Terreur au sein de l’administration suisse (3)

0
92

Jean-Pierre Saw – Pour compléter notre tryptique, il semblerait que les demandes de visas en vue d’occuper des postes au sein de la Genève internationale soient à présent refusées aux ressortissants de certains pays. Un cas concret nous a été soumis. Il s’agit d’un profil titulaire de diplômes européens, au bénéfice de plusieurs années d’activité au sein des organisations internationales, qui a par le passé notamment obtenu des visas au Canada et aux Etats-Unis, et travaillé à deux reprises pour les missions des Nations unies. La personne a reçu un contrat de travail à Genève pour une nouvelle affectation au sein d’une organisation active dans le droit de la propriété intellectuelle. Afin d’honorer ce contrat, l’employé demande un visa à la Mission permanente de la Suisse auprès de l’Office des Nations unies. Celle-ci envoie le dossier « en consultation à Berne », contrairement à la procédure habituelle pour ce type de demande. Finalement, le contrat de travail est annulé suite à l’interdiction des « services compétents » de délivrer un visa. L’article 25 de la convention de siège avec l’organisation est évoqué : « Rien, dans le présent accord, n’affecte le droit du Conseil fédéral de prendre toutes les précautions utiles dans l’intérêt de la sécurité de la Suisse ».
De grands mots pour cacher quoi ? D’une part, cet article autorise expressément le Conseil fédéral, et lui seul, à prendre des mesures ; d’autre part il faut une menace contre la sécurité de la Suisse. Si celle-ci est avérée, et que la personne concernée est un espion nouvellement identifié, soit. Admettons que l’administration suisse refuse à présent la présence sur son territoire de profils qu’elle tolérait jusqu’à présent : c’est déjà un changement de politique. Mais il n’est pas exclu que la seule citoyenneté de certains Etats jugés hostiles suffise à refuser les dossiers. Se pose la question de savoir quelle autorité a déterminé ce changement de politique – dont les détails restent à déterminer – et sur quelle base ; quelles conséquences cela aura sur la Genève internationale ; quelles répercutions nous pouvons envisager sur l’image du pays à l’international ; vers quel type d’organisation interne cette brusque contraction nous mène : la fin d’un certain type de société libre et libérale ?
Dans tous les cas, la mise au ban par la Suisse d’un certain axe du mal se confirme ; dans le viseur, un certain nombre de pays considérés comme « hostiles à nos valeurs ». Il y a fort à parier que nous ne serons pas déçus par le nombre d’Etats qui correspondent à ce critère… A moins, tout simplement, que la panique interne ne bloque la totalité des dossiers présentant le moindre potentiel de risque politique. Individuellement et collectivement, nos fonctionnaires pourraient être atteints de paranoïa aigue. La Suisse serait donc subitement devenue la cible privilégiée de toutes les forces de subversion ! Ou alors le simple exécutant de la volonté des puissants du moment… Le visage international que la Suisse s’est façonné depuis des décennies s’en trouverait pour le moins défiguré.
Une fois conscient des différentes dérives inquiétantes mentionnées dans cette série (purge au sein des cadres de l’armée, éviction des profils dérangeants au DFAE, durcissement des conditions de visa auprès des organisations internationales), le Parlement doit urgemment prendre ses responsabilités : 1. Mettre sous pression et cadrer le personnel élu dépassé par sa tâche ; procéder de concert avec lui à une analyse approfondie, indépendante et impartiale de la géopolitique mondiale, de ses conséquences pour la Suisse et de la place que celle-ci souhaite occuper; 2. Identifier pour l’avenir des personnalités à la hauteur des défis de notre époque, et non simplement des profils issus d’un consensus mou. Dans cette optique, chaque citoyen doit réaliser que le personnel politique qu’il envoie (ou laisse envoyer par défaut) siéger à Berne engage l’avenir collectif et les destins individuels. Les prochaines élections fédérales n’étant agendées que pour 2028, nous ne sommes probablement pas au bout de nos mauvaises surprises. Qu’elles soient au moins systématiquement et méthodiquement dénoncées par les lanceurs d’alerte de tous bords ! —

___________________________________________________________________________________
Newsletter N° 237 – 18 septembre 2024 | Source : Perspective catholique

Article précédentInterview : Thomas Bläsi : il faut intervenir !
Article suivantIl n’allait pas rentrer en bateau ou à la nage !
Eric Bertinat
À la suite de la décision de Mgr Lefebvre de consacrer quatre évêques, Éric Bertinat cofonde, avec ses amis les abbés La Praz et Koller, la revue Controverses (1988-1995). En 2010, il fonde l’association Perspective catholique, engagée sur des questions sociétales en lien avec la doctrine chrétienne. Journaliste et collaborateur régulier de plusieurs publications (Le Vigilant, Présent, Una Voce Helvetica, etc.), il entame également une carrière politique dès 1984. Élu député au Grand Conseil de Genève en 1985 sous la bannière de Vigilance, il y revient en 2005 avec l’UDC et occupe plusieurs postes clés jusqu’en 2013. Il est aussi membre du Conseil municipal de Genève à partir de 2011, où il exerce diverses présidences de commissions jusqu’en 2021. Le 5 juin 2018, il est élu président de ce Conseil pour la période 2018-2019.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici