Christian Bless – Comme une sorte de testament, Jean Madiran nous a laissé en 2002 un essai incisif, où chaque mot porte au cœur des différents sujets traités. Dans Une civilisation blessée au cœur (Editions Sainte-Madeleine, le Barroux), celui qui est sans conteste un des analystes les plus profonds de la crise du catholicisme contemporain et de nos sociétés affaissées y traitait déjà les sujets qui occupent le devant de la scène de notre quotidien. Sans concession à l’esprit du temps, le fondateur de la revue Itinéraires y démonte les grandes déraisons de notre époque.

Déjà dans L’hérésie du XXème siècle, en 1968, il démontrait que l’abandon de la loi naturelle par les Pères conciliaires scellait une rupture majeure dans l’histoire de l’Eglise. Cette analyse sera confirmée 50 ans plus tard par le pape Benoît XVI dans un petit ouvrage intitulé Se remettre à vivre pour Dieu. Dans un chapitre au titre explicite, L’implosion de la théologie morale catholique, le pape nous écrit : « Jusqu’au concile Vatican II, la théologie morale catholique se fondait essentiellement sur la loi naturelle. L’Ecriture sainte, quant à elle, intervenait seulement en arrière-plan, ou comme confirmation. Avec les efforts du concile pour avancer vers une nouvelle intelligence de la Révélation, le recours à la loi naturelle fut en grande partie abandonnée au profit d’une théologie morale entièrement fondée sur la Bible. » Pour l’heure, laissons de côté l’affirmation de cet effort vers une nouvelle intelligence de la Révélation qui sort de notre sujet mais notons la confirmation de cet abandon du recours à la loi naturelle. Dans le chapitre premier d’Une civilisation blessée au coeur, Jean Madiran évoque les débats truqués qui le sont « … faute de référence à un principe, un point fixe, une loi supérieure à tout débat et donc étrangère aux oppositions dialectiques. »

Or, le mariage pour tous qui nous est proposé, sans doute devrions-nous écrire imposé tant le rouleau compresseur politico-médiatique est puissant, ce pseudo « mariage » donc blesse de tout évidence la nature des choses, la loi naturelle, la nature humaine. Il faut le redire malgré l’incroyable pression psychologique qui tend à broyer le jugement et les consciences. Il s’agit d’imposer des mœurs contre-nature à nos populations. Il va de soi qu’une condamnation de l’homosexualité en tant que telle, dans son principe qui contrevient aux lois supérieures de l’humanité, n’implique pas la condamnation ni le mépris pour les homosexuels comme personnes qui demeurent, pour le chrétien, chacun individuellement, créés et rachetés par l’Amour divin, car nous devons être rachetés.

Afin de faire taire toute opposition, la propagande homophile taxe d’homophobie toute personne s’opposant au « mariage » homosexuel, à la PMA pour tous et à la GPA. Jean Madiran le remarque : «  L’homophobie et la xénophobie sont donc, dans le langage médiatique courant, des termes fortement péjoratifs, comme toute « phobie ». Ils appartiennent au domaine de la « discrimination », et toute discrimination est réputée relever du racisme, au sens élargi, et d’ailleurs judiciaire, où le racisme n’est pas une opinion, mais un délit, la plus grave (ou la seule) faute morale et le plus grand (ou le seul) péril politique. Les « phobies » sont considérées comme « des incitations à la haine et à la violence ». Ainsi, l’on fait taire tout opposant et l’on tétanise toute résistance éventuelle.

Jean Madiran poursuit son analyse : « En un sens plus bénin, une « phobie » est simplement une crainte ou une aversion. (…) L’absence de toute phobie en ce sens-là peut être le fait d’une inconscience du danger. (…) … une société qui, intimidée par l’accusation d’homophobie, n’éprouverait aucune crainte ni aucune aversion devant une promotion morale et juridique de l’homosexualité allant jusqu’à instituer des mariages homosexuels et à leur reconnaître le droit d’adopter des enfants, serait une société en déliquescence. Il existe des craintes justifiées, des aversions nécessaires, des phobies naturelles. Et il est des cas où une absence de « phobie », autrement dit une « aphobie », est une forme d’atonie. »

Le « mariage » pour tous prétend institutionnaliser des mœurs qui sont contraires à la loi naturelle, qui blessent la raison. Cette raison étant ce qui qualifie l’homme « animal raisonnable », c’est donc blesser l’homme au cœur de son être, dans ce qui fait sa dignité propre. La loi naturelle, dont l’expression religieuse et la confirmation sont les Dix Commandements, le Décalogue, n’est pas une entrave à la liberté de l’homme, c’est l’expression de son être et de la loi qui le régit. Loin d’être une entrave, elle est une balise qui l’aide à s’élever.

La raison non brouillée par des idéologies mortifères, le bon sens et le respect de la nature des choses impliquent donc un rejet sans concession d’une loi contraire au bien commun et qui contribuerait gravement, dans son principe et par ses conséquences, à déliter les intelligences et le tissu social.

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Lettre d’information N° 53 – 24 août 2021 | Source : Perspective catholique