Eric Bertinat – Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas la position de l’UDC-Suisse. Son dernier communiqué (5 janvier 2023), son alignement aux arguments du patronat pour refuser la 13e rente AVS (votation du 3 mars), la pression mise sur la prochaine Assemblée des délégués (1) laissent penser que la campagne de votation sera celle du camp bourgeois réunit (PLR, Centre, UDC) mais sans l’électorat de la droite populaire.

Ce sera de toute évidence un gros débat que celui concernant la votation fédérale du 3 mars prochain sur la 13 rente AVS. Le patronat et les partis de la droite bourgeoise, ainsi que l’UDC, prônent le rejet de cette initiative issue des milieux syndicaux. Le groupe des élus UDC au National expose dans son dernier communiqué de presse des arguments qui surprennent de la part d’un parti qui draine un électorat populaire, en grande partie âgé.

Revenons à nouveau sur cette initiative intitulée « Mieux vivre à la retraite » (2). Évidemment elle aura un coût, estimé à plusieurs milliards de francs. Personne n’en disconvient. Mais est-ce la fin du monde annoncée par la droite ? Cette même droite – sans l’UDC cette fois – qui nous annonçait une crise économique sans précédent au soir du 6 décembre 1992 ? Ces mêmes milieux patronaux qui hurlait au loup après le refus de la Suisse de ratifier l’Accord cadre. Ces mêmes élus, sous la coupole fédérale, qui agitent aujourd’hui le spectre d’une hausse massive d’impôt en cas d’acceptation d’un 13e versement de l’AVS…

Certes le Conseil fédéral adapte les rentes ordinaires de l’AVS et de l’AI tous les deux ans à l’évolution des salaires et du coût de la vie. La dernière adaptation est intervenue le 1er janvier 2023 et a donné lieu à une augmentation de 30 francs pour la rente minimale et de 60 francs pour la rente maximale. Alors que les primes d’assurance continuent d’augmenter, la réforme de l’AVS (AVS 21), acceptée le 25 septembre 2022, n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2024 mais ne touche pas les rentes de l’AVS. Ainsi, il faudra attendre la prochaine adaptation du premier pilier, soit au plus tôt au 1er janvier 2025.

En dépit d’un besoin de réforme reconnu, les bases légales de l’AVS n’ont plus été adaptées entre 1997 et 2024. Les beaux discours, les mesures d’économie, le soucis de la pérennité de la caisse AVS qui animent les milieux de la droite patronale n’ont concrètement pas aidé les rentiers et plus particulièrement ceux qui ne bénéficient pas d’une confortable deuxième pilier voire d’un troisième pilier. Leur rente est insuffisante, d’autant plus si ils sont mariés : la droite ne s’est jamais entendue pour gommer cette inégalité crasse qui pénalise les couples mariés des concubins.

Cette même droite continue à nous surprendre en tenant pour cette votation un discours carrément gauchiste, s’insurgeant contre l’arrosage d’un 13e pilier, dénonçant une augmentation jugée inutile pour les rentiers aisés. C’est, nous dit sans rire l’UDC, «injuste et socialement inacceptable». Est-ce vraiment un argument sérieux pour un parti qui se veut populaire que de priver ceux pour qui une augmentation de 200 francs améliorera la qualité de vie ? Qui plus est, rappelons-le, ces personnes aisées sont justement celles qui ont le plus cotisé.

Esther Friedli (UDC), Conseillère aux États, nous dit encore dans ce communiqué que « le projet manque sa cible et n’est pas finançable ». Et de nous expliquer que «La conséquence logique serait des déductions salariales plus élevées et une augmentation de la TVA, donc un renchérissement du coût de la vie pour tous. Cela toucherait particulièrement les jeunes familles et les familles monoparentales, qui sont déjà les plus touchées par les loyers élevés et les primes d’assurance maladie». Passons sur les « les jeunes familles et les familles monoparentales» qui sont hors du sujet (on attend des propositions de la droite!) pour reconnaître que, oui, cette augmentation de la l’AVS passera par un financement public. Je ne sais pas si la gauche a raison d’affirmer qu’à long terme, une 13e rente AVS coûterait 80 centimes par jour aux travailleurs (environ 200frs/an). Ou si le Conseil fédéral a bien calculé le coût de 5 milliards par an. Je ne sais pas plus si dans ces savants calculs, il est tenu compte que cette 13e rente sera non pas épargée mais (ré)injectée dans l’économie, factures en augmentations multiples et variées oblige…

Finalement la droite et la gauche ne sont d’accord que sur une seule chose : c’est celle de ne pas faire d’économie dans le budget fédéral.

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(1) A noter que l’assemblée des délégués, réunissant des délégués de tous les cantons, ne s’est pas encore tenue et n’a, par conséquent, pas décidé du mot d’ordre du parti. Il s’agit, pour le moment, de la position du groupe parlementaire, contestée par l’UDC-Genève qui soutiendra cette intiative « Dans un contexte d’augmentation constante du coût de la vie (assurance maladie, loyers, relèvement des taux d’impôt TVA au 1er janvier 2024), il devient urgent de soutenir le pouvoir d’achat de nos ainés » (14 décembre 2023).
(2) Voir notre précédent article (14 décembre 2023)

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Newsletter N° 180 – 8 janvier 2024 | Source : Perspective catholique