Eric Bertinat – L’UDC lance une nouvelle initiative au double identifiant (c’est la mode!) : «Stop aux abus de l’asile ! (Initiative pour la protection des frontières)». Ses représentants à Berne estiment que «le ministre de l’asile, Beat Jans, s’est retranché dans son bureau, alors qu’il laisse en échange les frontières suisses grandes ouvertes. Les pays voisins resserrent la vis de l’asile, effectuent des contrôles aux frontières, tandis que le conseiller fédéral socialiste Jans continue d’ignorer le mécontentement de la population. C’est assez, cela ne peut pas continuer ainsi» (communiqué de presse du 28 mai 2024). Et d’avoir à nouveau recours au peuple comme Jean-Marie Le Pen appelait autrefois Jeanne d’Arc au secours à chaque 1er mai.
La situation de l’asile en Suisse est préoccupante. Pour utiliser une formule acceptable. Les abus contre notre politique d’asile sont évidents : chaque année, des dizaines de milliers de prétendus «demandeurs d’asile» arrivent du monde entier dans notre pays et les coûts et la criminalité explosent. En 2021, la Confédération dépensait 1,5 milliard de francs pour la politique d’asile. En 2023, c’était monté à 3,5 milliards. De plus, il ne se passe bientôt plus un jour en Suisse sans que des actes de violence et des délits sexuels, des cambriolages et des vols ne soient commis. La Suisse ressemble de plus en plus à la France, ce qui est de moins en moins flatteur.
Mais le recours à l’initiative populaire est-il efficace dans notre démocratie en délitement, aux mains de «l’actuelle hyperclasse en Suisse, brandissant hypocritement les grands principes pour mieux ensuite les enterrer (et cela dans tous les domaines)» ainsi que le dénonce Eric Werner dans Antipresse du 31 mars 2024 ? De la première initiative populaire fédérale contre l’emprise étrangère (1968) qui fut retirée puis celle de 1970 «Contre l’emprise étrangère» (initiative Schwarzenbach) qui mis sans dessus-dessous les Suisses jusqu’à l’initiative «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels», acceptée en votation populaire en 2016, ce ne sont pas moins de 20 initiatives, y compris celles qui n’ont pas aboutis ou ont été déclarées irrecevables, qui ont exprimé l’agacement de la population devant le traitement laxiste de ce dossier. Il reste encore un texte à mentionner, un vingt-et-unième, en attente de traitement par les Chambres fédérales, c’est l’initiative de l’UDC «Pas de Suisse à 10 millions».

A propos des deux dernières initiatives UDC, il n’est pas inutile de rappeler qu’elles n’ont pas été appliquées, tout bonnement. Ce qui en dit long sur la volonté politique des 246 élus composant l’Assemblée fédérale sans oublier les sept conseillers fédéraux. Notons qu’au niveau cantonal, on ne trouve aucune rebellion devant ces dizaines de milliers de réfugiers qu’il faut encadrer. Notons enfin que l’UDC représente un tiers des élus et ne peut trouver de majorité sur cette question, lâchée sempiternellement par la droite, dont la proximité avec les milieux patronaux favorise le laisser-aller sur la question de l’asile.
Alors, on remet le couvert ?
Oui, parce qu’aucune autre solution n’est possible à ce jour. C’est le principal reproche que l’on peut faire à l’UDC. Ces dernières initiatives ont connu une fin de non-recevoir malgré des scores sans appel. Pas d’autres possibilités sauf celle de convaincre une partie de la gauche que l’asile et l’immigration sans contrôle sont catastrophiques non seulement pour la sécurité de la population mais également pour son environnement naturel. Vu sous cet angle, il convient d’examiner dans quelle mesure l’arrêt de la CEDH ne vient pas sanctionner la fuite en avant consistant à tout miser sur l’accroissement de la population qui conduit forcément à un développement d’infrastructures nouvelles, construction de logements, trafic motorisé accru, etc. Il y a du côté de l’UDC une sorte de réflexe pavlovien consistant à brandir le spectre des «juges étrangers» mais en lisant l’arrêt, pourquoi l’UDC ne sauterait-elle pas sur l’occasion pour souligner que les autorités suisses n’ont pas respecté la volonté du peuple suisse avec sa politique migratoire sans limite ? Si la fatigue se fait sentir sur les questions liées à l’immigration, la démocratie, elle, est en bonne santé : pas moins de 18 initiatives sont en cours de récolte de signatures ! —

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Newsletter N° 222- 4 juin 2024 | Source : Perspective catholique