Le Père Garrigou-Lagrange (1877 – 1964) est une figure trop méconnue du grand mouvement spirituel et thomiste français du XXe siècle. Ses contestations et remises en cause des thèses modernistes, de la fin de la guerre à l’ouverture du Concile, n’y sont pas pour rien. Durant cette période, le père Garrigou-Lagrange s’est insurgé contre le mépris de plus en plus répandu pour la scolastique et contre la « Nouvelle théologie » qui a alors le vent en poupe. Il y voit le point de départ de nombreuses confusions et de tragiques abandons doctrinaux. Il rédige en 1946 un article qui fit grand bruit : « La nouvelle théologie : où va-t-elle ? ». Il s’inquiétait à juste titre de voir « l’actualité » devenir critère de vérité, ou encore la remise en cause des formules dogmatiques. Ces écrits lui valurent de nombreux ennemis, des attaques personnelles, des insultes.
Nous sommes en 1897, Réginald Garrigou-Lagrange se décide à entrer dans l’ordre de saint Dominique, d’abord à Flavigny, puis à Gand, en Belgique. Il est ordonné prêtre en 1902. Le frère poursuit ses études à la Sorbonne (en Faculté de Lettres puis il obtint une licence en philosophie). En 1905, le voilà de retour en Belgique, cette fois au Saulchoir, comme professeur de philosophie puis de dogme. En 1909, le maître général le nomme au collège Angelicum qui vient d’ouvrir ses portes à Rome. Il s’y révèle un jeune professeur passionné. Il commence a publier des ouvrages qui attirent l’attention sur lui. Dans les années 1940-1950, il publie son grand commentaire de la Somme de Théologie, fruit de son enseignement quotidien à l’Angelicum. Parallèlement, il s’efforce de mettre à la portée du plus grand nombre des fidèles les mystères de la foi. Ses livres sont admirés par un public catholique francophone et connaîssent également un grand succès auprès d’un public anglophone, tels que « La providence et la confiance en Dieu », « La prédestination des saints et la grâce », « Le Christ et son amour pour nous » ou encore « La mère du Sauveur et notre vie intérieure ».
Fils très obéissant de l’Eglise, Pie XII lui-même le soulignait dans la lettre qu’il lui écrivait le 31 janvier 1957, à l’occasion de son anniversaire : « Nous avons la preuve du talent et du zèle avec lesquels vous avez, par la parole et l’écrit, défendu et sauvegardé l’intégrité du dogme chrétien ».
Fin 1959, début 1960, ses forces le trahissent, il doit se résoudre à quitter sa charge d’enseignement. Reçu au couvent de Sainte-Sabine, il y connait la grande épreuve de sa vie : frappé là où Dieu le voulait, précisément dans ce qui faisait sa notoriété : ses forces intellectuelles. « Je ne suis plus qu’une ruine, mais il vaut mieux que je sois tel que le Bon Dieu me veut, que tel que je voudrai être ». Celui qui avait écrit « L’infirmité vient accabler l’homme dans ce qui faisait sa gloire » rend son âme à Dieu le 15 février 1964, à l’âge de 86 ans, au terme d’une vie bien remplie.

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Pour ceux qui désirent connaître encore mieux la vie du père Garrigou-Lagrange, vous trouverez un texte plus détaillé de M. l’abbé Arnaud Renard (FSSP) en cliquant ici !

Sur Wikipédia, vous trouverez la longue liste des ouvrages du Père Garrigou-Lagrange en cliquant ici !


La victoire du Christ sur la mort

R. Garrigou-Lagrange, O.P. – Les Apôtres furent éclairés. La mort du Sauveur les avait laissé brisés, comme anéantis ; ils allaient revenir à leurs occupations terrestres, oublier le royaume de Dieu. Depuis le jour où ils connurent la Résurrection, leur foi n’eut plus de défaillance, et, éclairés de nouveau par la grâce de la Pentecôte, ils se répandirent dans le monde, pour prêcher la bonne nouvelle, et, à l’exemple de leur Maître, ils la prêchèrent jusqu’au martyre. Au milieu de leurs tourments, ils mirent toute leur confiance, comme saint Étienne, dans le Christ glorieux, et par le même chemin que lui ils entrèrent dans l’éternité bienheureuse.

Ce mystère de la résurrection continue en un sens dans l’Église. Jésus l’a fait à son image et, s’il permet pour elle de terribles épreuves, il lui donne de ressusciter en quelque sorte et plus glorieuse après les coups mortels que ses adversaires lui ont portés. C’est ce que vit pendant les persécutions de Néron, de Dioclétien, de Julien l’Apostat ; le sang de milliers de martyrs faisait naître des milliers d’églises chrétiennes.

L’Église triompha de même des grandes hérésies arienne et pélagienne, qui furent l’occasion des œuvres immortelles des Pères grecs et de saint Augustin.

Dans le haut moyen-âge, les Barbares répandirent partout la désolation, mais l’Église sut les dompter et les convertir. Au XIIIe siècle, les Albigeois voulurent renouveler le manichéisme ; alors surgirent de nouveaux grands Ordres religieux, et ce XIIIe siècle fut l’âge d’or de la théologie.

Aux XVe et XVIe siècle, certains purent croire que l’Église allait mourir sous les coups de la Renaissance païenne et du Protestantisme. Elle perdit une très grande partie de l’Allemagne et de l’Angleterre ; mais au même instant surgissait en Europe une pléiade de saints fondateurs ou réformateurs, l’Église s’établissait dans les Indes, où saint François Xavier renouvelait les prodiges de l’ère apostolique, enAmérique, où saint Louis Bertrand et Las Casas faisaient connaître la charité du Christ, et la vraie réforme s’organisait autour du Concile de Trente.

La Révolution française entreprit encore une fois de détruire l’Église : elle massacra les prêtres, supprima les ordres religieux, profana les autels, posa les bases d’un monde nouveau, d’une religion nouvelle. Mais en 1801 le Concordat était signé, le culte reparaissait dans les églises, peu à peu les ordres dispersés se rétablissaient, des saints comme le Curé d’Ars rappelaient toute la vitalité du Christianisme, et les Missions d’Orient, d’Afrique et d’Amérique faisaient d’étonnants progrès.

Il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps : dans l’Église se reproduit en un sens le mystère de la résurrection du Sauveur. La vie de l’Église est une vie qui a passé par la mort, et qui au milieu des pires épreuves retrouve une jeunesse toujours nouvelles. Il en sera ainsi surtout des saints qui peuvent dire avec saint Paul : «Quotidie morior : Chaque jour je suis exposé à la mort (1)», et qui, après avoir connu le martyre du cœur, pour travailler au salut des âmes en union avec Notre-Seigneur, apparaissent plus vivants que jamais et se survivent dans leurs œuvres qui portent des fruits pour l’éternité.

Ainsi se vérifie la parole du Maître : «Je suis la Résurrection et la vie (2).» «Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive… ; des fleuves d’eau vive couleront de sa poitrine (3)», et «je ressusciterai au dernier jour (4)».

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Le Sauveur et son amour pour nous (Édition du Cèdre, 1952), page 307 et 308.

(1) I Cor., XV, 31
(2) Jean, XI, 25
(3) Jean, VII, 38
(4) Jean, VI, 40

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