Jean-Pierre Saw – Que faire quand un ami devient méchant ? La servitude béate de nos autorités à l’Empire américain a pris un coup après l’élection de Donald Trump et ses premières mesures. Nos Conseillers fédéraux se réveillent avec la gueule de bois, pour notre plus grand plaisir et le bien du pays : il n’est déjà plus question de rapprochement avec cette OTAN passée de mode en quelques semaines. Espérons au moins que ce coup de massue réveille ceux qui dormaient encore.


Première leçon : Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts (de Gaulle). Et vous avez beau être des admirateurs de l’Empire ; l’Empire s’en contrefiche.
Deuxième leçon : To be an enemy of the US is dangerous, but to be a friend is fatal (Kissinger). C’est notamment fatal quand on a cédé aux pressions en espérant amadouer le plus fort, et que finalement il se retourne contre nous par mépris.


Fatal par exemple quand on s’est engagé commercialement à acheter des avions de combat qui ne correspondent pas à notre cahier des charges, seront finalement livrés plus tard, plus chers, s’ils sont livrés un jour… On sait qu’Elon Musk a recommandé l’abandon du projet. Fatal également quand on a bien imprudemment choisi de faire gérer les fonds de ses retraités sur sol américain par une banque américaine, et qu’on persiste.


Le gentil est devenu méchant, parce qu’à présent il fréquente l’affreux, l’innommable, l’autoritaire Poutine de toutes les Russies… Quand le méchant était gentil, il nous avait pourtant bien expliqué qu’il ne fallait pas le faire… Là aussi, la Suisse a été lâche, puisque, traditionnellement, nous reconnaissons les États, mais ne jugeons pas les régimes. Hélas, à l’image de nos voisins, nous ne savons plus réfléchir qu’en termes moraux (les nôtres) et juridiques (les nôtres toujours).


Le pire, c’est qu’à présent on nous présente déjà la fusion avec la très virtuelle «Europe de la défense» comme inéluctable (1). Qu’il faille diversifier ses sources d’approvisionnement et ses clients, certes, qu’il faille coopérer dans tous les domaines avec nos voisins pour entretenir de bonnes relations : certes encore ! Mais qu’il faille à nouveau se soumettre sans défendre nos intérêts… Non !


Ce que nous ne savons pas encore, ou que nous ne voulons pas voir, c’est que dans l’imbroglio du grand machin européen, Monsieur Kubilius, «commissaire» européen à la Défense et à l’Espace lituanien, est en compétition avec Madame Kallas, «haut représentant» pour la politique étrangère et de sécurité estonienne ; que la politique de défense reste pour l’instant un domaine intergouvernemental et non supranational ; qu’une stratégie de sécurité unifiée devrait être élaborée par le Conseil européen, composé des chefs d’État et de gouvernement, et que pour cela l’unanimité est nécessaire ; que l’article 41, paragraphe 2, du Traité sur l’Union européenne, interdit au budget de l’UE de financer des opérations ayant des implications militaires ou de défense ; que la Commission a réussi à tordre les textes et à braver l’unanimité, pour décider de créer la Facilité européenne pour la paix (!) (FEP) afin de permettre le financement des opérations militaires (!) de l’UE et renforcer le soutien aux actions des «partenaires», ainsi que le Fonds européen de la défense (FED), à présent le programme ReArm Europe, qui inclut la suspension des règles budgétaires et la réaffectation de fonds et mobilisation de fonds privés… Vous avez dit orwellien ? Mais ne sont-ce pas nos nouveaux amis ? —

(1)https://www.blick.ch/fr/monde/les-industriels-piaffent-la-suisse-va-devoir-participer-a-leurope-de-la-defense-id20657896.html

___________________________________________________________________________________
Newsletter N° 253 – 19 mars 2025 | Source : Perspective catholique