Abbé Alain-René Arbez

Histoire de la région
La terre d’Israël a continuellement subi les invasions. On peut distinguer deux séries de conflits régionaux qui ont eu des incidences sur la vie du peuple. Les conflits est-ouest entre Égyptiens et Mésopotamiens (Sumériens, Babyloniens, Assyriens) cherchant à établir leur domination sur leur voisin. Le royaume israélite avec David, Salomon, Jéroboam II ne réussit à affirmer son indépendance que dans les intervalles d’affaiblissement de ses voisins puissants. Les conflits nord-sud entre peuples du nord et peuples du sud : les Hittites, Mèdes, Perses, Grecs, Romains ont envahi successivement la région du croissant fertile. Ces va-et-vient ont fait qu’Israël n’a jamais pu s’assurer une grandeur politique durable. Cette fragilité géopolitique a favorisé l’arrivée d’influences diverses. On retrouve dans les Écrits bibliques certaines influences économiques, juridiques, littéraires, religieuses.
Ce qui n’enlève rien à la spécificité du discours articulé autour d’un fil conducteur : l’alliance entre Dieu et son peuple, et sa projection universaliste. On apprécie d’autant plus la pédagogie de la Bible si l’on prend en compte les étapes progressives de la révélation en adéquation avec l’histoire. Il se dessine un progrès dans la connaissance de Dieu, la compréhension du monde, la manière de prier, la voie de la sainteté, l’amour du prochain.

Genres littéraires
D’où la diversité des genres littéraires dans les Écrits bibliques. Les modes d’expression ressortissent en effet à des styles assez variés, tels que la fable, la parabole, l’allégorie, le poème, l’épopée.
Les genres historiques sont eux aussi diversifiés : l’histoire populaire (Josué, Juges, Samuel). L’histoire hagiographique (cycles d’Élie et Élisée – Rois 1 et 2). L’histoire épique (Exode, Sagesse, Juges). L’histoire antique (2 Maccabées, Actes des Apôtres). L’histoire religieuse (présentation des faits en fonction des leçons à tirer : Israël est fidèle, Yahvé est bon. Israël est impie, Yahvé manifeste sa colère – Juges, Rois, Chroniques, etc). L’histoire romancée (Tobie, Judith, Esther). L’histoire fiction prophétique (Jonas, Daniel, Apocalypse.
Il faut tenir compte des représentations cosmiques de l’époque biblique où on se représente l’univers en trois étages : la terre des vivants, les cieux, et le séjour des morts. Selon cette perception, la terre est plate et repose sur un abîme liquide, le firmament est une calotte solide qui supporte les eaux d’en haut et à laquelle sont suspendus les astres. Au-delà de la sphère céleste se tient la demeure de Dieu. On ne peut donc rechercher dans la Bible des approches géologiques ou astronomiques. Autre dimension essentielle dans l’Écrit biblique : le rôle des chiffres. Un nombre indique toujours autre chose qu’une vérité mathématique. (Ex : l’âge des patriarches, le symbolisme fort des chiffres 1, 3, 7, 12, 40, 70…) Dieu est l’Unique, le Un, ehad.
Dans la tradition biblique et ses styles littéraires, Dieu est présenté comme la cause immédiate de tout ce qui survient. Les causes secondes des lois de la création sont assimilées aux causes premières émanant de Dieu lui-même. C’est le cas pour les tremblements de terre, les épidémies, les défaites, les attitudes humaines, et mêmes les fautes des hommes. Pour confesser le Dieu créateur et sauveur, il est toujours affirmé que Dieu est le maître absolu du temps et de l’histoire, il est derrière chaque événement. Sans jamais oublier que l’homme a été créé libre. La foi en la pertinence du message biblique va cependant nous permettre de voir dans l’histoire humaine la Providence divine, dans les écrits humains l’inspiration divine, et dans les prises de conscience humaines la révélation divine.

Le juif Jésus (IEHOSHUAH)
Il est donc bien difficile de décrypter les messages de l’évangile sans référence aux éléments-clé du Premier testament. De même que lors de l’épisode de la Transfiguration la personne de Jésus s’éclaire en compagnie de Moïse (la Loi) et d’Élie (les prophètes), on peut retrouver dans le Christ des traces vivantes de la Bible hébraïque :
La progression spirituelle du peuple d’Israël au cours des étapes de la révélation se synthétise et trouve une voie d’accomplissement particulier en la personne de Jésus, juif pratiquant et observant. Après sa mort et sa résurrection, ses disciples régénérés par l’Esprit reconnaîtront en lui le visage de Dieu parmi les hommes.
Toute l’expérience biblique transparaît dans la personne de Jésus. On retrouve en lui l’Adam parfait, vrai homme, Fils de Dieu accompli, image du Père, passé par l’épreuve des tentations et vainqueur du péché. On retrouve en lui Abraham, familier de Dieu et source de bénédiction pour tous les peuples. En lui se réalise la promesse. On peut aussi retrouver en Jésus Moïse, guide du peuple, au moment où il célèbre la Pâque et l’actualise par son propre passage de la mort à la vie. Il renouvelle l’alliance et l’élargit au pardon total y compris des ennemis. On retrouve en lui David, son onction royale et messianique, son attente active d’un Royaume dont Dieu est le seul maître. Il y a également en Jésus quelque chose d’Amos, lorsqu’il dénonce l’égoïsme des nantis et démasque toute forme d’hypocrisie religieuse. Le prophète Osée est présent dans son message, annonciateur du Dieu de tendresse et de pardon, de même que le prophète Isaïe, adorateur du Dieu trois fois saint, évocateur d’Emmanuel  « Dieu-avec-nous ». Et encore Jérémie, critique du ritualisme et célibataire volontaire, éveilleur de l’Alliance nouvelle, intercesseur pour les autres. Jésus réalise la figure du bon pasteur imaginé par Jérémie et Ezekiel, prophètes d’espérance pour les exilés.
Membre actif du peuple de Dieu nation sacerdotale, Jésus est le prêtre qui accomplit le sacrifice dans le renoncement à soi et la louange de Dieu. On retrouve ainsi en Jésus les traits saisissants du Serviteur d’Isaïe, prêt à offrir sa vie pour ouvrir à tous l’accès à la vérité de l’homme.
Jésus s’est donné de préférence le titre de Fils de l’Homme dont il a endossé la mission pour les derniers temps. Cet être mystérieux porte-parole de Dieu entrevu par Daniel éclaire sa mission divine. La pratique de Jésus est conforme à la sagesse des fervents hassidim, il accepte ses souffrances comme Job sans perdre pied.
Dans la personne de Jésus le Premier Testament s’incarne, au point que ses disciples voient en lui une Torah vivante (rabbin Bernheim). Son équipe de talmidim devenus apôtres envoyés annoncer la proximité du Règne selon son enseignement et son exemple met en route la Qehila, l’assemblée convoquée par Dieu, qui ira depuis l’Église-mère de Jérusalem transmettre les merveilles de la foi jusque dans les contrées lointaines et au cœur des sociétés païennes. —

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Newsletter N° 228 – 4 juillet 2024 | Source : Perspective catholique