Mirco Canoci – Le terme «adulescent», contraction d’«adulte» et d’«adolescent», désigne ces jeunes adultes qui refusent de quitter l’univers de la jeunesse. Issu du langage publicitaire, il met en lumière une catégorie de consommateurs très recherchés : avides de nouveautés, attachés à la mode, aux loisirs culturels et aux produits de divertissement.
L’«adulescence» s’étend généralement de dix-huit à trente-cinq ans, parfois davantage. Ce sont le plus souvent des adultes qui tentent de s’identifier aux adolescents, et non l’inverse. Le mythe de Peter Pan illustre bien ce refus de grandir : rester dans un monde protégé, loin des responsabilités propres à l’âge adulte.
La culture populaire a largement contribué à populariser ce phénomène : le film Tanguy (2001) ou encore la série Friends (1994-2004) ont mis en scène des adultes en décalage avec leur âge. Mais au-delà de l’écran, la réalité est frappante : combien d’hommes et de femmes passent des heures devant des jeux vidéo, des séries, des mangas ou des comics? Cette immersion dans des univers fictifs devient souvent un refuge face aux exigences de la vie réelle, comme s’engager sentimentalement, fonder une famille ou assumer un métier exigeant.
On observe aussi l’imitation de codes adolescents : tatouages, piercings, langage relâché, vêtements «jeunes». Le paradoxe est inquiétant : des adultes veulent redevenir enfants, tandis que des enfants sont poussés à se comporter comme des adultes précoces. Notre société encourage cette confusion en exaltant la consommation immédiate et la déresponsabilisation, au détriment de la maturité et de la transmission familiale et culturelle.
Le témoignage de Laurent, vingt-huit ans, marié et père de famille, résume bien ce malaise: «Je suis classé comme un adulte, mais je ne me reconnais pas comme tel. Pour moi, les adultes, ce sont mes parents. Je me vis intérieurement comme un adolescent, avec mes angoisses, mais extérieurement, dans mon travail, je suis déjà considéré comme adulte. Rien dans la société ne nous aide à le devenir vraiment.»
Son constat souligne une responsabilité collective : une société qui n’invite plus ses jeunes à assumer leur vocation, leur rôle familial et leur place dans le monde fabrique des individus fragiles, déracinés et vulnérables. L’école, la culture médiatique et même parfois la famille contribuent à cet affaiblissement de la maturité.
Or, la maturité véritable ne se réduit pas à l’autonomie matérielle. Elle suppose un enracinement moral et spirituel. La foi chrétienne nous rappelle que l’homme n’est pleinement lui-même que lorsqu’il se reçoit de Dieu et qu’il se donne aux autres. Devenir adulte, c’est accepter la vocation qui nous est confiée avec ses responsabilités comme le mariage, le travail et le service des autres. Sans cette dimension transcendante, la société enferme ses enfants dans une adolescence sans fin. Au contraire, devenir adulte, responsable et mature, amène l’homme à s’élever afin de grandir en liberté et en responsabilité, à l’image du Christ qui «a grandi en sagesse, en taille et en grâce» (Lc 2, 52).