Abbé Alain René Arbez – Nouveau sultan autoproclamé, Erdogan cherche à rassembler derrière lui la population turque autour de l’islam. La récente transformation de la Basilique Ste Sophie Hagia Sophia en mosquée, avec prières musulmanes et grand renfort de foules à l’extérieur marque une nouvelle étape médiatisée quelles que soient les protestations internationales à la suite de cet acte calculé.
Les positions offensives turques en Syrie, les manœuvres dilatoires en Lybie avec l’apport de djihadistes, manifeste la ferme volonté du président turc d’avancer ses pions sur l’échiquier oriental et européen.
C’est pourquoi, malgré ses excès de langage et ses opérations hasardeuses, Erdogan ne perd jamais une occasion de remettre la compresse en exigeant des Européens qu’ils se rendent à l’évidence : la Turquie fait partie de l’Europe…
Et pour accentuer en permanence la pression, il joue continuellement la menace du filtre provisoire turc pour contenir la vague migratoire vers l’Occident. Plusieurs millions de migrants pourraient déferler sur les pays européens, menace-t-il !
Historiquement, c’est lors du sommet de Copenhague (1993) que les dirigeants européens avaient cédé à la demande insistante du gouvernement islamiste turc d’entamer les fameuses discussions à tiroirs pour une soi-disant intégration de la Turquie à l’Union européenne.
Les Turcs formulaient avec insistance leur requête en prétendant qu’en 1964, une promesse leur avait été formulée par la CEE dans ce sens, alors qu’en fait, il ne s’agissait à l’époque que d’un simple partenariat commercial avec le marché commun européen.
Les accords économiques spéciaux issus de cette étape ont d’ailleurs fonctionné et ils opèrent encore actuellement. Mais la perspective d’alors n’impliquait en aucune manière une intégration politique et l’objectif s’en tenait à ce seul accord d’ordre économique.
Aujourd’hui, étonnamment, les ex-conquérants de Constantinople se disent toujours empressés de faire partie dès que possible d’une aire de civilisation dont ils ont, durant des siècles, âprement combattu les valeurs et les symboles.
Qu’on se souvienne des menées ottomanes jalonnées de massacres dans l’Europe centrale et les Balkans. Qu’on pense aux interminables périodes de racket en Méditerranée par les pirates albanais installés à Alger et qui ont enrichi Istambul de leurs pillages et de leurs rapts, qu’on n’oublie pas ces cruelles méthodes d’enlèvements permanents de jeunes gens et jeunes filles de Serbie tragiquement livrés aux notables turcs (le devshirme)…(Cf le livre de Bat Yeor : les dhimmis)
Malgré une réputation abusive de tolérance – due en partie à l’alliance contre nature scellée entre le sultan et le roi de France François 1er – l’Empire de la Sublime Porte a éradiqué par étapes les chrétientés byzantines, anatoliennes et arméniennes. On connaît le blocage turc par rapport à une reconnaissance de ce qui a été un véritable génocide planifié… Pourtant, certains esprits laïcs affranchis vous diront avec indifférence ou ignorance que ces événements appartiennent au passé et qu’il faut regarder vers l’avenir.
Mais outre le fait que la Turquie est géographiquement et culturellement tout sauf occidentale, le projet d’intégration dans l’ensemble politique européen revient constamment sur le devant de la scène.
Ce scénario catastrophe présenterait de graves menaces pour la cohésion et la sécurité des peuples européens : les frontières d’une Union européenne repoussées artificiellement à l’est, vers des zones de conflits majeurs, le rapport des équilibres religieux totalement bouleversé, tout porte à croire que l’opération serait catastrophique pour les acquis des nations occidentales profondément fragilisées.
A ces risques s’ajoutent ceux de fortes disparités démographiques ainsi que de trafics est-ouest renforcés par l’intermédiaire de filières déjà puissantes (drogue, prostitution, armes, clandestins, etc).
Pour impressionner les opinions publiques, le chantage des partisans de l’adhésion turque s’est souvent basé sur deux postulats peu crédibles : premièrement, en refusant d’accueillir la Turquie, l’Europe montrerait qu’elle est un « club chrétien », et deuxièmement, elle prendrait le risque de voir l’islamisme proliférer davantage à sa porte.
Nul ne peut honnêtement nier l’importance fondatrice des valeurs judéo-chrétiennes dans l’histoire du vieux continent, et qui se plaindra des avantages civilisationnels évidents qu’elles ont générés ? Les spécialistes du déni sont les révisionnistes laïcistes, toujours prêts à scier la branche sur laquelle ils sont assis !
Rappelons quand même qu’il y a eu, en 40 ans, des transferts massifs de populations musulmanes allogènes à l’intérieur de ce « club chrétien » européen (50, 60 millions ?), et le basculement s’accélère ces dernières années avec les flux migratoires grandissants venant forcer les portes d’entrée d’une Europe à vrai dire passoire.
Au sein même des nations européennes, on voit les groupes islamiques marquer le territoire à travers les attentats et les crimes quotidiens, alors même qu’augmente le nombre d’immigrants musulmans. En revanche, il ne reste plus beaucoup de chrétiens dans l’actuelle Turquie ! (0,05%). Les meurtres de prêtres y ont été perpétrés d’année en année, y compris avec la décapitation du chef de l’Eglise catholique, Mgr Padovese, par son chauffeur turc aux cris de Allah ou akbar.
La Turquie peut-elle décemment utiliser l’argument de l’ouverture et de la tolérance qu’elle a manifestement refusé d’appliquer à ses minorités ? La montée permanente de l’islam radical turc, l’appui du groupement fasciste Mili Görus (loups gris) confortent le triomphe du parti islamiste d’Erdogan. Les multiples attentats antichrétiens et le réveil de l’antisémitisme ne sont pas là pour inverser la tendance !
Comment les Occidentaux pourraient-ils ne pas prendre en compte – avant de poursuivre des discussions vers une telle aventure – la montée en puissance de cette idéologie politico-religieuse hostile aux valeurs constitutives de l’Occident ?
Rappelons qu’aujourd’hui encore le gouvernement d’Ankara n’envisage ni de rapatrier les occupants turcs illégaux du nord de Chypre, ni d’offrir un espace d’expression culturelle aux Kurdes et cultuelle aux chrétiens vivant sur son territoire!
Alors que l’Europe ne sait toujours pas comment gérer l’arrivée massive d’immigrants, l’entrée supposée de la Turquie dans l’espace européen ouvrirait subitement les vannes aux 75 millions de musulmans de ce pays, auxquels s’ajouterait inévitablement la poussée de 120 millions de turcophones des nations limitrophes, comme aspirés par ce raz de marée : alors adieu l’Europe, adieu la laïcité, adieu les communautés juives et chrétiennes encore relativement libres d’expression sur leurs territoires ancestraux !…
Lettre d’information N° 20 – 29 juillet 2020 | Source : Perspective catholique