Eric Bertinat – Comparaison n’est pas raison. Certes. Mais il y a des faits objectifs qui permettent largement la comparaison, quelque soit l’époque. En politique, comme, hélas, en religion, l’inclination morale est naturellement portée ou tirée vers le bas. C’est la réflexion que je me fais en relisant cette note de Jean Madiran, du 5 juin 2009, intitulée « Les nations abandonnées par leurs représentants » (1). La France est en pleine campagne électorale pour les européennes. Trente-deux ans plus tard, la Suisse doit élire la nouvelle assemblée fédérale (2023 – 2027). Remplaçons la France et les élections européennes par la Suisse et les élections nationales. Vous constaterez que l’article de Jean Madiran vaut comparaison et raison.

Pour les élections de cet automne (22 octobre), deux arguments – qui semblent jouir d’une détestable influence – appelle une rapide réfutation.

– S’allier (je parle en qualité d’électeur) au camp bourgeois parce que seule « la majorité de droite » est assez forte pour faire barrage à la gauche ?

C’est ignorer qu’au Parlement fédéral, la majorité des questions sociétales, y compris migratoire, sont prises en commun des élus de droite et de gauche. A Berne, ils en rigolent, ils appellent cela une « culture du compromis ».

(L’Union européenne, c’est) « la destruction de la loi naturelle, la dictature de la culture de mort, la promotion des idéologies qui nient toute identité même simplement humaine »

Yves Daoudal

Le PLR a beaucoup déçu les électeurs de droite parce qu’il les a beaucoup trompés. Voter contre le camp bourgeois ne changera rien au gouvernement de la Suisse, mais une baisse de ses suffrages lui sera un affront mérité.

– Ne pas voter pour le camp des patriotes, représenté en grande partie par l’UDC, à cause de la dispersion et de certains votes opposés au programme du parti (par exemple le mariage pour tous) ?

Pour tous ceux qui tiennent à la démocratie – faute de meilleur système de gouvernance – il faut voter, pour ne pas ajouter du mal, au mal par l’abstention. S’abstenir, c’est accepter, c’est subir. C’est ajouter à la passivité générale.

Dans cette importante votation nationale, plusieurs dossiers sont chauds bouillants. L’immigration, la neutralité, l’Union européenne. Cette dernière que l’on rêve de rejoindre, construite à Strasbourg et à Bruxelles, n’est pas une édification mais une destruction tous azimuts, dont une synthèse d’Yves Daoudal (1) fait fort bien le résumé : c’est « la destruction de la loi naturelle, la dictature de la culture de mort, la promotion des idéologies qui nient toute identité même simplement humaine ». Chacun de ces quatre points est à lui seul mortel. Retenons prioritaire pour cet automne ce que Daoudal appelle « le démantèlement des nations », c’est l’aspect le plus politique, et quel tsunami historique, la disparition des nations européennes. La Suisse, en son centre géographique, n’y résistera pas !

Pour le moment l’opposition à un tel démantèlement est médiatiquement écrasée. Et surtout elle est reléguée dans la sphère des activités privées, des opinions particulières, des sentiments individuels : pas un seul parti n’en parle dans son programme 2023-2027. Sauf l’UDC, nous y reviendrons prochainement. L’existence même de la Confédération helvétique est en cause, la Confédération en tant que Confédération, et sa neutralité armée, est en voie de disparition, et aucune autorité publique ne manifeste la moindre désapprobation. Comme presque tous ses voisins européens, la Suisse est abandonnée par ses autorités politiques, militaires, judiciaires, universitaires, religieuses.

Les plus directement responsables, les immédiatement représentatives, ce sont les autorités politiques. Ce qui nous amène à nous questionner sur les alliances entre partis bourgeois et UDC.

A Genève, pour l’élection au Conseil national, un apparentement entre les quatre formations a été conclu. «Ainsi, tout en conservant leurs spécificités et leurs différences», Le Centre, le MCG, le PLR et l’UDC «font en sorte que les suffrages restants ne soient pas perdus et servent prioritairement à renforcer leurs formations», indiquent ces partis dans un communiqué commun. Genève dispose de douze sièges (sur 200) à la Chambre du peuple.

Pour l’élection du Conseil des États (2 sièges par canton), le PLR, l’UDC, le MCG et le Centre se sont mis d’accord sur le principe d’un «ticket commun» pour le second tour de l’élection du Conseil des États.

Pour la droite, l’enjeu principal est d’ébranler le monopole de l’alliance rose-verte à la Chambre haute en place depuis quinze ans. Nous avons vu ce qu’il faut penser de ce pari. Pour le gagner, il semble qu’il ne faille surtout pas parler de «démantèlement des nations» dans ce ticket commun ? 

(1) Chroniques sous Benoît XVI – Jean Madiran – Via Romana
(2) http://yvesdaoudal.hautetfort.com/

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Newsletter N° 146 – 12 août 2023 | Source : Perspective catholique