Abbé Alain René Arbez, prêtre et éducateur spécialisé – Lorsqu’il rappelle les fondamentaux de la foi catholique, enracinés dans les temps apostoliques et approfondis par les conciles, le pape est dans l’infaillibilité de son ministère. Il dit la vérité de la foi.

Mais lorsqu’il recommande le multiculturalisme et l’immigrationnisme, il n’est plus dans une posture magistérielle infaillible. C’est une option personnelle qui peut être discutée, même si elle est argumentée d’exemples tirés de la Bible, souvent sortis de leur contexte réel.

Il est incontestable que le chef de l’Église – en lien avec les évêques – est dans son rôle lorsqu’il rappelle l’exigence biblique de compassion, d’accueil du prochain, de partage fraternel. Mais de graves ambiguïtés grèvent ce discours : ce qui est valable pour les relations interpersonnelles ne l’est pas forcément pour la confrontation à des masses d’êtres humains.

L’exemple d’Abraham et de son hospitalité a été présentée à Marseille comme exemple à imiter. Oui, Abraham a accueilli avec enthousiasme trois mystérieux visiteurs au chêne de Mambré. C’est un vrai témoignage d’hospitalité, empreint d’accueil de la transcendance. Mais Abraham aurait-il pu accueillir de la même manière sous sa tente 11’000 visiteurs impromptus comme ce fut le cas à Lampedusa ? Son clan familial aurait-il été d’accord ? Surtout, de combien de veaux gras, de bols de céréales, de fromages aurait-il dû disposer pour cela ? Ce serait irréalisable…

Pour ne pas entretenir de faux espoirs autour de «l’accueil» avec une confusion irénique, il existe une parabole racontée par Jésus (Matthieu 22,1) où un homme s’est invité à la salle des noces sans avoir revêtu les conditions minimales pour y prendre part. Tous les autres membres de la fête avaient été conviés à l’initiative du maître de maison et, reconnaissants, ils s’étaient conformés aux règles de base.

Oui, Abraham a accueilli avec enthousiasme trois mystérieux visiteurs au chêne de Mambré. C’est un vrai témoignage d’hospitalité, empreint d’accueil de la transcendance. Mais Abraham aurait-il pu accueillir de la même manière sous sa tente 11’000 visiteurs impromptus comme ce fut le cas à Lampedusa ?

Quelle a été la fin de l’histoire ? L’homme voulant s’imposer selon ses propres critères s’est retrouvé exclu, mis à la porte car son attitude ingrate n’était pas respectueuse des règles du lieu d’accueil et du fonctionnement prévu d’une participation à l’événement festif.

Certes, l’Écriture nous dit que l’étranger doit être bien accueilli, mais à l’époque ou le texte a été rédigé, les arrivées d’étrangers n’étaient pas invasives et ne forçaient pas la main des hôtes. Les nouveaux entrants étaient les bienvenus s’ils se conformaient aux pratiques sociales et religieuses du pays d’accueil. Pas question d’imposer leurs coutumes exogènes à un peuple accueillant dont la pratique communautaire se fondait sur une révélation et ses exigences d’unité. Lorsque les prophètes annoncent que des peuples lointains rejoindront la foi d’Israël, ils prennent soin de préciser que ce sera en adoptant les règles éthiques du peuple de Dieu fidèle à la sagesse des commandements. Les intrusions de coutumes païennes avec Jézabel montrent l’inexorable issue fatale de ces relâchements.

Certes, nul que contestera le fait que le naufrage de migrants dans la mer est intolérable, et leur sauvetage en cas de détresse s’impose non seulement selon le droit maritime mais encore selon les sentiments d’humanité.

Mais peut-on pour autant encourager d’autres arrivages périlleux sous prétexte d’un droit à l’émigration ? La notion de citoyen du monde annule-t-elle la valeur de la patrie, rendant ainsi les populations interchangeables ? N’y a-t-il pas d’abord un devoir pour ces migrants, tous jeunes, à s’efforcer de rendre leur pays d’origine capable de répondre à leurs aspirations, plutôt que de se focaliser dans ce que le pape a appelé « leurs rêves », et qui se limite trop souvent à l’attraction illusoire de l’eldorado européen fantasmé? Avec les désillusions que l’on sait.

Devant la stèle des marins disparus, le pape a évoqué la mer devenue cimetière pour des milliers de personnes, majoritairement musulmanes. Pourquoi privilégier un profil christique à ces migrants nouveaux damnés de la terre, pourquoi se restreindre à ces victimes certes respectables, mais en omettant d’évoquer conjointement les milliers de chrétiens engloutis dans l’abîme de la persécution islamique en Afrique (Nigeria) et au Proche Orient (Irak) ?

A peine suggéré dans le propos officiel, il faudrait rappeler – avant le droit de toute personne au déracinement de l’immigration – le droit (et le devoir ?) à demeurer dans son propre pays pour en améliorer les conditions de vie. D’autant plus que les pays européens, saturés de nouveaux venus impossibles à intégrer, sont aux prises eux-mêmes avec de graves problèmes de société et des voies d’avenir économiquement improbables.

Par ailleurs, dans un souci de réalisme, la promotion de Marseille comme réussite multiculturelle mériterait certainement quelques nuances, les faits divers en illustrent chaque semaine la fragilité et les ghettos périurbains indiquent le risque grandissant de libanisation propre aux grandes villes d’Europe.

La protection invoquée de la « Bonne Mère », en l’occurrence la Vierge Marie, impliquerait que son magnificat se réalise concrètement, lorsqu’elle appelle au renversement des puissances oppressives. (Cela suppose une action concertée sur le terrain). Parmi celles-ci, les mafias des passeurs et des organisations criminelles de la drogue qui étendent jour après jour leur pouvoir destructeur sur toute une jeunesse.

Retenons donc, de ce passage du pape à Marseille, son vibrant appel à l’espérance, mais avec le discernement et les réponses concrètes que cela suppose de la part de tous.

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Newsletter N° 155 – 24 septembre 2023 | Source : Perspective catholique