Jean Romain, écrivain, philosophe – Dans le contexte de révélations d’abus sexuels, le chef du département de la formation Christophe Darbellay a réagi dans la précipitation. Face à des révélations qui nous ont tous choqués, il convient toutefois d’agir avec intelligence et nuance, plutôt que bruyamment. Laissons la justice faire son œuvre, pensons aux vies brisées par les abus sexuels, accompagnons les victimes. Les autorités se trompent pourtant en voulant punir toute l’institution pour des crimes commis par quelques chanoines qui n’ont rien à faire avec le lycée. Or le gouvernement valaisan n’est pas parvenu à ses fins dans sa volonté de normaliser le collège de Saint-Maurice : après les multiples pressions, des chanoines continuent à y enseigner, le recteur-chanoine a été rétabli dans sa fonction. Il faut dire qu’une lettre des professeurs a été adressée au Département, qu’une forte réaction des élèves s’est élevée, que les parents se sont manifestés, qu’une pétition comptant en deux semaines plus de 1’600 paraphes a été déposée au Grand Conseil. Chacun sait que l’établissement a été adossé durant de longues décennies au souffle de l’Abbaye. C’est là, dans la mission d’enseignement, qu’il faut rechercher l’origine de sa très bonne réputation.

D’où son nom aussi. Dans l’esprit comme dans le cœur de tous ceux qui ont «fait» Saint-Maurice, il demeure le collège de l’Abbaye de Saint-Maurice. Christophe Darbellay nous assure qu’il est impératif que les quatre collèges du Valais, y compris Spiritus Sanctus de Brigue (qui ne change pas de nom, lui) soient laïcs. Fort bien ! Mais il ajoute dans le même élan au cours de l’émission «52 minutes» de la RTS qu’«ils ne seront plus tout à fait mille étages au-dessus des autres». C’est dit!

La vraie raison de cette prétendue laïcisation du collège n’est autre que la volonté de rogner ce qui dépasse, la détestation de ce qui s’élève. Or c’est l’étymologie du mot «élève» qu’il faut interroger. Elever, c’est instruire, donner de l’ampleur, faire monter, porter plus haut, bref tenter de rejoindre les étages du dessus, fussent-ils mille. Le rôle premier de l’école est d’élever grâce au savoir, de fournir à chaque élève de quoi regarder vers le haut. En aucun cas de supprimer des étages, de simplifier, de retrancher !

«Collège de l’Abbaye de Saint-Maurice», magie des noms propres. Le nom propre n’est jamais anodin; il individualise l’être qu’il désigne. Son charme est de jouer sur quelques syllabes familières, que chacun connaît, que chacun répète intérieurement. Il appartient à notre langue intime. C’est la raison pour laquelle tant de personnes attachées à ce collège, tant de parents, tant d’étudiants, tant de personnalités valaisannes et romandes s’allient pour le garder. Il est des noms propres qui sont communs!

Bien sûr, la mode est à l’effacement. Tout comme jadis, on effaçait sur les photographies officielles de l’Union Soviétique le visage des dignitaires tombés en disgrâce, on veut gommer certains éléments qu’on décrète tombés en discrédit. On mystifie. Dans les faits, nul discrédit n’entache le collège de l’Abbaye de Saint-Maurice. Il est bien conduit. La preuve? On y réintègre le Recteur, on y maintient l’aumônerie ainsi que les crucifix dans les salles de classe et les prêtres qui y enseignent. Il est tout de même curieux qu’à l’heure où tout le monde déplore la disparition des repères, l’effacement des valeurs phares, on veuille défaire les noms et les logos alors qu’il serait si urgent de bâtir, de construire et de ne pas demeurer à mille étages au-dessous.

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En complément d’information : Heureux les entêtés ! Rhône fm titrait le 2 avril : « Collège de St-Maurice : le changement de nom serait illégal ». Et de préciser que « Les opposants au changement de nom du lycée-collège de St-Maurice ne baissent pas les bras. Emmenés par l’écrivain et philosophe Jean Romain, ils estiment avoir le droit pour eux ». Jean Romain entend s’assurer que le cadre légal soit respecté. C’est-à-dire que la loi soit modifiée si le nom du collège de l’abbaye de St-Maurice devait effectivement l’être. Cela ouvrirait la porte à un éventuel référendum.

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Newsletter N° 197 – 3 avril 2024 | Source : Perspective catholique