Abbé Thibault De Maillard – «Ils s’aiment : laissez-les se marier ! C’est leur choix. » Le discours qui soutient que des personnes de même sexe peuvent se marier repose sur des concepts subjectivistes. Dans le subjectivisme, l’intelligence personnelle s’estime supérieure à tout objet extérieur : c’est le « moi » qui décide de tout sans s’occuper ni des autres ni de la société. Cette indépendance pose cependant trois difficultés importantes : un manque de garanties contre l’individualisme hédoniste de notre époque, contre la possibilité que tout homme a de se tromper, et surtout une prétention d’imposer à l’État tout ce qui relèverait du choix individuel.

La liberté de conscience est la capacité de décider en suivant sa conscience, indépendamment de toute contrainte extérieure. C’est cette liberté qui est invoquée pour faire avancer l’union des personnes de même sexe. Mais cette liberté n’est pas absolue : nous l’expérimentons en ce moment avec les mesures liées au coronavirus. N’importe qui sait que cette liberté est aussi limitée par le règlement d’entreprise et le droit civil. La liberté de conscience, si elle est comprise dans un sens absolu, est donc un mensonge. Mieux vaut parler de prudence personnelle pour agir en fonction des différentes lois et règles qui régissent la société humaine. La liberté de conscience invoquée comme un absolu, outre le fait qu’elle contredit l’expérience quotidienne de chacun, peut mener aux pires atrocités. Dans la logique du principe qui n’admet pas d’entorse, la liberté de conscience implique la capacité de choisir le meurtre et la vengeance. La liberté de conscience n’est pas un argument suffisant pour légitimer un choix. La prudence personnelle est plus raisonnable : elle évite de tomber dans le travers de la société du « moi je », sur fond d’individualisme hédoniste, qui fait du moi la règle absolue, sans contrainte ni loi.

Le libre choix des personnes de même sexe, s’il ne peut pas être suffisant comme tel pour justifier une légitimité, n’assure pas non plus l’infaillibilité de ceux qui le réalisent. Ce n’est pas parce que je choisis quelque chose que je ne peux pas me tromper. Croire que je ne peux jamais me tromper dans mes choix, et fixer ceux-ci comme des absolus qui doivent être absolument respectés par les autres, sous peine d’ostracisation sociale, est une attitude prétentieuse et orgueilleuse.

Mais le verre déborde quand ce choix prétend s’imposer à l’ensemble de la société. La CEDH préconise pourtant : « On peut raisonnablement exiger de la société qu’elle accepte certains inconvénients afin de permettre à des personnes de vivre dans la dignité et le respect, conformément à l’identité sexuelle choisie par elles au prix de grandes souffrances » (Godwin c/ Royaume Uni, 11 juillet 2002). Cette affirmation est une conséquence logique du subjectivisme actuel : si la raison personnelle est reine, alors l’État doit la respecter. Mais si n’importe quel choix individuel peut s’imposer à la société, pour assurer la dignité et le respect de ceux qui prennent ces options, alors la société risque de sombrer dans le désordre. N’importe quelle minorité pourra imposer sa manière de vivre la sexualité à la société. C’est là que le subjectivisme devient tyrannie. Au nom de la liberté de quelques-uns, tous sont obligés de se taire ou de répéter ce que les médias et les écoles non-libres ressassent dans une cacophonie désormais bien orchestrée.

Le subjectivisme ne nous assure ni contre l’individualisme hédoniste, ni contre l’erreur. Par contre, il nous promet un lendemain radieux de tyrannie des minorités. Face au « moi je » contemporain, il est temps de revenir à un critère de choix sociétal plus positif : celui du bien commun.

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Lettre d’information N° 50 – 30 juillet 2021 | Source : Perspective catholique