Voir article de M. l’abbé Arbez, Lettre d’information N° 13
Rolf Zwicky – Comme le confinement laisse bien du temps, je prends la liberté d’émettre quelques remarques concernant l’article de l’abbé Alain-René Arbez sur les flux migratoire. Globalement, il a absolument raison, selon moi, sur l’essentiel, soit l’impossibilité de la coexistence multiculturelle dans notre pays (et dans bien d’autres…) et l’abus de l’utilisation des « droits de l’homme » pour les « réfugiés ».
Mais un point m’apparaît malheureusement aller dans le sens de la pensée rapide. Je cite : « mais objectivement, c’est d’abord sur place, en Afrique, en Orient, que les pays européens doivent apporter une aide aux potentiels migrants, en octroyant des moyens significatifs de développement, sous contrôle totalement indépendant des pouvoirs locaux souvent corrompus. »
Cette position rejoint celle de tiers-mondistes (et d’autres) qui réclament un plan Marshall pour aider l’Afrique à sortir de sa pauvreté. Par exemple on pouvait lire ceci dans « Le Monde Economique » du 4 mars 2019 :
« Il y a environ une année et demie, au cours de l’automne 2017, le président du Parlement Européen Antonio Tajani annonçait un ambitieux projet de lancement d’un « Plan Marshall pour l’Afrique » et de mobilisation, à cet effet, de 40 milliards de dollars dans le prochain budget pluriannuel 2020-2026.
L’idée qui à la base appartient à la chancelière allemande Angela Merkel et à l’un de ses ministres, Gerd Müller, a de quoi séduire tant le continent noir que l’Europe, très concernée, quant à elle, par les vagues d’immigration illégale, de provenance africaine, qui déferlent massivement et systématiquement sur son territoire. Mais la grande bénéficiaire sera l’Afrique : avec une aide dont le montant peut, par un effet de levier et par la contribution d’investisseurs privés, dépasser la somme initialement prévue et s’élever à des centaines de milliards d’euros, elle pourra connaître la prospérité et voir enfin s’arrêter l’exode de ses filles et fils contraints, par des problèmes économiques, politiques et climatiques, de chercher ailleurs une vie plus digne. »
Article « Le plan Marshall pour l’Afrique verra-t-il son aboutissement ? » Monde économique, 4 mars 2019, https://www.monde-economique.ch/le-plan-marshall-pour-lafrique-verra-t-il-son-aboutissement/
Je me permets donc de citer l’africaniste Bernard Lugan, qui fut maître de conférences à l’université de Lyon 3 et enseigna à l’Institut des hautes études de défense nationale ainsi qu’à l’école de guerre. Il précise sur ce point :
« En 40 ans et en dollars constants, l’APD (Aide Pour le Développement) à l’Afrique a plus que quintuplé et entre 1960 et 2010, le continent a reçu près de vingt fois plus que l’Europe avec le plan Marshall. Or, cette aide au développement (APD) qui n’a guère eu de résultats a littéralement infantilisé les Africains en les déresponsabilisant. (…) En plus d’être largement inutile, cette aide qui enferme l’Afrique dans la dépendance n’est pas éternelle. (…) Les Africains ne peuvent donc plus se comporter comme si, et pour l’éternité, ils allaient continuer à recevoir la manne tombée du ciel européen. » (Bernard Lugan, Osons dire la vérité à l’Afrique, Editions du Rocher, 2015, p. 42 et 43)
Autre avis sur l’APD, celui du professeur Stephen Smith qui a notamment tenu la rubrique « Afrique » des quotidiens Libération puis Le Monde, et qui explique dans son ouvrage « La ruée vers l’Europe » :
« Les pays du Nord subventionnent les pays du Sud, moyennant l’aide au développement, afin que les démunis puissent mieux vivre et – ce n’est pas toujours dit aussi franchement – rester chez eux. Or, ce faisant, les pays riche se tirent une balle dans le pied. En effet, du moins dans un premier temps, ils versent une prime à la migration en aidant des pays pauvres à atteindre le seuil de prospérité à partir duquel leurs habitants disposent des moyens pour partir et s’installer ailleurs. C’est l’aporie du « codéveloppement » qui vise à retenir les pauvres chez eux alors qu’il finance leur déracinement. »
Et, s’agissant des pays bénéficiaires, Stephen Smith précise en ironisant sur des intentions illusoires :
« Car un pays qui réussirait effectivement à augmenter son PIB, le taux d’alphabétisation de ses adultes et l’espérance de vie – soit un mieux à tout point de vue – produirait encore plus de candidats au départs qu’un pays qui se contente de son enterrement en bas du tableau de l’économie mondiale. » (Smith, La ruée vers l’Europe, p. 140 & 141)
Confirmant l’avis de Stephen Smith, l’organisation CIPINA*, favorable à l’immigration africaine et ayant notamment pour but de faciliter l’intégration des Africains en Suisse, précise sur sa page « Immigration » :
« Les Africains continueront donc d’immigrer en Suisse, même si la Confédération finance de nombreux projets de développement sur le continent pour limiter les flux des africains vers la Suisse. Même si cette action est salutaire, elle ne freinera pas les Africains dans leur élan de rejoindre la Suisse. » (Caractères gras par CIPINA)
Voir https://www.cipina.org/immigration.html
*Centre d’Information et de Promotion de l’Image d’une Nouvelle Afrique (association suisse)
Et mon sentiment personnel sur la condition souhaitée par l’Abbé Arbez : « … sous contrôle totalement indépendant des pouvoirs locaux souvent corrompus. »
- Si vraiment on transfère des «moyens significatifs de développement. » soit d’énormes moyens, peut-on imaginer l’armée de contrôleurs, d’inspecteurs, de comptables, de surveillants et de spécialistes du développement pour s’assurer de la bonne utilisation des fonds à tous les échelons et dans les 54 pays africains ?
- Les Africains sont très fiers de leur indépendance. Ils tiennent à leurs prérogatives, à leurs droits, à leur liberté de gestion, ils sont chez eux. Imagine-t-on les innombrables discussions, négociations, oppositions, marchandages et tractations en permanence et à tous les niveaux, et sans concéder occasionnellement une petite enveloppe ?
- Oui, en avançant les fonds, certaines ONG ont parfois réussi de bons projets. On fait alors une belle inauguration, des photos d’une population locale heureuse sont prises, elles sont ensuite distribuées, avec le rapport final, aux généreux donateurs qui sont tout aussi heureux d’avoir participé au développement de l’Afrique. Mais il faut revenir cinq ans plus tard, et voir comment le projet a été géré par la population locale, formée à cet effet, si tant est qu’il en reste quelque chose… J’ai travaillé dans six pays africains, j’en ai vu…
- Question subsidiaire : Pourquoi certains pays du tiers-monde ont-ils réussi leurs développement avec peu ou pas d’aide, alors que d’autres, notamment africains, qui ont reçu des somme gigantesques depuis leurs indépendance il y a une soixantaine d’années, sont plus pauvres aujourd’hui qu’au jour de cette indépendance ?
Lettre d’information N° 14 – 4 mai 2020 | Source : Perspective Catholique