Le Christ-Roi : histoire, doctrine et liturgie (1) : Le contexte de Quas Primas

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Quentin Jacques – Le Samedi 15 novembre 2025, le Prieuré de Genève a organisé une journée en l’honneur des cent ans de l’Encyclique Quas Primas et des cinquante ans de la présence de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X (FSSPX) à Genève. Quatre conférences étaient au programme, centrées sur la doctrine du Christ-Roi et l’engagement de la Fraternité à Genève pour le règne social depuis sa fondation.

Partie I : Le contexte de Quas Primas

Durant la première conférence, M. l’abbé Claude Boivin a rappelé le contexte de l’encyclique Quas Primas. Elle a été publiée par le pape Pie XI le 11 décembre 1925 et traite principalement de la royauté universelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, doctrine alors attaquée par les catholiques modernistes et les radicaux anticléricaux. La France a été l’une des principales initiatrices du mouvement de séparation de l’Église et de l’État avec la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, à l’initiative du député républicain-socialiste Aristide Briand. Ce fut l’un des actes fondateurs de la sécularisation de l’État et de la codification de la laïcité. Par la suite, de nombreux mouvements politiques de gauche radicale cherchèrent à imposer un système similaire dans le reste de l’Europe. L’expression la plus achevée de ce mouvement se manifesta en Union soviétique, où la politique marxiste-léniniste des révolutionnaires bolcheviques préconisait le contrôle, la suppression et l’élimination des croyances religieuses et encourageait la propagation de l’athéisme public. Au cours des cinq premières années du pouvoir soviétique (1917-1922), les bolcheviques exécutèrent 28 évêques et plus de 1200 prêtres, tandis que d’autres furent emprisonnés ou exilés.
D’autre part, à la fin du XIXᵉ siècle et au début du XXᵉ siècle, les catholiques modernistes au sein de l’Église adoptèrent progressivement le système de pensée philosophique des Lumières, notamment la théorie du « noble sauvage » de Rousseau. Selon eux, l’homme naîtrait bon par nature (sans péché originel) et c’est la société qui le rendrait mauvais. Pourtant, l’Apôtre saint Paul enseigne :
« Ainsi nous étions par nature enfants de colère comme tous les autres, (c’est-à-dire soumis à la loi du péché depuis la chute d’Adam) […] Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, par le grand amour dont il nous a aimés, et lorsque nous étions morts par les péchés, nous a vivifiés dans le Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvés […] En effet, c’est la grâce qui vous a sauvés par la foi, et cela ne vient pas de vous, car c’est un don de Dieu. » [1]

Nous sommes donc face à deux systèmes de pensée irréductibles. L’idée moderne du «noble sauvage» de Rousseau, selon laquelle l’homme serait naturellement bon et la société seule le corromprait, constitue une erreur philosophique du point de vue de la théologie chrétienne, car elle ignore la réalité du péché originel et la nécessité de la grâce divine. C’est pourquoi les défenseurs de cette philosophie cherchent à renier et à détruire la royauté sociale du Christ-Roi.
Au contraire, le pape Pie XI rappelle la position traditionnelle de l’Église : Notre-Seigneur Jésus-Christ n’est pas venu pour régner ici-bas parmi les princes temporels («Mon royaume n’est pas de ce monde») [2], mais il règne au Ciel « et son règne n’aura point de fin » [3]. Jésus-Christ a reçu du Père « la puissance, l’honneur et la royauté; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. [4]; « comme Verbe de Dieu, consubstantiel au Père, il ne peut pas ne pas avoir tout en commun avec le Père et, par suite, la souveraineté suprême et absolue sur toutes les créatures » [5]. Selon la doctrine de l’Église, les États doivent donc reconnaître la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur toutes choses créées, c’est-à-dire qu’il doit régner sur la société dans son ensemble et sur toutes les nations en particulier, à commencer par les familles, considérées comme les cellules de base de la société, ainsi que sur les consciences humaines, marquées par le péché originel.

De plus, Saint Augustin enseigne que « la Cité terrestre » [6] a pour but de faciliter l’obtention de la finalité surnaturelle des membres qui la constituent. En reconnaissant la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Cité terrestre parvient à sa finalité naturelle : la paix temporelle, la préservation de l’ordre social, la poursuite du bien commun, la sécurité, la prospérité ainsi que la justice au sens civil, et, par-delà celle-ci, elle contribue également à sa finalité surnaturelle, correspondant à la Cité de Dieu selon Saint Augustin : la vision béatifique des élus, la vie éternelle, la communion des saints et l’accomplissement de la justice divine.

En résumé, l’encyclique a été expressément rédigée pour combattre le laïcisme de l’époque. Le culte public de Jésus-Christ en tant que Roi vise à s’opposer au naturalisme, au relativisme et aux formes vagues de religiosité. L’encyclique a institué la célébration liturgique de la fête de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi, fixée au dernier dimanche d’octobre, pour «rendre à Dieu ce qui est à Dieu» [7], c’est-à-dire le culte public qui lui est dû, et ainsi reconnaître sa place dans la société. Pour conclure, retenons les paroles du pape Pie XI dans l’encyclique :
«Plaise à Dieu, Vénérables Frères, que les hommes qui vivent hors de l’Église recherchent et acceptent pour leur salut le joug suave du Christ ! Quant à nous tous, qui, par un dessein de la divine miséricorde, habitons sa maison, fasse le ciel que nous portions ce joug non pas à contrecœur, mais ardemment, amoureusement, saintement ! Ainsi nous récolterons les heureux fruits d’une vie conforme aux lois du royaume divin. Reconnus par le Christ pour de bons et fidèles serviteurs de son royaume terrestre, nous participerons ensuite, avec Lui, à la félicité et à la gloire sans fin de son royaume céleste.» [8]

Bibliographie
[1] Abbé J.-B. Glaire, La Sainte Bible selon la Vulgate, Éphésiens 2, 3-8, Rome, 1902.
[2] Abbé J.-B. Glaire, La Sainte Bible selon la Vulgate, Jean 18, 36, Rome, 1902.
[3] Abbé J.-B. Glaire, La Sainte Bible selon la Vulgate, Luc 1, 33, Rome, 1902.
[4] Abbé J.-B. Glaire, La Sainte Bible selon la Vulgate, Daniel 7, 13-14, Rome, 1902.
[5] Pie XI, Quas Primas, Lettre encyclique, chap. 5, Rome, 1925.
[6] Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre 19, chap. 14, Hippone, 426.
[7] Abbé J.-B. Glaire, La Sainte Bible selon la Vulgate, Matthieu 22, 21, Rome, 1902.
[8] Pie XI, Quas Primas, Lettre encyclique, chap. 22, Rome, 1925.

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Eric Bertinat
À la suite de la décision de Mgr Lefebvre de consacrer quatre évêques, Éric Bertinat cofonde, avec ses amis les abbés La Praz et Koller, la revue Controverses (1988-1995). En 2010, il fonde l’association Perspective catholique, engagée sur des questions sociétales en lien avec la doctrine chrétienne. Journaliste et collaborateur régulier de plusieurs publications (Le Vigilant, Présent, Una Voce Helvetica, etc.), il entame également une carrière politique dès 1984. Élu député au Grand Conseil de Genève en 1985 sous la bannière de Vigilance, il y revient en 2005 avec l’UDC et occupe plusieurs postes clés jusqu’en 2013. Il est aussi membre du Conseil municipal de Genève à partir de 2011, où il exerce diverses présidences de commissions jusqu’en 2021. Le 5 juin 2018, il est élu président de ce Conseil pour la période 2018-2019.

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