L’affaire Jacques Baud expose une Europe autoritaire et une Suisse qui se tait

0
4

Eric Bertinat – Le 15 décembre 2025, sans audience, sans instruction, sans jugement, Jacques Baud, ancien colonel de l’armée suisse et analyste du renseignement reconnu s’est vu frappé de sanctions par l’Union européenne pour des analyses jugées «prorusses». Aucun dossier pénal. Aucune preuve rendue publique. Aucun débat contradictoire. Seulement une décision politique, prise par des instances administratives européennes, agissant à huis clos. En un instant, cette mise à l’index a mis en lumière non seulement l’état préoccupant du fonctionnement démocratique de l’Europe contemporaine, mais aussi la posture troublante d’une Suisse qui, face à la sanction infligée à l’un de ses citoyens, a choisi de baisser les yeux plutôt que de défendre un principe fondamental : la liberté de pensée et d’expression. L’affaire Jacques Baud agit comme un révélateur brutal de l’état politique et démocratique de l’Europe contemporaine et de la posture troublante de la Suisse face à celle-ci.

Face à cette décision lourde de conséquences pour l’un de ses citoyens, la Suisse a choisi la discrétion, pour ne pas dire l’effacement. Interrogé par Swissinfo, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) qui est l’organe suisse central pour la politique économique, y compris les relations avec l’Union Européenne (UE), s’est contenté d’indiquer que les sanctions européennes seraient prises «dans le respect de l’État de droit» et que les personnes concernées disposeraient de voies de recours. Les autorités suisses, précise-t-il, prennent généralement acte de ces décisions. Une réponse technocratique, qui évacue la question essentielle : un citoyen suisse peut-il être sanctionné politiquement par une puissance étrangère pour ses opinions, sans que son propre État n’élève la voix ?

Dès qu’il comprend qu’il est blacklisté par l’UE, Jacques Baud contacte la mission suisse auprès de l’Union européenne (via une représentation diplomatique suisse). Il sollicite un soutien ou, à tout le moins, des explications sur la position de la Suisse face à une sanction visant l’un de ses citoyens. Une représentante de la diplomatie suisse recontacte Jacques Baud par téléphone. Sa réponse se limite à une transmission d’informations procédurales (liens vers les voies de recours de l’UE), sans annonce de soutien politique ou diplomatique actif de la Suisse. Le 20 décembre 2025,
Roger Köppel, rédacteur en chef et éditeur du magazine Die Weltwoche publie un entretien approfondi avec Jacques Baud, dans lequel il déclare notamment recevoir un large soutien populaire, mais n’a aucun «contact», aucun appui officiel de la Suisse. L’entretien contribue à médiatiser l’affaire dans l’espace public suisse et germanophone. Alors seulement les services diplomatique se manifeste par un coup de téléphone, lui précisant qu’ainsi il a eu un «contact» avec les autorités suisses. Quel contact ? Il n’en saura pas plus…

Sanctionner les idées, taire les citoyens : ce que révèle l’affaire Jacques Baud
La Suisse négocie actuellement de nouveaux accords avec l’Union européenne, et l’on devine une volonté manifeste de ne pas «fâcher Bruxelles». La realpolitik l’emporte-t-elle désormais sur la protection des citoyens et sur la défense de la liberté d’expression ? Si tel est le calcul, il est dangereux. Aujourd’hui, c’est Jacques Baud. Demain, qui ? Deux interpellations ont certes été déposées au Conseil national par Jean-Luc Addor et Franz Grüter, mais à ce stade, aucune réponse politique claire n’a été apportée.

Cette affaire prend une résonance particulière à la lumière des réactions suscitées, à la veille de Noël, par l’annonce de sanctions américaines visant plusieurs personnalités européennes. Parmi elles, l’ancien commissaire Thierry Breton a dénoncé sur le réseau X un «vent de maccarthysme». L’émotion médiatique fut immédiate. Pourtant, cette indignation appelle une mise en perspective honnête. Car ce que certains découvrent aujourd’hui est déjà une réalité bien installée en Europe : la disqualification systématique des voix dissidentes, non par le débat, mais par l’exclusion médiatique et institutionnelle.

