Christian Bless – Michèle Reboul est certainement connue de certains des lecteurs de Perspective Catholique qui auront lu dans les années 1997-2001 ses articles dans Le Figaro et Monde et Vie, notamment. Ces textes réunis en un volume sous le titre de L’invisible infini (2004) constituent un précieux témoignage sur une époque, principalement pour ce qui est des questions religieuses et plus particulièrement de la crise qui secouait alors la vie de l’Eglise et ses conséquences sur la société qui prennent aujourd’hui des proportions effarantes, la digue de l’enseignement séculaire ayant été rompue.

En 2018, la journaliste a publié une somme consacrée à la théologie mariale, L’Immaculée Conception – Clé de voûte de la Création (Via Romana), dont on trouve déjà les linéaments dans nombre d’articles rédigés précédemment par Michèle Reboul. Cet ouvrage devrait figurer dans la bibliothèque de toute famille attachée à la Tradition catholique et aux dogmes mariaux. Il peut être lu parallèlement à celui du R.P Guy Touton, o.p., Marie au plus près des Écritures et dans la Tradition (Artège). Le terme de somme n’est pas exagéré pour cet important livre de plus de 500 pages qui passent en revue les différents aspects du mystère marial dans un regard contemplatif. D’innombrables citations, tirées de la patristique, des saints et des enseignements pontificaux, viennent enrichir ces chapitres qui éclairent la foi et nourrissent la vie intérieure. Ce volume restera certainement l’œuvre maîtresse de son auteur.

Rassemblant un nombre impressionnant de textes fondamentaux, l’auteur nous plonge au cœur du mystère et des réalités surnaturelles les plus élevées pour nous aider à pénétrer les vérités révélées et informer notre vie intérieure. Face à l’incrédulité contemporaine, Michèle Reboul cite le père Kolbe pour nous montrer le magnifique édifice de la Révélation et de l’enseignement de l’Église qui sont un : « Les dogmes catholiques s’engendrent les uns les autres et ne cessent de s’enrichir les uns par les autres. » Immense richesse de la Tradition et profondeur temporelle de cette foi qui est une : «  Déjà au IVème siècle, saint Ephrem le Syrien, docteur de l’Église, priait Notre-Dame, « Mère de Dieu, pleine de grâce (…) le canal de tous les biens, la reine de toutes choses après la Trinité (…) la Médiatrice du monde après le Médiateur (…) le pont mystérieux qui relie la terre au ciel, la clef qui nous ouvre les portes du paradis (…) Notre avocate, notre médiatrice (…) accueillez mon âme dans sa misère, et par votre médiation, rendez-la digne d’être un jour à la droite de votre unique Fils. » Lignes tracées au IVème siècle …

Fille de la plus grande France

Michèle Reboul est née au début de la seconde guerre mondiale à Beyrouth où son père, Gabriel Reboul, officier de marine, était « engagé volontaire dans les Forces navales françaises libres » et où sa mère décodait les messages chiffrés. Une longue carrière consacrée à la mer conduira Gabriel Reboul des Messageries maritimes, dans les années 1920, à la Compagnie du canal de Suez à Port-Saïd et, de 1948 à 1956, à Ismaïlia, comme chef du transit jusqu’à la nationalisation du canal et des événements tragiques qui l’ont entourée.

Sa mère, Paule, née au Caire, où elle fut scolarisée au pensionnat du Sacré-Cœur, appartenait à la grande famille libanaise Debbané dont on peut encore visiter l’imposante demeure à Saïda, au sud de Beyrouth, et dont le grand-père fut consul du Brésil au Caire. Un aïeul, Miguel Debbané, fit bâtir une église à Alexandrie dédiée à Saint Pierre d’Alcantara, patron de l’empereur du Brésil Pedro II, église ornée de belles icônes qui existe toujours dans la rue portant le nom de la famille.

