Eric Bertinat – Les personnes ayant atteint le 3e, voire le 4e âge ont connu des avancées techniques qu’aucune génération précédente n’a vécue. De quoi donné le vertige. Et le mouvement s’accélère. Prenons les xénogreffes et son actualité datée du 7 janvier dernier. Une transplantation de cœur de cochon génétiquement modifié sur un homme s’est déroulée sans rejet immédiat. Voici quelques mois la rts nous offrait un très bon reportage sur ce sujet. Mais il n’était pas encore question d’une pareille greffe. Au mois d’août, nous apprenions qu’une équipe scientifique internationale était parvenue à modifier génétiquement des porcelets pour que leurs organes soient compatibles avec des transplantations sur l’homme. En ce début d’année, c’est fait ! Des chirurgiens ont greffé le cœur d’un porc sur un humain. Nous sommes stupéfaits par cette prouesse médicale. Mais qu’en dire en notre qualité de baptisés ?
Avant de nous pencher sur cette question précise, il est utile, et même nécessaire, d’éclairer notre jugement sur la greffe humaine (allogreffe). Qu’elle est la position de l’Église sur la transplantation d’organes à partir de cadavres humains ? Elle ne semble pas y être opposée, non sans conditions. Dans un discours très intéressant qu’a prononcé Benoît XVI lors du Congrès international sur le thème du don d’organes, organisé par le l’Académie pontificale pour la vie, le 7 novembre 2008 (cliquez ici pour découvrir le discours dans son entier !), le Pape rappelle que «Les greffes de tissus et d’organes représentent une grande conquête de la science médicale et sont certainement un signe d’espérance pour de nombreuses personnes dont la situation clinique devient grave et parfois extrême. (…) la multiplication des demandes de greffes ne conduisent pas à modifier les principes éthiques qui en sont à la base. (…) Il est donc nécessaire de placer avant toute autre considération le respect de la dignité de la personne et la protection de son identité personnelle. En ce qui concerne la technique de la greffe d’organes, cela signifie que l’on ne peut donner que si sa santé n’est pas et ne sera jamais mise en danger, ainsi que sa propre identité, et toujours pour des raisons moralement valides et proportionnées. D’éventuelles logiques de commerce des organes, tout comme l’adoption de critères discriminatoires ou utilitaristes, seraient tellement en contradiction avec le sens implicite du don qu’elles se mettraient elles-mêmes hors jeu, tout en constituant des actes moralement interdits.
Ceci étant précisé, nous pouvons nous pencher sur les xénogreffes. Nous remarquons que de nombreuses personnes vivent avec le cœur d’une autre personne. Et que de nombreuses personnes vivent avec une valve cardiaque bovine ou porcine. Nous remarquons également que jusqu’à présent le don de l’organe du cœur entraînait la mort du donneur. Ce qui n’est évidemment pas le cas avec celui de notre brave cochon. Remarquons enfin qu’il est permis de tuer un porc pour sauver un être humain : la création est au service de l’homme.
Rien ne semble s’opposer à une greffe d’un cœur d’origine animale. Les xénogreffes issues d’autres organes n’ont pas plus rencontré l’opposition du Magistère. Le porc n’est plus un animal impur depuis 2000 ans. Pour un catholique, notre âme n’est donc pas mise en péril par une greffe, même d’un cœur, même de provenance animale, en respectant les remarques que fait Benoît XVI. Notons que les xénogreffes apportent une solution au marché ignoble des organes qui se pratique dans certains pays aussi bien que pour le problème du prélèvement d’organe sur un corps vivant impliquant la notion de mort cérébrale : une autre question épineuse touchant aux allogreffes, ainsi qu’on peut le constater dans un célèbre discours de Pie XII : « Réponses à certaines questions importantes sur la ”réanimation“ » (Discours aux médecins, Rome, 1959). Voilà qui ne manquera pas de nous intéresser car nous devrons nous prononcer prochainement sur le nouveau projet de loi sur le don d’organes avec consentement présumé (voir notre Lettre du 4 décembre 2021). Nous y reviendrons donc.
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Newsletter N° 68 – 17 janvier 2022 | Source : Perspective catholique
