la porte d’entrée vers l’adhésion à l’UE. Ceux qui s’opposent aux Bilatérales III doivent comprendre que l’e-ID est le pied dans la porte pour l’adhésion de la Suisse à l’UE. L’UE impose son portefeuille d’identité numérique européen (EUDI Wallet) à tous les États membres d’ici fin 2026. La Suisse développe délibérément son e-ID pour être « euro-compatible » (wallet Swiyu). Dans les documents officiels, il est explicitement mentionné que cela faciliterait la conclusion d’un accord bilatéral avec l’UE.
Si l’e-ID passe, voici la séquence prévisible : premièrement, dès 2025-2026, mise en place de l’e-ID « euro-compatible ». Ensuite, dès 2026, initiative pour l’inscription du cash dans la Constitution, mais attention au contre-projet qui ne parle que de numéraire ; pas de pièces et billets ! Troisièmement, probablement vers 2026-2027, refonte de la LEp (Loi sur les épidémies) avec mesures sanitaires contraignantes. Quatrièmement, dès 2027, rejet possible de l’initiative sur la neutralité. Et finalement, en 2027-2028, votation sur les Bilatérales III, avec une Suisse déjà intégrée numériquement à l’UE.
Quand les verrous un, deux, trois et quatre auront sauté, il n’y aura plus rien à voter ! Les contrats bilatéraux III seront déjà actés car la Suisse sera totalement alignée sur l’UE. Le référendum qu’il soit facultatif ou obligatoire ne sera qu’une formalité ! 
L’e-ID n’est pas un simple progrès technique. C’est la première étape de notre intégration forcée à l’UE, suivie de la disparition du cash et de l’instauration d’un système de surveillance généralisée.
Pendant que tout le monde se prépare pour le vote sur les Bilatérales III en 2027-2028, la Suisse se fait discrètement intégrer à l’UE. L’e-ID, c’est le cheval de Troie de cette stratégie.
C’est pourquoi le 28 septembre est une date charnière. Si nous perdons ce combat, tous les autres seront perdus d’avance. L’identité numérique, c’est le verrou de protection de notre souveraineté. Une fois ce verrou sauté, il sera trop tard.

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CONCLUSION

Comme nous le voyons, le débat doit être largement engagé car notre avenir collectif est à la croisée des chemins. Si l’e-ID est adoptée, il est déjà prévu qu’elle soit stockée sur smartphone dans une application appelée Swiyu. A terme Swiyu fera office de portefeuille électronique (wallet), dans lequel il sera possible d’inclure les moyens de paiements, le permis de conduire, le dossier fiscal, le dossier médical. Dans certains pays, les gens acceptent de se faire injecter des puces électroniques, car c’est encore plus pratique.

A terme, l’e-ID sera certainement obligatoire pour se connecter en ligne, et il n’est pas exclu que – pour des raisons liées à la sécurité et donc pour établir le profil psychologique de tout utilisateur – les informations sur les sites visités, les commentaires effectués, les échanges et les contacts, soient stockés et analysés par une intelligence artificielle qui aura pour objectif la quotation des risques et le scoring des récalcitrants. Il est également probable que l’échange d’informations soit internationalisé et que le secteur privé soit à la manœuvre.

Considérons un instant le livre de l’Apocalypse comme un avertissement : « Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçoivent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne puisse acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête, ou le nombre de son nom. »

Rappelons donc le cœur du message christique : Dieu nous aime et c’est pour cela qu’il nous a donné la liberté de choisir en toute conscience et sans contrainte, rendons grâce à son amour.

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1 https://www.mouvement-federatif-romand.ch/
2 https://www.sdgital2030.ch/targets/16.9#description
3 https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/development-agenda/
4 https://id4d.worldbank.org/
5 Comme le programme C40 Cities : https://www.c40.org/

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