Initiative fédérale antiburqa : la cocasse conférence de presse du Conseil fédéral

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Eric Bertinat – Le 7 mars prochain, les Suisses voteront sur l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage». Lancée par le comité d’Egerkingen, proche de l’UDC, l’initiative vise clairement l’islamisme radical et le port du voile pour des motifs criminels. Le comité d’Egerkingen n’est pas un inconnu pour le grand public : il est l’auteur de l’initiative contre les minarets (2009) qui, à la surprise générale, a été acceptée par les Suisses après une campagne épique.

Le Conseil fédéral a fait connaître sa position le 20 janvier dernier. Couverte d’un élégant masque en tissu noir, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a lancée, devant les médias, la campagne du non à l’initiative antiburqa. Il y a un an, il était encore inimaginable pour nous qu’à cause de la crise du coronavirus, on doive aujourd’hui tous porter un masque, a déclaré la Cheffe du Département fédéral de justice et police. Et de curieusement avouer. Quand on se rencontre, on doit pouvoir voir le visage de l’autre, car on peut y lire beaucoup de choses. Voir le visage de l’autre comme fondement des relations humaines dans nos sociétés occidentales, c’est justement l’argument qu’avancent les initiants pour défendre leur texte. Quelle influence aura dès lors la situation sanitaire sur la campagne? Je ne peux pas en juger, répond la ministre de la Justice, tout en reconnaissant qu’il y a une certaine ironie à ce que nous ­devons voter sur cet objet juste maintenant.

Dans le camp des partisans de l’initiative, on profite de la situation. Ce que j’espère, déclare Jean-Luc Addor, conseiller national UDC, c’est que, comme les Suisses se sont retrouvés à expérimenter ce que représente comme atteinte à la liberté le fait de devoir porter un masque, ils comprendront plus facilement l’enjeu de l’initiative. A noter que l’initiative prévoit quelques autres exceptions: pour des raisons de «sécurité» (port d’un casque à moto ou à skis par exemple), pour des raisons «climatiques» (port d’une cagoule en hiver) ou pour des «coutumes locales», en particulier les masques de carnaval.

L’un des principaux arguments soutenu par les autorités est, qu’en dehors des touristes, il n’y aurait qu’une trentaine de femmes en Suisse qui portent un voile intégral, selon une étude de l’Université de Lucerne : La plupart de ces femmes ne subiraient aucune contrainte de leur père ou de leur mari pour porter un niqab et seraient en majorité des Suissesses converties à l’islam.

Comme Jean-Luc Addor, beaucoup de Suisses doutent des résultats de cette étude. Et le Valaisan de reconnaître: Le phénomène est heureusement encore marginal, mais le but de l’initiative est de prévenir une dégradation de la situation, comme cela se passe en France.

A noter, fédéralisme oblige, que les cantons de Saint-Gall et du Tessin connaissent déjà une telle interdiction de se dissimuler le visage. D’autres y ont renoncé, comme Glaris, Zurich et Zoug. Une quinzaine de cantons ont introduit en revanche une interdiction de se dissimuler le visage, mais limitée aux événements sportifs et manifestations. L’objectif est d’éviter les débordements de violence, ce que l’initiative prévoit.

Le scénario «minarets» pourrait bien se répéter à observer bien peu d’enthousiasme dans le camp des opposants à l’initiative, qui la jouent battus d’avance et se sont montrés très discrets jusqu’ici. Mais la campagne ne fait que commencer. (cet article a paru dans Présent du 27 janvier 2021)

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Lettre d’information N° 40 – 30 janvier 2021 | Source : Perspective catholique

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Eric Bertinat
À la suite de la décision de Mgr Lefebvre de consacrer quatre évêques, Éric Bertinat cofonde, avec ses amis les abbés La Praz et Koller, la revue Controverses (1988-1995). En 2010, il fonde l’association Perspective catholique, engagée sur des questions sociétales en lien avec la doctrine chrétienne. Journaliste et collaborateur régulier de plusieurs publications (Le Vigilant, Présent, Una Voce Helvetica, etc.), il entame également une carrière politique dès 1984. Élu député au Grand Conseil de Genève en 1985 sous la bannière de Vigilance, il y revient en 2005 avec l’UDC et occupe plusieurs postes clés jusqu’en 2013. Il est aussi membre du Conseil municipal de Genève à partir de 2011, où il exerce diverses présidences de commissions jusqu’en 2021. Le 5 juin 2018, il est élu président de ce Conseil pour la période 2018-2019.

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