Abbé Thibault de Maillard, FSSPX – Les piétons qui circulent en ville avec un casque sur les oreilles n’entendent pas arriver les véhicules. Chaque semaine, plusieurs partent aux urgences victimes de leur amour de la musique. Signes d’un besoin d’écoute presque permanent, ces accidents dénotent à quel point nous vivons dans une culture du bruit. Cette culture est un obstacle pour le plein épanouissement de notre vie intellectuelle qui nécessite du silence.

Ecouter de la musique est indémodable. Ecouter pour oublier, pour s’évader, fait partie aujourd’hui des gestes de tous les jours. La musique devient le médium d’une constante fuite du silence. Dans la pensée chrétienne, le recours constant aux distractions est signe de superficialité et de malheur. Pascal dit que « si l’homme était heureux, il le serait d’autant plus qu’il serait moins diverti, comme les saints et Dieu »[1] . L’homme qui écoute perpétuellement vit à la surface de l’existence, comme s’il cherchait toujours à fuir la vie intérieure.

Le silence est donc un face-à-face. Dans le silence, chacun se trouve seul avec son imagination remplie de souvenirs et de projets, sans rien pour détourner la pensée. Pour peu que passé et futur soient sans saveur, et le face-à-face revêt un caractère lassant. La fuite du silence est donc le signe d’un malaise intérieur. Pourtant, la méditation silencieuse est un levier indispensable de perfectionnement et d’épanouissement personnel. Témoin de cette vérité cette maxime citée par le philosophe Plutarque, qui dit que « ceux qui parlent peu n’ont pas besoin de beaucoup de lois. »[2] Le refus du silence est aussi un refus de l’effort. Le monde moderne cherche à tout prix à éviter la douleur et l’inconfort. Le silence appelle un libre effort intérieur. Mais cet effort, avec la pratique de la méditation, est riche de fruits nombreux.

Dans la pensée catholique, la pratique de la méditation – surtout celle des choses divines – nous permet de saisir la vraie profondeur des choses terrestres. Saisir la valeur des choses terrestres à la lumière de Dieu, c’est s’en détacher et cultiver la paix intérieure. Saint Grégoire dit que « ceux qui […] s’adonnent à la spiritualité deviennent sourds et muets pour toutes les choses de la terre »[3]. S’il y a un souhait à formuler pour que croisse notre richesse intérieure, c’est bien celui du silence. Refuser la culture du bruit pour s’adonner à la lecture et à la méditation est une condition indispensable de vie intérieure, de vie intellectuelle, et aussi de profondeur de jugement.

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[1]PASCAL, Pensées, Pocket, Paris, 2003, p. 148

[2]PLUTARQUE, oeuvres morales, T. 4, Lefèvre, Paris, 1844, p. 543, n° 232 b

[3]SAINT GREGOIRE, livre 7 sur Job


Lettre d’information N° 21 – 8 septembre 2020 | Source : Perspective catholique