Le cas de Jacques Baud est emblématique de ce glissement. Ses analyses sur le conflit en Ukraine et sur les rapports de force internationaux n’ont pas été réfutées point par point. Elles ont été moralement disqualifiées. Assimilées à de la propagande. Réduites à une menace informationnelle. Résultat : une marginalisation progressive, un silence organisé, y compris au moment où les médias s’indignent du «blacklistage» d’autres figures. Ce deux poids, deux mesures révèle moins une défense sincère des libertés qu’une indignation sélective.

Jacques Baud : le scandale qui révèle l’effondrement démocratique européen
Or, une nation libre accepte la confrontation des idées, surtout lorsqu’elles dérangent. L’Union européenne semble avoir inversé cette hiérarchie : la liberté d’expression n’est plus un principe fondateur, mais une variable conditionnelle, tolérée tant qu’elle ne remet pas en cause le récit dominant. Ce renversement est d’autant plus inquiétant qu’il s’opère au nom de valeurs prétendument libérales, désormais utilisées comme instruments d’exclusion.

Ce durcissement idéologique s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large. Alors que les États-Unis ont amorcé un changement de logique (privilégiant la négociation, les rapports de force assumés et les intérêts économiques, y compris avec des adversaires) l’Union européenne persiste dans une posture guerrière, notamment vis-à-vis de la Russie. Cette rhétorique est pourtant en total décalage avec ses capacités réelles : dépendance stratégique, faiblesse militaire, divisions internes, fragilités économiques et sociales.

Cette fuite en avant masque une perte d’influence plus profonde. Incapable de maîtriser ses débats, l’Union européenne se replie sur le contrôle et le conformisme. Le blacklistage de voix critiques n’est pas un signe de force, mais l’aveu d’une incapacité à gérer le pluralisme et à assumer des choix politiques clairs. En s’alignant sans distance critique sur cette dynamique, le Conseil fédéral prend le risque d’entraîner la Suisse dans une crise de légitimité qui n’est pas la sienne.

Une Europe qui censure la parole libre est une Europe qui ne fait plus confiance à ses peuples — et une Europe sans avenir politique solide. La paix, la vérité et la cohésion ne naissent pas du silence imposé, mais de la confrontation loyale des idées, même inconfortables. Refuser cette réalité, c’est préparer les chocs politiques et sociaux de demain. 2026 ne sera pas une surprise : elle sera la conséquence directe de cet aveuglement collectif.

Vous pouvez soutenir Jacques Baud en signant la pétition suivante :
https://c.org/WC9bznj6TR](https://c.org/WC9bznj6TR

Article précédentLe Christ-Roi : histoire, doctrine et liturgie (4) : Le Christ-Roi dans la liturgie
Eric Bertinat
À la suite de la décision de Mgr Lefebvre de consacrer quatre évêques, Éric Bertinat cofonde, avec ses amis les abbés La Praz et Koller, la revue Controverses (1988-1995). En 2010, il fonde l’association Perspective catholique, engagée sur des questions sociétales en lien avec la doctrine chrétienne. Journaliste et collaborateur régulier de plusieurs publications (Le Vigilant, Présent, Una Voce Helvetica, etc.), il entame également une carrière politique dès 1984. Élu député au Grand Conseil de Genève en 1985 sous la bannière de Vigilance, il y revient en 2005 avec l’UDC et occupe plusieurs postes clés jusqu’en 2013. Il est aussi membre du Conseil municipal de Genève à partir de 2011, où il exerce diverses présidences de commissions jusqu’en 2021. Le 5 juin 2018, il est élu président de ce Conseil pour la période 2018-2019.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici