Eric Bertinat – Ce 2 mars, au 19h30, il n’était pas nécessaire d’être très futé pour comprendre que la rts avait flingué Markus Ritter, le Saint-Gallois candidat à la succession de Viola Amherd. Un reportage sur ses terres le présentait en mode La Petite Maison dans la prairie : caricatural, avec l’accent suisse-allemand, expliquant aux Romands qu’en ville, on réfléchit moins bien qu’à Altstätten (son village), qu’il reste prudent sur le dossier européen, qu’il connaît le nom de chacune des vaches de son étable et, enfin, qu’il est catholique conservateur, même traditionaliste, très attaché à saint Nicolas de Flüe (il se rend chaque année au Ranft pour prier pour lui et pour son pays). Bref, de quoi effrayer les citadins, les socialistes et les bourgeois laïcs – ceux-là mêmes qui ont apporté leur suffrage à Martin Pfister.
Certaines élections envoient des signaux très forts à la population, même dans l’indifférence : qui a réellement suivi cette élection ? Pourtant, l’accession de Martin Pfister, inconnu de la Berne fédérale il y a encore un mois, est avant tout l’échec de Markus Ritter. La Tribune de Genève ne s’y est pas trompée et titrait aussitôt l’élection faite : «La victoire de Pfister est surtout la défaite de Ritter»?
Le nouveau conseiller fédéral et successeur de Viola Amherd est sans conteste dans les petits papiers du système politico-médiatique suisse. Conseiller d’État depuis neuf ans dans le canton de Zoug, en charge de la santé, colonel dans l’armée, il a, durant sa campagne, exigé davantage de moyens pour la défense nationale et surtout plaidé pour un renforcement de la collaboration entre la Suisse et l’OTAN – tout en précisant qu’il ne souhaite pas que la Confédération y adhère. À voir…
La candidature de Markus Ritter, président de l’Union suisse des paysans, a prouvé qu’un profil trop conservateur et réservé vis-à-vis de l’Union européenne n’a que peu de chances d’accéder au pouvoir. Les médias s’en sont chargés, en particulier la rts. Raphaël Pomey, dans Le Peuple du 9 février, nous en avertissait:
Devant l’inculture générale en matière de religions, le sujet du service public peut sembler relativement innocent. Mais quiconque connaît un peu les techniques de manipulation de l’opinion ne peut fermer les yeux devant plusieurs manœuvres grossières : par exemple, le Saint-Gallois [Markus Ritter] exprime une réserve extrêmement prudente, voire normande, face à différents sujets liés à la bioéthique (avortement, mariage pour tous, reconnaissance des non-binaires) vers la fin du reportage. Pour quel résultat? Le verdict, sous la plume de la RTS, d’une «foi traditionaliste assumée (qui) tranche avec son parti», dans la phrase suivante !
Beaucoup plus fréquentable.
La Tribune de Genève est encore plus directe s’agissant de Markus Ritter : Il s’est, en somme, affiché comme le candidat naturel de l’UDC. À l’inverse, le nouveau conseiller fédéral est jugé bien plus fréquentable, ne serait-ce que parce qu’il a eu l’«heureuse opportunité» d’épouser une Brésilienne comme l’a lourdement souligné Philippe Revas lors du 19h30 de la rts. Une information qui ne peut être interprétée que comme une preuve d’ouverture au monde. Le centriste a répété que les relations avec l’UE sont importantes pour lui. Il va faire en sorte que le paquet d’accords avec Bruxelles, «d’une importance centrale», trouve des majorités afin de pouvoir être accepté par le peuple. Certes, il a admis que la neutralité constitue la base de la politique extérieure suisse. Mais, a-t-il précisé, elle requiert de la flexibilité. Il s’agit désormais de savoir comment ce concept sera utilisé dans la pratique par le nouveau conseiller fédéral.
En privé, le soutien massif de l’UDC à Markus Ritter est jugé, après coup, maladroit. Il a sans doute perdu des voix mais c’est surtout son profil très conservateur, sa vision traditionnelle du rôle de la femme et, plus encore, ses doutes sur le libre-échange qui ont effrayé un Parlement ultra-libéral, majoritairement favorable à l’adhésion de la Suisse à l’UE. —
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Newsletter N° 253 – 19 mars 2025 | Source : Perspective catholique
