Éric Bertinat – Sauf à aimer la guerre pour divers motifs peu avouables ou être vraiment insensés, nous peinons à comprendre l’attitude belliqueuse de la France et de l’Angleterre. Restons sympa et gardons les motifs peu avouables. Philippe de Villiers, sur Cnews (28 février 2025), expliquait que l’Union européenne, divisée et de moins en moins crédible sur la scène internationale, espère resserrer les rangs autour d’une guerre dont elle ne peut ni la financer, ni la mener à observer ses divisions. Guillaume Tabard dans Le Figaro ne dit pas différemment: Revoilà le Macron du «nous sommes en guerre». Celui de 2020, lorsqu’il confina les Français face au Covid. Celui de 2022, lorsque la Russie attaqua l’Ukraine. Celui des temps exceptionnels où il mobilise solennellement les Français en espérant secrètement profiter d’une nouvelle union autour de la fonction présidentielle.
Dur, dur la réalité ! Abandonnés d’un coup à eux-mêmes, les pays européens désargentés doivent donc se réarmer, s’émanciper de la tutelle yankee, reprendre le terrain économique et industriel perdu. Car la menace est bien réelle, l’avenir est plus incertain que jamais et tous les scenarii sont imaginables. Éric Werner en propose un sur son blog qui mérite que l’on y réfléchisse : A terme, me semble-t-il, on va vers un dépeçage, non pas évidemment de la Russie, vous oubliez, mais de l’Europe elle-même. Les Etats-Unis en prendront une partie (le Groenland dans un premier temps, ensuite sans doute l’Angleterre, qui ne demande que ça), la Russie peut-être une autre (ce qu’elle ne voulait sans doute pas au début, mais on ne voit pas maintenant pourquoi elle se gênerait: ne serait-ce que pour protéger désormais ses frontières), la Turquie une autre encore (les Balkans, une ancienne possession ottomane). Sans oublier l’Algérie, qui a paraît-il des comptes à régler avec la France. (2).
Une Union européenne qui donne les derniers signes de vie politique
Organisées dans l’agitation, les réunions entre États membres, ou plutôt entre certains États membres, ou même non membre comme le Canada, donnent l’exacte image de la situation actuelle. Certains sont invités, pas d’autres. Il y a les amis et les collaborateurs plus ou moins supposés. Les photos de groupe, à la sortie de ces rencontres superficielles, montrent des participants souriant, certains beaucoup moins, telle Giorgia Meloni, cheffe du gouvernement italien qui, apprend-on, reste en contact étroit avec Donald Trump. Tout comme Viktor Orbán, pièce importante de l’axe Moscou-Washington. Qui ne passe ni par Paris, ni par Berlin, ni par Londres…
Pendant ce temps, en Suisse
L’agence de presse Reuters lâche fin février une information qui n’a pas fait beaucoup de bruit. Américains et Russes se sont rencontrés pour des discussions non officielles sur la guerre en Ukraine. Des rencontres informelles qui ont eu lieu en Suisse. Le contenu de ces discussions n’est pas connu, pas plus que l’identité de leurs participants. Ces échanges se tiennent en dehors de la diplomatie officielle et permettent de ne pas impliquer des représentants étatiques. Voilà notre pays retrouvant son rôle sur la scène internationale, faisant preuve de sa traditionnelle retenue et utilisant à juste raison sa neutralité malmenée depuis le début du conflit.
Du moins, c’est ce que nous espérons, alors que la situation internationale suscite une inquiétude grandissante au sein de la population. Le Conseil fédéral n’a guère été brillant depuis la pression de l’administration fiscale américaine et la perte de son secret bancaire (2014). Il suffit de nous souvenir de l’achat foireux des F-35, des sanctions contre la Russie ou encore du rapprochement évident avec l’OTAN. Aujourd’hui, ce sont les départs et les licenciements en série au sein du Département fédéral de la défense (DDPS) qui soulèvent beaucoup d’inquiétude sur la sécurité de la Suisse. La démission brutale de la centriste Viola Amherd pourrait entraîner celle, bienvenue, du libéral Ignazio Cassis, «le ministre du silence, disparu des médias en 2024», comme le surnomme Le Temps. Mais l’urgence réside surtout dans la crise de confiance qui fragilise l’image et la crédibilité des institutions du pays, comme l’a expliqué l’ancien diplomate Jean-Daniel Ruch (voir page 4) au micro de la rts. Au moment de boucler ce numéro (6 mars), rien n’est annoncé par le Conseil fédéral. —
(1) Le Figaro (6 mars)
(2) L’Avant-blog d’Eric Werner – Chronique de la modernité tardive
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Newsletter N° 252 – 7 mars 2025 | Source : Perspective catholique