François Schaller ((X – 17 janvier 2025)) Entretien avec Tobias Straumann, historien de l’économie, Université de Zurich (Weltwoche, 16 janv. 25, parenthèses ajoutées à la traduction).
« Je suis clairement contre l’accord prévu avec l’UE. Il ne me convainc pas. La Suisse perdrait sa souveraineté et deviendrait de fait un membre passif de l’UE. (…) Je ne comprends pas pourquoi la Suisse n’a pas attendu plus longtemps, après le rejet de l’accord-cadre par le Conseil fédéral en 2021, pour mieux se rendre compte à quel point il serait mauvais de s’en tenir à la situation actuelle. Quelques coups d’épingle de Bruxelles ont suffi pour que Berne se remette à négocier.
«En tant que professeur à l’Université de Zurich, je suis préoccupé par le fait que la Suisse ait été privée d’association au programme de recherche Horizon. Mais ce n’est pas une crise grave. (…) Ce qui est arrivé au secteur des technologies médicales (privées d’homologations à partir de la Suisse) est aussi très révélateur. (…) Les entreprises ont bien su s’adapter. (…)
«Les accords bilatéraux sont certainement bénéfiques pour la Suisse, mais personne ne sait exactement ce que cela signifierait s’ils disparaissaient. L’idée selon laquelle l’économie suisse pourrait connaître un déclin spectaculaire dans le commerce transfrontalier est certainement fausse. L’économie suisse est étroitement liée à celle des pays voisins depuis des siècles. Des relations économiques transfrontalières étroites ont survécu à d’innombrables guerres, crises et récessions.
«(Certains dirigeants économiques) veulent appartenir à quelque chose. Ils ont peur de passer à côté (…). En 1992, après le rejet de l’EEE, il était compréhensible qu’on ait craint un déclin de l’économie suisse. À cette époque, l’UE était un projet dynamique tourné vers l’avenir. Mais aujourd’hui ? (…) Le moment ne pouvait pas être plus mal choisi pour que la Suisse se rapproche de l’UE.
«Le marché intérieur de l’UE n’existe que depuis les années 1990, mais la Suisse est l’un des pays les plus prospères du continent depuis plus de cent ans. À la fin des années 1990, la reprise était déjà bien engagée lorsque les négociations bilatérales avec l’UE ont atteint une étape significative (Accords sectoriels I). Voilà une légende qui revient sans cesse : la Suisse aurait été coincée dans une récession, et n’a pu s’en sortir que grâce au premier paquet bilatéral. Cela ne correspond pas aux faits de l’histoire économique.
«Je ne pense pas que l’accord ait une chance d’être adopté dans les urnes. Le groupe de partisans est trop petit. Tous les partis, à l’exception des Verts libéraux, sont divisés. Un rapprochement plus poussé avec l’UE ne serait réaliste que si la Suisse devait connaître un déclin économique dramatique dans les années à venir. » —
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Newsletter N° 248 – 22 janvier 2025 | Source : Perspective catholique