
La France est sous le choc : le procès retentissant des viols de Mazan fait prendre conscience de l’ampleur du phénomène de la soumission chimique. Une mission gouvernementale sur ce sujet avait été lancée en avril avec à sa tête la députée Modem, Sandrine Josso, elle-même victime de ce procédé. Thomas Bläsi, pharmacien et conseiller national UDC, fort de son expérience professionnel, a déposé à son tour une motion qui s’attaque aux médicaments utilisés de manière détournée afin d’induire une soumission chimique des victimes.
Perspective catholique : « Est-ce si facile de se procurer ces « médicaments dans une pharmacie en Suisse ? »
« Les médecins ne doivent en aucun cas transmettre à leurs patients des ordonnances par voie électronique (par ex. : courriels ou whatsapp). Dans ces conditions, les patients pourraient dupliquer à volonté les prescriptions médicales et en faire un mauvais usage en les présentant dans plusieurs officines. » (Circulaire aux médecins et aux pharmacie du canton de Genève du 06.04.2020).
Thomas Bläsi : La circulaire ci-dessus, qui n’est qu’un rappel des bonnes pratiques de la transmission des ordonnances, semble claire n’est-ce pas ? Et pourtant sur le terrain ce sont entre 30 et 40 % des ordonnances reçues par les officines qui sont présentées par les patients sur leur téléphone portable sans aucune forme de sécurisation électronique. Donc oui il est beaucoup trop facile en Suisse d’obtenir des médicaments pouvant faire l’objet d’un usage détourné !
Et pour le dire sans détour il me devient insupportable de lire dans les journaux les conséquences tragiques de ce que l’on ne peut qualifier que d’une manière : un laxisme crasse !
« Est-ce donc si facile de falsifier une ordonnance ? »
C’est là que le bât blesse dans le cas précis qui nous occupe. Il ne s’agit pas d’ordonnances falsifiées mais d’ordonnances qui suite à la façon dont elles sont transmises aux patients permettent d’obtenir un nombre d’emballages quasi illimité en la présentant dans plusieurs officines qui n’ont aucun moyen de savoir si ladite ordonnance a déjà été présentée ailleurs. Ces ordonnances sont généralement payées en cash, les caisses-maladie n’ont donc aucune possibilité d’intervenir puisque dans ces cas aucune demande de remboursement n’est faite. Quant aux services des pharmaciens et des médecins cantonaux, ils ne sont pas en capacité de sanctionner la pratique car il faudrait sanctionner la quasi-totalité des médecins et bloquer la délivrance de 30% à 40% des médicaments ce qui reviendrait à paralyser tout le système de santé.
Vous êtes vous-même pharmacien à Genève, avez-vous été confronté à cette pratique ? »
Oui, tous les jours ! Une ordonnance sur trois est présentée sur son portable ! Ce qu’il est indispensable de comprendre c’est que dans les faits 99,9% de ces ordonnances ne sont pas concernées par un problème d’usage détourné. Cette présentation étant particulièrement confortable pour le patient et le prescripteur. Pourquoi donc vouloir l’empêcher me direz-vous ? Eh bien car dans le 0,1% restant c’est un drame humain assuré, l’usage détourné du médicament permettant d’accomplir des viols, des actes de pédophilie, des vols et autres horreurs.
Les pharmaciens sont-ils tolérants ? Non ils font ce qu’ils peuvent pour éviter au maximum ces drames. La plupart se fixent leurs propres règles de délivrance pour identifier le risque représenté par ce 0,1%. Dans mon officine, présentés sur un portable, nous ne délivrons pas les produits identifiés comme susceptibles d’être utilisés pour soumettre chimiquement une personne. Ce sont ensuite des conversations interminables avec des patients car sous traitement puis avec leur médecin qui nous trouve particulièrement tatillons. Il ne faut pas minimiser l’impact de ces interactions qui sont épuisantes pour nous et qui mènent parfois le médecin contrarié à vous expliquer qu’il ne vous enverra plus de patients car vous êtes trop « compliqué ».
« A la suite des procès des tristes individus qui se sont fait attrapés, y a-t-il eu des poursuites à l’encontre des médecins et pharmaciens qui ont été mêlés à ces affaires ? »
Il faudrait être en capacité d’identifier le médecin prescripteur et la pharmacie qui a effectué la délivrance. La police et la justice ont devant eux une victime quand ce n’est pas un cadavre avec une substance dans son sang. La victime n’ayant pas elle-même acquis le produit, et le criminel ayant pu l’acheter à une tierce personne responsable de la fraude mais n’ayant à son stade agit que pour des raisons mercantiles. Une boîte vendue en pharmacie pour une trentaine de francs se revend entre 500frs et 1000frs sur le marché noir à Genève selon le cours du jour ! Les services cantonaux ayant pour les raisons expliquées plus haut une impossibilité à faire leur travail. Et n’oublions pas l’obstacle principal ! Ces produits provoquant une amnésie antérograde la victime est le plus souvent dans une incapacité d’identifier l’auteur. Le crime parfait en somme…
Pourquoi ne pas exiger que la législation actuelle définisse clairement l’usage des médicaments ?
L’usage des médicaments est déjà clairement défini mais il y aura toujours des criminels pour chercher les failles du système, la pratique actuelle en fait un gouffre. Dans l’urgence et en attendant l’introduction du dossier électronique du patient qui doit contribuer à améliorer les choses, il faut agir ! La solution la plus simple est donc d’uniformiser la forme de l’ordonnance en l’assortissant d’un QR code permettant au pharmacien de savoir si l’ordonnance est bien émise par un médecin et si le médicament a déjà été délivré ainsi que la durée de validité de l’ordonnance. Cela peut être une solution transitoire qui assurera un contrôle efficace pour les médecins et les pharmaciens cantonaux.
Pensez-vous que l’exécutif fédéral puisse rapidement donner suite à votre motion ? Et que ces mesures seront bien accueillies par ces mêmes professionnels de la Santé ? »
Je suis conseiller national depuis peu et le premier pharmacien siégeant aux Chambres fédérales depuis 50 ans au moins, je suis dans mon rôle en proposant des solutions qui puissent être simples, financièrement supportables et efficaces pour sécuriser les médicaments. Il ne fait par contre pas partie de mes prérogatives de satisfaire tous les professionnels de la Santé. Je ne peux qu’espérer que ces mesures soient bien accueillies mais cela ne constituera jamais une limitation à mon travail parlementaire. Si la décision est prise au niveau du Conseil fédéral, la mise en place de ma motion pourrait être très rapide, les officines ayant toutes des systèmes informatiques intégrés et une connexion Internet hautement sécurisée pour garantir la protection des données médicales entre autres. —
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Newsletter N° 237 – 18 septembre 2024 | Source : Perspective catholique