Eric Bertinat – À la veille de l’assermentation des nouveaux gardes suisses, le pape Léon XIV a reçu en audience, le 3 octobre 2025, la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter. L’entretien a mis en lumière la qualité des relations bilatérales entre le Saint-Siège et la Suisse, tout en abordant les grandes crises internationales actuelles, notamment à Gaza et en Ukraine.
Lors du traditionnel échange de présents, la présidente suisse a offert au pape une icône de sainte Wiborada, figure spirituelle majeure de la Suisse. Ermite à Saint-Gall, Wiborada fut martyre en 926 lors d’un raid hongrois, et son culte fut confirmé en 1047 par le pape Clément II, faisant d’elle la première femme officiellement canonisée par un pape. Fidèle jusqu’au bout à sa vocation de recluse, elle incarne à la fois la force intérieure et la fidélité au Christ, ainsi qu’une mémoire culturelle précieuse pour l’Europe, puisqu’elle est aussi patronne des bibliothécaires et protectrice du savoir.
Sainte Wiborada et saint Nicolas de Flüe, symboles de l’identité spirituelle et diplomatique de la Suisse
Ce geste diplomatique s’inscrit dans la tradition spirituelle de la Confédération, marquée également par l’exemple de saint Nicolas de Flüe (1417-1487), patron de la Suisse. Nicolas de Flüe conseilla à ses compatriotes de ne pas chercher à étendre leurs frontières et de ne pas s’ingérer dans les affaires des pays voisins. Ces préceptes, ancrés dans une vision de paix et de non-agression, sont devenus, rappelons-le, le fondement de la neutralité suisse, une neutralité qui reste aujourd’hui un pilier de sa politique étrangère et de son rôle reconnu d’artisan de paix sur la scène internationale.
Ainsi, la Suisse met en avant deux figures complémentaires : sainte Wiborada, témoin du courage spirituel et du sacrifice, et saint Nicolas de Flüe, prophète de la neutralité et de la médiation. Avec ce cadeau, la Confédération a rappelé symboliquement ses racines chrétiennes et son héritage de paix. Pourtant, cet héritage est aujourd’hui fragilisé : les choix politiques actuels, marqués par la tentation de rejoindre l’Union européenne ou l’OTAN, risquent d’éloigner la Suisse de la neutralité prônée par saint Nicolas de Flüe et longtemps constitutive de son identité. Ce geste élégant contraste ainsi avec une orientation politique qui pourrait compromettre ce rôle historique d’artisane de paix.