Eric Bertinat – Alors que l’Europe et une grande partie du monde occidental font face à une crise démographique sans précédent, la question de l’avortement revient avec insistance dans le débat public. La chute des naissances, conjuguée au vieillissement rapide de la population, fragilise les systèmes sociaux, réduit la main-d’œuvre disponible et menace la pérennité économique de sociétés entières. Si les gouvernements cherchent des solutions dans l’immigration, les réformes sociales ou la natalité incitative, un élément central reste peu discuté : l’impact des politiques d’avortement sur ce déclin.
Aux États-Unis, la fermeture récente de la plus grande clinique Planned Parenthood à Houston marque une victoire symbolique pour les mouvements pro-vie. Cet établissement, autrefois présenté comme un bastion de l’avortement, illustre bien la place considérable de cette pratique dans la régulation des naissances. La fermeture de structures physiques témoigne d’une volonté politique et militante de réduire le nombre d’avortements et de replacer la vie à naître au centre du débat. Or, l’usage croissant de la vente en ligne de la pilule abortive représente un danger terrible pour l’avenir de l’espèce humaine : elle rend l’avortement banalisé, immaîtrisable, ouvert à tous les abus, et réduit la vie humaine au rang d’une simple maladie qu’il suffirait de soigner par un comprimé.
En Europe, la situation démographique est encore plus préoccupante
Dans la plupart des pays européens, le solde naturel est négatif : on compte désormais davantage de décès que de naissances. En Italie, en Grèce, en Hongrie ou encore en Lettonie, les projections indiquent un effondrement démographique massif si la tendance se poursuit. Sans immigration, certains pays pourraient perdre près de la moitié de leur population d’ici la fin du siècle. Or, dans ce contexte d’effritement de la natalité, chaque vie supprimée par l’avortement pèse lourdement sur l’équilibre déjà fragile des générations.
La Suisse, quant à elle, vient d’adopter une mesure qui accentue cette tension : à partir de 2027, l’assurance maladie couvrira intégralement les frais d’avortement. Présentée comme un signal de progrès social et une aide aux femmes en difficulté, cette décision suscite de vives réactions. Les partisans de la réforme y voient une avancée féministe, tandis que ses opposants dénoncent un encouragement indirect à l’interruption de grossesse, au moment même où l’Europe se débat avec un déficit de naissances dramatique. Certes, le taux d’avortement y demeure bas comparé à d’autres pays, mais chaque geste politique qui banalise l’interruption volontaire de grossesse ne peut être dissocié de la question démographique.
La juxtaposition de ces faits met en évidence un paradoxe : l’Occident redoute son déclin démographique et cherche désespérément des solutions pour maintenir ses populations, mais il continue à promouvoir, légaliser et parfois même financer l’avortement. Or, comment espérer inverser la courbe démographique si l’on ne s’attaque pas à cette cause directe de la diminution des naissances ?
En définitive, l’avortement n’est pas seulement un sujet moral ou sociétal : il est au cœur des enjeux démographiques du XXIe siècle. Face à cette réalité, l’Église catholique rappelle avec force son rejet formel de l’avortement, qu’elle considère comme une atteinte grave à la dignité humaine. Elle affirme que la vie doit être respectée et protégée dès sa fondation, c’est-à-dire dès le moment de la conception, car elle n’est pas une donnée relative mais un don sacré de Dieu. À force de banaliser l’élimination des plus fragiles — en particulier à travers la pilule abortive, qui introduit une pratique catastrophique pour les femmes et pour la société, aux conséquences encore difficiles à imaginer aujourd’hui — nos sociétés basculent dans une véritable culture de mort, où l’homme s’arroge le droit de décider qui peut vivre et qui doit mourir. Si cette logique se poursuit, l’humanité elle-même se verra privée de son avenir. C’est seulement en redonnant toute sa valeur à la vie humaine, dans toutes ses étapes, que nous pourrons relever durablement le défi démographique et spirituel qui se présente à nous.