Mirco Canoci – L’ancien adage “Le travail, c’est la santé” semble aujourd’hui cruellement déconnecté de la réalité. À en croire les chiffres les plus récents, le monde professionnel est devenu, pour beaucoup, une source majeure de stress, d’épuisement et de désillusion. En Suisse, comme ailleurs en Occident, la souffrance psychique au travail prend une ampleur inquiétante.
Une épidémie silencieuse
En Suisse, une personne sur six a déjà souffert d’un burn-out et un quart des travailleurs se considèrent à risque. En dix ans, la proportion de salariés se disant stressés est passée de 18 % à 23 %. Plus de la moitié d’entre eux se déclarent émotionnellement épuisés, ce qui est bien souvent le signe avant-coureur d’un burn-out. Le Job Stress Index 2022 de Promotion Santé Suisse rapporte que 30,3 % des salariés se disent émotionnellement à bout, un record en Suisse. À cela s’ajoute un constat alarmant : plus de 770’000 employés envisagent de quitter leur poste, accablés par un quotidien devenu insoutenable.

Un coût humain et économique faramineux
Les conséquences ne sont pas seulement personnelles. Selon une étude de SWICA, 57 % des absences pour raisons psychiques sont liées à des conflits au travail, et les coûts économiques de cette souffrance atteignent 6,5 milliards de francs par an. Les secteurs les plus touchés sont le social, la santé et la restauration.
Pire encore : la réintégration après un burn-out échoue dans un cas sur deux. Une situation dans laquelle les individus sont broyés par un système qui exige toujours plus sans offrir ni sens ni stabilité.
Un mal occidental ?
La Suisse n’est pas une exception. En Europe, le stress professionnel serait responsable de près de 10 000 décès chaque année, entre infarctus et suicides. Les femmes, plus exposées à la précarité et au harcèlement, sont surreprésentées dans ces statistiques.
Le rythme de travail suisse est même, selon une enquête du SECO, le plus intense d’Europe. Pourtant, le malaise dépasse nos frontières : selon Gallup, seuls 34 % des travailleurs dans le monde se disent épanouis, contre 58 % en difficulté et 8 % en souffrance.
Une société malade de son rapport au travail ?
Derrière ces chiffres se dessine une réalité inquiétante : notre société a perdu le sens du travail. Le respect de l’individu, la hiérarchie claire, la reconnaissance du mérite et la valorisation de l’effort ont laissé place à une gestion abstraite, bureaucratique et souvent déconnectée du terrain.
Cette crise devrait interroger nos dirigeants, nos entreprises et nos institutions. Le travail ne peut être une chaîne invisible, ni un outil d’aliénation sous couvert de bien-être de façade. Il est temps de remettre l’humain, le bon sens et la responsabilité au cœur du monde professionnel. —
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Newsletter N° 260 – 13 juin 2025 | Source : Perspective catholique