Raymond Léopold Bruckberger O.P.

Christian Bless

Le père Bruckberger, Bruck comme l’on disait affectueusement et avec admiration, est né le 10 avril 1907 à Chastel-sur-Murat dans le Cantal. Sans doute que l’Auvergne n’est pas pour rien dans la formation de ce caractère puissant qui saura traverser, sans se laisser entamer, une période de décompositions et de démissions intellectuelles et spirituelles.

L’œuvre du R.P. Bruckberger s’inscrit dans un temps de médiocrité et de déliquescence religieuse qu’elle domine de toute sa puissance. Le Dominicain a mis au service de la foi une belle langue ample et classique ; il n’est peut-être pas aventuré de penser que certains de ses ouvrages, après une traversée du désert, émergeront à nouveau comme des témoignages de la foi catholique dans sa pureté et sa force au moment où le gros du clergé laissait l’enseignement de l’Eglise et la liturgie choir dans l’insignifiance la plus accablante. Si ses Mémoires se lisent avec le plus grand intérêt, quand bien même les prises de positions politiques du Révérend Père seront parfois prises avec des pincettes, son Evangile et les commentaires joints, son Histoire de Jésus-Christ et sa Révélation de Jésus-Christ constituent des nourritures substantielles qui devraient figurer dans toute  bibliothèque et être médités régulièrement comme antidote à une époque toute d’affaissement.

Bruck nous a également laissé un Marie-Madeleine contesté par certains mais qui est un bel hommage à la grande sainte qui se précipita la première au tombeau du Christ à l’aube de la Résurrection, témoignant d’un immense amour pour son Maître, Rabouni, que le fils de saint Thomas d’Aquin sait nous faire partager. Passion impétueuse que nous devons méditer en cette semaine de Pâques : « Seigneur, si vous l’avez enlevé, dites-moi où vous l’avez mis, et j’irai le prendre ! » Passion tout d’un élan qui rappelle le Cantique des cantiques et nous fait chanter : « Dic nobis Maria quid vidisti in via … » de la liturgie du dimanche de Pâques dont l’impiété et l’ignorance  moderne a privé l’âme des fidèles.

Custos quid de nocte ?  Au cœur des années 70, alors que la hiérarchie détruisait le catéchisme et la liturgie, vidant les églises au nom d’un mensonger aggiornamento, le bouillonnant Dominicain montait la garde et confiait au quotidien L’Aurore, tous les jeudis, une tribune que les fidèles catholiques attendaient avec impatience pour trouver une lumière au cœur de la nuit, comme nous attendions également la parution mensuelle de la revue Itinéraires, dirigée par Jean Madiran, qui aida tant de catholiques à traverser la tempête. Ces chroniques ont été recueillies dans Toute l’Eglise en clameur et constituent un témoignage pour l’Histoire. Elles étaient pour les lecteurs d’alors comme des oasis dans le désert.

Il faudra parler à nouveau, plus longuement, de l’œuvre du R.P. Bruckberger mais nous ne pouvons le quitter sans au moins mentionner Le Bachaga, petit livre enlevé qui raconte son séjour en tant qu’aumônier à la Légion Etrangère, au cœur du Sahara, La valeur humaine du saint d’où nous extrayons ces lignes : « Une société n’est jamais chrétienne par déperdition de substance ou de qualités humaines. Au contraire, la liberté y joue son rôle, essentiel à toute sainteté, car il n’y a pas de sainteté sans liberté parce qu’il n’y a pas de sainteté sans amour. Une chrétienté est une société tout entière qui, dans ses lois, ses institutions et ses moeurs, s’oriente résolument, en toute liberté et loyauté, vers le Christ ». Et, en point d’orgue, nous ne pouvons oublier le bel ouvrage consacré à Marie Mère de Jésus-Christ.

Le Dominicain a été très proche des milieux artistiques et consacra ses talents également au cinéma en adaptant à l’écran Le dialogue des carmélites, tiré des textes de Gertrude von Lefort et de Georges Bernanos, ainsi que Les anges du péché dirigé par Robert Bresson.

Le père Bruck a quitté ce monde trop étroit pour lui le 4 janvier 1998, il repose au cimetière de Chexbres, village du Lavaux où il demeurait à la fin de sa vie. Ceux qui ont eu le privilège d’être nourris de ses écrits auront à cœur de lui rendre visite en cette dernière demeure pour une prière sur sa tombe et de faire célébrer des messes pour le repos de son âme assoiffée afin qu’il accède à la Vision, si ce n’est déjà fait.


Lettre d’information N° 12 – 17 avril 2020 | Source : Perspective catholique 


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