Eric Bertinat – Dimanche 15 mai, Charles de Foucauld sera canonisé par l’Église catholique. Le dernier Figaro hors série « Charles de Foucauld, une voix dans le désert» nous dévoile cette trajectoire hors norme, illustrée par de très beaux textes et une magnifique iconographie. Courrez l’acheter, il mérite de figurer dans votre bibliothèque ! Il mérite un peu de temps de lecture et de méditation tant cet homme qui se voulait être «un Évangile vivant» nous est proche, à nous les baptisés du XXIe siècle qui souffrons dans une époque qui nous a échappé.

Les pigistes sécheront sans doute sur le sujet : la trajectoire du Français né en 1858 étant tout sauf ordinaire. Pour l’Église elle-même qui n’a pas l’habitude de mettre en avant un homme dont Michel de Jaeghere, talentueux éditorialiste de ce Figaro hors-série nous dit que «Nul échec ne fut en apparence plus complet. Il s’était cru appelé à faire connaître aux musulmans les vertus de l’Évangile, et il était tombé sous le couteau de l’un d’entre eux». Pas ordinaire non plus pour notre société contemporaine perdue dans son rejet de la vérité et sa poursuite effrénée de succès périssables.

Le vicomte Charles de Foucault connu deux vies terrestres. La première, banale, d’homme sans Dieu, éparpillé dans les plaisirs de son époque puis, la deuxième, illuminée, une fois Dieu retrouvé. Une première vie marquée par son enfance qui, malgré la mort de ses parents, s’est déroulée dans le confort et l’affection de ses grands-parents, baignée par la pratique religieuse. Puis par son adolescence et ses mauvaises lectures : à peine sa première communion faite, il s’intéresse aux auteurs irréligieux et perd sa foi. Et par sa jeune vie d’homme, de débauché qui ressent le vide de son existence. Il faut attendre ses trente ans pour qu’il s’en inquiète : «douze ans sans rien nier et sans rien croire, désespérant de la vérité et ne croyant même pas en Dieu». Sa deuxième vie commence, il va alors d’église en église, répétant cette prière «étrange» comme il le dit lui-même : «Mon Dieu, si vous exister, faites-le moi connaître».

A l’observer, j’ai presque envie de dire qu’il ne faut pas trop rechercher Dieu. Parce qu’on Le trouve, à nos risques et périls. Au risque de notre âme, il n’y a pas de demie-mesure ; à ses périls d’une vie que l’on doit plier au message des Évangiles. Voici un peu plus de cent ans, après de nombreuses années de sacrifices et de foi, Charles de Foucauld n’a converti aucun musulman. Il a simplement manifesté sa croyance par la présence de Dieu à l’autel, poussé sa charité jusqu’à l’ultime limite humaine. Mais il n’a pas rien changé dans ce désert. Et alors ? sommes-nous tentés de dire. Et alors, rien dans ces bleds, si ce n’est l’exemple. Rien, n’est-ce pas parfois ce que nous ressentons dans notre désert à nous, devant le spectacle de nos pays qui se disloquent ? Nos efforts n’ont que peu de succès – encore en ont-ils quelques uns – devant cette masse uniforme et branchée. Mais c’est ici que nous cueille cette voix dans le désert : nous ne sommes pas payés pour le succès mais pour notre fidélité et notre amour au Christ. Nous tenons les promesses de notre baptême, un point c’est tout. Le père de Foucauld est avant tout un catholique qui a tenu. Il incarne exactement ce que nous demande notre Église: ni plus, ni moins. Il est un exemple. Il est exemplaire. Voilà pourquoi l’Église le sanctifie.

Nous serons de tout cœur à Rome pour sa canonisation en essayant de mieux comprendre son exemple, si peu ordinaire. Et nous lui demanderons, qu’à son exemple, nous tenions nous aussi dans le désert de nos cités.

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Newsletter N° 75 – 11 mai 2022 | Source : Perspective catholique