Jean-Pierre Saw – Le serif a changé, et les règles avec lui. Plutôt que de tordre le bras du reste du monde, il préfère braquer un pistolet sur la tempe de ses « partenaires ». L’Europe tremble, la Suisse se réveille, pétrifiée. Pourtant, le nouveau président américain dit vouloir faire la paix en Russie, à Gaza et avec l’Iran. Alors quoi, complètement fou ?

Pas tant que ça ! Trump a l’intuition profonde qu’à l’instar de tous les empires à leur apogée, les prétentions américaines à imposer leurs règles ont fait leur temps. L’Empire tentaculaire se retrouve exsangue en son cœur et doit se rétracter pour guérir ses plaies. Ses électeurs l’ont élu pour qu’il s’occupe d’eux et « MAGA », c’est le peuple et son territoire national d’abord. Le retrait des troupes US d’une partie du monde aura d’ailleurs pour effet immédiat de réduire les dépenses.
Précisément, Trump fait face à une dette abyssale qu’il sait ne pas pouvoir rembourser. Afin de limiter les dégâts, il a décidé d’empoigner le problème en renversant complètement les équilibres. En économiste pragmatique, il veut tout simplement réduire les dépenses et augmenter les recettes, et mène ces deux combats de front.
Le premier vise à couper tous les subsides aux organisations qui se sont développées dans la foulée du multilatéralisme, et va peser sur les institutions internationales, très spécifiquement sur la Genève internationale, dont des milliers de locataires et clients vont perdre leurs sources de revenus sur Vaud et surtout Genève. La mission d’identifier où couper au sein de l’administration américaine a été confiée à Elon Musk, ce qui donnera peut-être des idées à d’autres.
Le second combat est celui de la balance commerciale. Les Etats-Unis ayant perdu une grande partie de leur industrie importent plus d’Europe et de Chine qu’ils n’exportent. Leur balance commerciale est donc négative, ce qui les oblige à systématiquement décaisser des milliards de dollars supplémentaires qui augmentent leur dette. Cette dette était viable lorsque le dollar représentait la monnaie de référence mondiale, mais devient insoutenable à partir du moment où la moitié de l’économie mondiale cherche à en sortir.
En imposant des taxes exorbitantes à ses partenaires, Trump a un triple objectif : à court terme, augmenter les recettes, puis négocier en position de force ; à moyen et long terme : faciliter la renaissance d’une puissance industrielle en rapatriant la production sur sol américain. Brutalité, oui, mais folie : non, bien au contraire ! Les USA posent cartes sur table et cherchent à assainir leurs déséquilibres systémiques.
Comment réagir face à cela ? Nos conseillers fédéraux ont la chance de prouver qu’ils sont à la hauteur de leurs fonctions. Il s’agit de faire un inventaire des stocks, d’identifier nos leviers et de définir une stratégie. Pour cela, il faut que nos sociétés réalisent que l’interdépendance fonctionne par beau temps, mais fait mal quand les plus forts ne jouent plus le jeu. Ils devront donc dans tous les domaines chercher à renforcer notre souveraineté, répartir les risques, diversifier les partenariats. A terme, il s’agira aussi de tendre à une indépendance numérique. Dans l’intervalle, l’envoi du ministre des affaires étrangères en Chine pendant que ses collègues sont à Washington envoie un bon message : nous traitons avec tout le monde en même temps.
Reste à se demander si la gestion de nos fonds AVS par une banque américaine, le dépôt de notre or à la FED et l’achat d’avions pilotés par ses producteurs vont dans cette direction. Mais pour cela, il faut avoir, à l’image de Trump, le courage mettre l’intérêt du pays au premier rang sans tomber dans une nouvelle dépendance, à l’Union européenne cette fois. —

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Newsletter N° 256 – 30 avril 2025 | Source : Perspective catholique