Abbé Alain-René Arbez – Nous voici arrivés au terme d’une année liturgique, qui se clôt traditionnellement par le dimanche du « Christ Roi de l’univers ». Il ne s’agit pas de faire de Jésus un souverain impérialiste et pantocrator, lui qui a si souvent refusé d’être porté en triomphe quand la foule voulait s’emparer de lui pour le couronner. Non, son Royaume n’est pas à la manière de ce monde, mais son règne, celui du Père avec qui il partage toute gloire, concerne bel et bien ce monde, le nôtre avec ses ombres et ses lumières. Car la foi n’est pas une affaire privée, elle doit, sous l’impulsion de l’Esprit, humaniser nos sociétés de façon visible, car comme le dit St Irénée, « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ! ».
La royauté de Jésus crucifié au Golgotha est une contestation attestée des abus de pouvoir en ce monde, s’accompagnant de la mention ironique de « roi des Juifs », moquerie romaine envers le message biblique.
Cela s’illustre avec les premiers chrétiens jetés dans les arènes pour être dévorés par les lions. Refusant de diviniser l’empereur de Rome et son pouvoir terrestre, les malheureux ne reconnaissaient que le règne de l’Amour de Dieu manifesté en Christ. Pour ces courageux témoins de la foi judéo-chrétienne, le seul Seigneur, le seul Kyrios, c’était Jésus, d’où la prière du « Kyrie eleison » qui nous est restée de cette période troublée et fondatrice d’espérance.
Aujourd’hui, ce sont surtout nos frères chrétiens de pays islamisés d’Orient qui témoignent en martyrs de l’Agneau immolé. Le pape Benoît XVI l’avait rappelé avec force en son temps : aucune religion digne de ce nom ne peut justifier violence et cruauté au nom d’un Dieu, ou alors ce dieu-alibi n’est qu’une idole païenne malfaisante. C’est tout le débat actuel de notre temps où la difficile coexistence implique le courage de discerner la réalité, ce qui suppose respect et réciprocité sur la base d’un ordre collectif reconnu. Ainsi, en tant que source de paix et d’unité, l’expression « Christ roi de l’univers » trouve ici tout son sens !
Une nouvelle année liturgique commence bientôt, et avec elle le renouvellement de nos convictions par des étapes de foi qui viendront conforter nos convictions de chrétiens du 21ème siècle, où lucidité et engagement devront aller de pair.
Lettre d’information N° 30 – 24 novembre 2020 | Source : Perspective catholique