Eric Bertinat – Nous sommes de la même génération. Il est à peine plus vieux, de cinq ans. Comme moi, ces articulations grincent et son cuir s’est tanné. Plus je le fréquente, plus je l’apprécie. Voilà 40 ans que nous nous rencontrons régulièrement. Je lui parle peu. Lui, c’est l’inverse. Il a tant d’histoires à raconter, tant de commentaires brillants à faire et qui m’ont échappés malgré nos tête-à-tête. Il sait attirer mon attention si souvent distraite par mille et une choses sans valeur. 

C’est un puit de science et de patience : chaque année, tel un agenda entêté, il revient inlassablement sur ce qui nous réunit, l’amour de l’Eglise, l’exigence de l’enseignement catholique, l’espérance de la vie éternelle.

De jour en jour, de semaine en semaine, nous ne nous lassons pas d’évoquer la tradition chrétienne, nous méditons sur les richesses de l’Ancien et le Nouveau testament, nous nous éblouissons en relisant les psaumes, nous célébrons ses fêtes qui jalonnent nos vies ici-bas. Dans cette intimité, nous prions aussi pour nos amis parce que nous croyons à la communion des saints. Ainsi ce jour, je fête à distance les 40 ans de fidélité sacerdotale d’un autre vieil ami, l’abbé Michel Simoulin, ordonné à Ecône par Mgr Lefebvre. Et voilà qu’il me souffle avec tact le texte de la communion de ce dimanche : Mon Dieu, vous m’avez instruit dès ma jeunesse : jusque dans ma vieillesse, et lors des cheveux blancs, Seigneur, ne m’abandonnez pas.

Et puis aussi, à force, le gaillard me connaît bien et me parle souvent franchement. Aujourd’hui il me rappelle aussi que, comme les Juifs, je fais partie du peuple de Dieu et que cette Election gratuite (doit me) remplir d’une humble reconnaissance envers Dieu et (me) prémunir contre le découragement qui est une forme d’orgueil. Et découragé et orgueilleux, je le suis souvent. Sacré missel (1), il n’en rate pas une !

(1) Missel quotidien et vespéral par Dom Gaspar Lefebvre et les bénédictins de l’abbaye de St-André. Imprimatur, 5 janvier 1951.


Lettre d’information N° 23 – 20 septembre 2020 | Source : Perspective catholique