Robert Badinter au Panthéon : la République canonise ses saints laïques

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Eric Bertinat – Le 9 octobre, en plein cœur d’une crise politique sans précédent, la France a rendu hommage à Robert Badinter, figure emblématique de la gauche et artisan de l’abolition de la peine de mort. L’ancien avocat, compagnon de route de François Mitterrand, a fait son entrée au Panthéon, temple républicain des «grands hommes».

La République, fidèle à son rituel, a célébré l’un des siens. Mais derrière la pompe et les discours vibrants, quelques réflexions s’imposent.

Une canonisation laïque
Cette cérémonie, laïque et empreinte de symboles maçonniques, rappelle par bien des aspects les canonisations catholiques… à ceci près qu’elle se décide par simple décret présidentiel. Pas de ferveur populaire ni de long procès en sainteté : le Panthéon n’attend ni miracles ni pèlerins.
L’Église, elle, réserve la sainteté à ceux dont la foi a inspiré les foules. Lorsque sainte Thérèse de Lisieux fut canonisée en 1925, plus de 500’000 fidèles se déplacèrent à Rome pour l’honorer. Une ferveur bien éloignée de la solennité compassée et médiatique de ce 9 octobre parisien.

L’abolition, un débat jamais clos
Robert Badinter restera à jamais associé à la suppression de la peine de mort. Une réforme qui divise encore. Les assassins, eux, survivent plutôt bien à leur crime, certains sortent bien avant la fin de leur peine, d’autres récidivent…
Mais le débat demeure complexe, moralement et politiquement. Et Robert Badinter, qu’on l’admire ou qu’on le discute, a marqué l’histoire.

L’avocat de gauche et le respect de la vie humaine
Ce qui frappe, chez lui, c’est cette conviction profonde : la vie humaine est inviolable. Il l’exprimait avec clarté :
« Parce que nul ne peut légitimement priver un être humain de ce qui le constitue comme tel : sa vie. »
(Discours à l’Assemblée nationale, 17 septembre 1981)
« Le premier des droits de la personne humaine est le droit à la vie. »
(Discours de présentation de la réforme du code pénal, 19 décembre 1985)
« Le droit au respect de son corps par autrui est un droit fondamental de tout être humain. » (Même discours, 1985)

L’ironie du moment
Mais il y a dans cet hommage une ironie mordante : la même classe politique, qui encense aujourd’hui Robert Badinter pour sa défense de la vie, soutient l’avortement sans limites et promeut l’euthanasie au nom de la liberté individuelle. Deux logiques difficilement conciliables, sinon dans l’art très français de la contradiction morale.
Robert Badinter, lui, croyait à la dignité de la vie jusqu’à son dernier souffle. Son message, s’il est entendu, devrait valoir pour toute vie humaine, pas seulement celle du criminel condamné.

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Eric Bertinat
À la suite de la décision de Mgr Lefebvre de consacrer quatre évêques, Éric Bertinat cofonde, avec ses amis les abbés La Praz et Koller, la revue Controverses (1988-1995). En 2010, il fonde l’association Perspective catholique, engagée sur des questions sociétales en lien avec la doctrine chrétienne. Journaliste et collaborateur régulier de plusieurs publications (Le Vigilant, Présent, Una Voce Helvetica, etc.), il entame également une carrière politique dès 1984. Élu député au Grand Conseil de Genève en 1985 sous la bannière de Vigilance, il y revient en 2005 avec l’UDC et occupe plusieurs postes clés jusqu’en 2013. Il est aussi membre du Conseil municipal de Genève à partir de 2011, où il exerce diverses présidences de commissions jusqu’en 2021. Le 5 juin 2018, il est élu président de ce Conseil pour la période 2018-2019.

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