Abbé Alain René Arbez – De temps à autre, on nous annonce avec lyrisme que le vendredi, jour de la prière, musulmans et chrétiens ont ici et là prié ensemble… Le jour des obsèques du Père Hamel assassiné en peine messe par deux activistes islamiques, musulmans et catholiques ont paraît-il « prié ensemble » à la mosquée : le curé Moanda a même lancé face aux caméras : « le vrai islam, c’est pas ça ! ». Un prêtre africain qui sans doute veut ignorer le sort des chrétiens du Nigéria, du Soudan, du Burkina et du Kenya et autres pays meurtris constamment par les attentats perpétrés au nom d’Allah. Voici comment l’émotion et l’affect, doublés du manque de connaissances, conduisent des catholiques (sincères mais conditionnés) sur des voies sans issue.
Signe aggravant, l’absence de parole magistérielle éclairante sur ce sujet sensible, car la plupart des évêques sont focalisés sur le « vivre ensemble » inconditionnel, et la louange du « multiculturel », ce qui ajoute encore à la confusion ambiante.
Il est tout de même utile de rappeler ce que l’ancien président du Conseil pontifical pour l’Interreligieux, le cardinal Tauran, à la question de savoir si chrétiens et musulmans peuvent ou non prier ensemble répondait à des journalistes :
« Non, musulmans et catholiques, on ne peut pas prier ensemble, ce serait alors du syncrétisme ! »
Syncrétisme signifie mélange religieux entièrement inapproprié, et même confusion insidieuse entre deux options contradictoires. En effet, que signifierait prier Allah avec des musulmans alors que cette religion a pour cible principale l’essentiel de la foi chrétienne ? Car le coran affirme que le plus grave péché à ses yeux est le « shirk », la reconnaissance par les chrétiens d’une plénitude de présence divine en la personne du messie juif Jésus. Les musulmans ne croient pas que Jésus – pour eux prophète islamique – est mort en croix, ils nient absolument Pâques et la résurrection, tout en clamant que juifs et chrétiens ont falsifié les saintes Ecritures.
Lorsque des chrétiens vont prier Allah dans une mosquée ou dans un rassemblement avec des musulmans, c’est un véritable marché de dupes. Peut-on passer sous silence le fait que l’inspiration religieuse des crimes djihadistes est présente en termes sacralisés au sein même de la tradition islamique? Le coran ne s’interprétant pas, et sa lettre devant être respectée sans être critiquée, quelle perspective réelle pourrait-on tirer des bonnes intentions d’une prière islamo-chrétienne ? Prier ensemble Allah : alors que l’islam est à la fois religion et politique, sans distinction possible…
La tradition chrétienne a une autre approche du divin dans la vie humaine : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! » disait Jésus. Cette séparation des domaines spirituel et temporel ne peut exister pour le musulman, même le mieux disposé. La loi d’Allah doit recouvrir toutes les activités humaines sans nuance. La vérité, c’est que musulmans et chrétiens ne croient pas au même Dieu unique. Jamais des chrétiens ne retrouveront en Jésus Fils de Dieu le fils d’Allah ! Alors que les hadiths nous disent que Jésus (Issa) reviendra à la fin des temps proclamer la victoire de l’islam et « briser les croix en tuant les porcs ».
La prière du musulman, c’est d’abord la prière rituelle cinq fois par jour. Quand des chrétiens parlent de « prière » à la manière biblique, le musulman entend le mot « salat », c’est à dire que, pour lui, une prière de dialogue avec Dieu selon l’Esprit de Jésus n’a aucun sens. Il ne s’engage pas de manière personnelle dans sa prière mais perpétue la récitation de la oumma, la communauté mondiale des soumis, en se tournant vers la qibla, vers la Mecque. Par conséquent, lorsque les chrétiens personnalisent leur prière comme le faisaient leur prédécesseurs juifs et par conséquent l’humanisent, ils sont déjà haram dans la logique du « shirk », ils sont selon l’anathème coranique des « associateurs » coupables, car ils mettent trop d’humain dans cet espace incréé réservé à Allah et à ses exigences insondables.
Prier, pour le chrétien, c’est prier Dieu le Père avec Jésus et selon l’Esprit. C’est se laisser inspirer et engendrer par un Dieu, bon, généreux envers tous, et plein de tendresse. Dieu est à la fois le Transcendant et la Présence à nos côtés. Le destin du monde n’est pas écrit d’avance comme dans le « mektoub », mais se réalise en synergie entre Dieu et les hommes en alliance avec lui.
Pour toutes ces raisons, on ne peut pas prier ensemble, chrétiens et musulmans, sans trahir gravement l’authenticité des spécificités théologiques et historiques. Cela explique pourquoi le pape Benoît XVI, lors de ses voyages en terre musulmane, prenait bien soin de toujours avertir courtoisement qu’il prierait Dieu aux côtés de ses hôtes musulmans (respectés en tant que personnes), mais qu’il ne prierait pas avec eux, ou selon leur tradition.
Tout cela n’empêche évidemment pas les chrétiens de prier pour les musulmans, (comme ils prient pour les hommes du monde entier) afin que les adeptes du prophète ouvrent les yeux sur les réalités factuelles, sur l’histoire sanglante des conquêtes islamiques, et qu’ils soient prêts en conséquence à poser un jour des choix courageux, pour autant qu’ils puissent jamais le faire.
Lettre d’information N° 20 – 24 août 2020 | Source : Perspective catholique