Eric Bertinat
La communauté des Eglises chrétiennes dans le Canton de Vaud (CECCV) a publié dans son Info œcuménique du 3 avril 2020 un article intitulé « Vers Pâques autrement… un passage obligé, et prometteur » (1). C’est un texte œcuménique comme il se doit, sentimental et sans doute plaisant pour de nombreux chrétiens, et pour ces nombreux catholiques qui ont basculé sans s’en rendre compte dans le protestantisme qui «est le plus fécond voyageur d’idées ; il abrite en son sein toutes les variétés intellectuelles, depuis le croyant attardé à la dure prédestination calviniste jusqu’au hardi démolisseur qui affirme comme un devoir l’horreur du dogme (2)».
Une «variété intellectuelle» qui se retrouve parfaitement dans cet article et plus particulièrement dans le passage suivant : «Qu’aurons-nous appris lors de cette quarantaine, pour chacun et pour tous, en 2020 ? Il nous restera des solidarités concrètes dans un monde ouvert, loin des replis égoïstes et identitaires». Ces quelques lignes ont fait bondir l’abbé Alain-René Arbez, curé émérite de la paroisse de St Nicolas de Flue, à Genève. Ce prêtre n’a jamais hésité à défendre l’Eglise catholique de sa plume lorsqu’il juge que réponse doit être donnée. Je me souviens de son billet publié dans La Tribune de Genève et intitulé Abolir le célibat des prêtres ! (3) défendant hardiment et publiquement le respect du célibat.
Mais revenons à l’article d’Info œcuménique. L’Abbé Arbez leur a répondu ainsi : Considérer que l’ouverture du cœur doit s’associer à un refus d’identité me paraît un parti pris d’ordre plus idéologique que spirituel. C’est en étant consciente de son particularisme et de son histoire qu’une Eglise locale peut s’ouvrir aux autres, c’est en étant au clair avec sa propre tradition que l’on peut avancer sur le chemin du partage œcuménique.
Tout à fait partisan d’une vraie solidarité, je n’admets cependant pas que l’on fasse de la conscience identitaire une tare égoïste, au nom d’un multi culti hors sol dans lequel tout doit se diluer.
Je ne cacherai pas mon plaisir de lire sa réponse et de la partager avec vous. D’une part parce qu’en ces temps de pusillanimité de cœur et d’âme, il faut du courage pour s’opposer au respect humain et, d’autre part, parce qu’un prêtre, du moins ceux que nous aimons, ne peuvent se taire devant cette erreur devenue commune d’un multiculturalisme sans intérêt pour la tradition de la Cité où, pourtant, ils habitent. La question identitaire va être constamment l’angle mort du discours politique et ecclésial sur l’immigration.
(1) http://ceccv.ch/2020/04/03/message-de-la-ceccv-en-ce-temps-de-pandemie-vers-paques-autrement-un-passage-oblige-et-prometteur/
(2) Œuvres du cardinal Mermillod (1864 – 1873), Lettre à l’abbé F. Martin, à l’occasion de son livre « De l’avenir du protestantisme et du catholicisme », Genève, 7 mars 1869
(3) La Tribune de Genève, le 10 janvier 2019
Lettre d’information N° 12 – 17 avril 2020 | Source : Perspective catholique