Souvenirs d’une époque pas si lointaine mais engloutie où la France laissait son empreinte culturelle et religieuse autour de la Méditerranée qui aurait pu devenir à nouveau Mare Nostrum. Mais ce monde, dans le sillage de l’affreuse guerre civile européenne, était en voie d’effondrement. Michèle Reboul raconte avec bonheur ces années sur le canal mais également les tragiques événements qui vont entraîner le départ de la communauté française et de sa famille. Ces bouleversements marqueront profondément la jeune Michèle qui, à 10 ans, doit fuir son école tenue par les Filles de la Charité, alors que la foule haineuse y met le feu et parade avec les têtes décapitées des religieuses en cornette plantées sur des piques. Cette vision va altérer la santé de la fillette et lui faire perdre la foi. « Ma maladie n’était pas due seulement à l’effroi devant la haine et à la peine devant la mort de mes professeurs, les religieuses décapitées : c’était une maladie de l’âme … Comment le Bon Dieu … qui est à la fois bon et tout-puissant peut-il permettre le mal ? »

L’auteur nous raconte ces derniers moments de ce que l’historien Pierre Montagnon, dans un récent ouvrage, nomme Le leg français – Algérie, 1830-1962) (bg Bernard Giovanangeli Éditeur). L’historien clôt ainsi son livre, et ces pages valent pour nombre de pays : « La conclusion très simple de ces lignes peut être laissée à un Algérien. Ferhat Abbas, premier président du GPRA durant la guerre d’Algérie, écrit dans L’Indépendance confisquée : « En 1962, alors que j’était président de l’Assemblée nationale constituante, j’ai reçu un grand nombre de diplomates étrangers, en particulier ceux des pays communistes et des pays arabes. Tous étaient en admiration devant l’infrastructure et la richesse de notre pays. Un ministre syrien, M. Salah Bitar, qui venait de visiter la Mitidja et la région d’Alger, ne tarissait pas d’éloges : « L’œuvre de la France, me dit-il, est admirable ! Si la France était restée vingt ans de plus, elle aurait fait de l’Algérie l’équivalent d’un pays européen. »

Michèle Reboul témoigne de cette œuvre admirable réalisée sur le canal de Suez et dont on retrouve, aujourd’hui encore, les traces tout autour de la Méditerranée.

Une longue quête de la vérité

Elle retrouvera la foi seulement à l’âge de 36 ans, suite à une longue et douloureuse quête marquée par une soif de vérité que seul son retour à l’Église et à la Sainte Messe permettra d’étancher.

Des études de philosophie et une carrière dans le journalisme, principalement au Figaro et à Monde et Vie, placent sur ce chemin chaotique une foule de personnalités dont l’auteur nous dresse les portraits et nous rapporte mille anecdotes au service de l’histoire de ces années de profonds bouleversements. Elle fréquentera, notamment, Vladimir Jankélévitch, Claude Tresmontant, Louis Pauwels, Jean Madiran qui lui proposera une collaboration avec Présent, mais ce seront d’autres rencontres qui lui traceront le chemin du retour à la foi. L’abbé Maurice Zundel, vicaire à l’église du Sacré-Cœur à Lausanne, rencontré en 1965, commencera de lever les objections qui lui avaient fait perdre la foi en lui disant : «  Dieu n’est pas responsable du mal. Le Christ en est la première victime. ».

En janvier 1978, la rencontre avec Jean Marty, « l’homme qui a changé ma vie », ouvrira la porte du retour à la foi et à la messe. Ensuite, la fréquentation du Père Carmignac, de Geneviève de Sainte-Preuve, du Père Guérard des Lauriers et de Mgr Marcel Lefebvre fera d’elle le mousquetaire qui mettra sa plume au service de la Tradition catholique, de la défense de la liturgie tridentine et du catéchisme. Michèle Reboul porte à notre connaissance ses échanges avec le fondateur de la FSSPX et plus particulièrement ceux en lien avec la décision de sacrer des évêques.

Michèle Reboul – L’Immaculée Conception – Clé de voûte de la Création – 2018 – Via Romana

Michèle Reboul – Une âme en quête de la vérité – 2020 – Via Romana

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Lettre d’information N° 8 janvier 2021 | Source : Perspective catholique