Abbé Alain René Arbez – Le décalogue, ou Dix Paroles, (Exode 20, 1-18) nous offre cinq objectifs de vie concernant la relation à Dieu et cinq autres correspondant aux rapports humains.
1/Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi
2/Tu ne feras aucune idole
3/Tu n’invoqueras pas en vain le nom
du Seigneur ton Dieu pour le mal
4/Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré
5/Honore ton père et ta mère
6/Tu ne commettras pas de meurtre
7/Tu ne commettras pas d’adultère
8/Tu ne commettras pas de vol
9/Tu ne porteras pas de faux témoignage
contre ton prochain
10/Tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain
Le cinquième commandement de la Bible est : « Tu honoreras ton père et ta mère ».
Honorer vient du verbe hébreu « kibbed » qui signifie concrètement donner du poids, de la valeur. Celui qui grandit en humanité honore sa mère qui lui a donné la vie et son père qui l’a éduqué vers l’autonomie. La Bible demande à chacun d’honorer son père et sa mère, mais aussi de savoir les quitter pour trouver son propre chemin, ce qui n’est pas contradictoire. « L’homme quittera son père et sa mère » (Genèse 2, 24). Jésus a lui aussi encouragé à la fois le lien et l’autonomie. Il ne veut pas que la famille et la parenté soient un clan qui met ses membres sous emprise et ferme l’horizon. La bonne distance est nécessaire, et la Parole de Dieu ouvre à chacun un chemin de vie.
On s’étonne sans doute de constater que le commandement qui demande d’honorer son père et sa mère se trouve parmi les 5 prescriptions concernant le rapport à Dieu. Un commentaire rabbinique dit que le respect exprimé envers les parents est considéré par Dieu comme adressé à lui-même, source de vie. En effet, nos parents nous ont transmis la vie qui dépasse chaque génération. Ils sont la cause de notre venue en ce monde, et même s’il peut dans certains cas y avoir des insatisfactions envers eux, ils méritent le respect et la reconnaissance de leur place dans notre histoire. Même les cas les plus invalidants n’empêcheront pas d’espérer et d’aller de l’avant. « Si mon père et ma mère m’abandonnent, Dieu me recevra ! » (Psaume 27,10)
Ce cinquième commandement faisant partie de la table concernant la relation à Dieu, n’est pas là par hasard. Il représente le lien voulu par Dieu entre nos parents et nous, mais aussi entre nous et ceux qui nous ont précédés. Lorsque la Bible nous demande d’honorer les anciens, de cultiver notre mémoire et de prendre part consciemment à une histoire qui est à la fois individuelle et collective, elle fait œuvre de civilisation. C’est un maillage intergénérationnel qui seul peut éviter l’amnésie et la dérive collective. Dans les sociétés traditionnelles, les anciens sont reconnus et écoutés, pour que leur expérience enrichisse la génération montante. Aujourd’hui, beaucoup de nos contemporains vivent dans l’idéologie de l’instant, de l’immédiat, et ils sont devenus incapables de prendre en compte les acquis des générations précédentes. L’individualisme triomphant a détruit les bienfaits relationnels, le lien aux parents, le lien à ceux qui nous ont précédés, le lien à autrui. Il détruit aussi la valeur de la durée, du mûrissement personnel et communautaire.
Le prophète Isaïe aborde les dangers sociétaux de cet affaiblissement fatal : « Je leur donnerai des jeunes gens pour chefs et des gamins domineront sur eux. Parmi le peuple l’un opprimera l’autre et chacun son prochain. Le jeune attaquera le vieillard et le vulgaire s’en prendra à celui qui devrait être honoré » (Is 3,1-5)
Bien des problèmes de nos sociétés s’éclairent à la lumière de ce passage biblique toujours pertinent. Le philosophe Platon va dans le même sens critique, selon cet extrait de « la République » : Quand des pères tremblent devant leurs fils, quand les maîtres n’enseignent plus les élèves mais préfèrent les flatter, quand les jeunes générations ne respectent plus les règles et les codes parce qu’ils réfutent l’autorité de qui que ce soit, alors commencent les conditions de la tyrannie ».
Une Europe qui a renié ses racines judéo-chrétiennes se met en grande difficulté pour construire son avenir. —
___________________________________________________________________________________
Newsletter N° 252 – 7 mars 2025 | Source : Perspective catholique