Jean-Pierre Saw – Le mot est dans toutes les bouches : forts de notre désarroi interne, nous voulons « coopérer ». Avec qui ? Hier avec l’OTAN, dans le cadre du Partenariat pour la paix, mais aussi avec l’ONU, en y envoyant des soldats de la paix ; demain avec l’Union européenne, si le déclin de l’OTAN devait se confirmer, faisant suite à un report d’intérêt des États-Unis vers la zone Pacifique.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, le phénomène a pris de l’ampleur, sous la crainte diffuse d’une menace continentale. Il existe d’ailleurs une liste de six pages des exercices internationaux auxquels l’armée suisse a prévu de se joindre (1). Ainsi, le document nous apprend ainsi qu’en 2025 l’armée suisse participe à 19 exercices internationaux bilatéraux (contre 9 en 2022), dont 17 avec des partenaires européens et deux avec l’armée américaine.

Les domaines sont divers : instruction médicale militaire avec le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas et l’Irlande, sauvetage d’équipages d’avions (Danemark et Italie), formation au largage de charges par avion (Danemark encore), coordination et engagement d’aéronefs en milieu alpin (Allemagne), coopération civilo-militaire (Allemagne également), artillerie avec simulateurs et tirs réels (Allemagne et Roumanie), forces aériennes (France, Portugal, Slovénie), interopérabilité entre les forces spéciales (Grèce, Slovénie, États-Unis), police militaire (Espagne), défense aérienne (Espagne), transport aérien (Espagne, Hongrie), tireurs d’élite (États-Unis), rapatriement de citoyens (Chypre).
C’est sans compter les stages et exercices dispensés en Suisse, au nombre de quatre (saut en parachute, montagne, tir, simulateurs), comme en 2022. À cela il faut encore rajouter le «programme multilatéral», avec les exercices «effectués dans le cadre du Partenariat pour la paix», c’est-à-dire avec l’OTAN : systèmes de conduite (États-Unis), collaboration cyber (Estonie), capacité défensives et offensives cyber (Estonie et Espagne), systèmes d’information, de commandement et de communication (Pologne), opérations anti-terroristes (Norvège), médecine militaire (Estonie encore), logistique, défense collective, ce qui fait neuf de plus. Le nombre des exercices internationaux auxquels la Suisse participe à l’étranger a donc multiplié par trois (de 9 à 28) en trois ans.
Ces exercices incluent d’un soldat à environ 850 lors du grand exercice de «reprise du territoire» baptisé TRIAS 25, qui eut lieu en Autriche en avril 2025. Cet exercice est considéré comme un «exercice suisse à l’étranger» et non un exercice international du fait de l’ampleurs des troupes et moyens déployés.
Que penser de ce remue-ménage ? Évidemment, il semble important pour nos spécialistes comme pour nos chefs de pouvoir échanger avec leurs collègues des armées voisines, de mettre en pratique ce qu’ils ont appris en le confrontant à d’autres méthode, de se mesurer, aussi. Ne négligeons pas non plus le facteur de motivation que représente un stage dans un pays étranger. Ces échanges ont eu lieu de tout temps, et se sont développés dans un monde basé sur le multilatéralisme.
Sur une base purement technique et tactique, les exercices communs ne peuvent en principe que contribuer à renforcer notre armée et pacifier le continent en tissant des liens entre les armées.
Ce à quoi nous devrons toujours rester vigilants, c’est la volonté politique sous-jacente de rejoindre une alliance militaire, et les engagements que nous prenons dans ce sens. L’idée d’ «interopérabilité», par exemple, doit être clarifié, car elle se base sur la désignation d’une hypothétique menace commune qui ne nous concerne pas. —
(1) https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/91991.pdf
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Newsletter N° 260 – 13 juin 2025 | Source : Perspective catholique