Eric Bertinat – Indépendance et sécurité sont deux axes importants de notre politique étrangère. Le premier a volé en éclats lors de l’abandon du secret bancaire à partir de 2009 voire même lors de l’affaire des fonds juifs en déshérence à la f in des années 1990. A chaque fois, les USA ont fait sentir lourdement leur puissance et les institutions bancaires comme politiques se sont aplaties sans résistance. Il reste la sécurité qui incombe naturellement à notre armée. Mais est-ce que nos autorités – dans l’état actuel des choses – sont capables réellement d’assurer notre protection, notre prospérité et de faire respecter notre neutralité au sein d’une Europe vassalisée par les États-Unis, que ce soit les Démocrates ou les Républicains qui gouvernent ? Poser la question, n’est-ce pas y répondre ?

C’est pourquoi, sans surprise, en février 2022, la Suisse s’est appliquée à prendre des sanctions internationales contre la Russie, se joignant ainsi aux pays membres de l’Union européenne (UE) et des USA. Des sanctions économiques, diplomatiques et sportives, mises en place par les Américains dès de 2014. Malgré cette nouvelle allégeance, notre pays reste dans le viseur des États-Unis, soupçonné de ne pas appliquer pleinement les sanctions internationales contre la Russie. Ainsi que le révèle Le Temps du 10 juin 2023, la Commission Helsinki, un organe financé par le gouvernement américain, dénonce le fait que les banques suisses n’aient bloqué qu’environ 7 des 200 milliards de dollars d’avoirs russes déposés dans leurs coffres. Pour le financier anglo-américain Bill Browder, qui a témoigné devant cette commission, la Suisse serait même le maillon faible dans la lutte contre la Russie. C’est dire toute la pression qui mise sur la Suisse, petit pays mais pas laissé libre dans le concert des nations européennes.

Ce peut être une explication de la politique pro-atlantiste que mène Viola Amherd, se rapprochant toujours plus de l’OTAN, bien que le Conseil national, en juin dernier s’y soit clairement opposé. La centriste est en totale accord avec son président de parti, Gerhard Pfister, qui plaide pour un rapprochement avec l’OTAN après les élections américaines. Selon lui, certaines annonces de Donald Trump pourraient avoir une influence négative sur la sécurité de la Suisse, estime-t-il dans une interview de la NZZ am Sonntag. Sans oublier évidemment l’adhésion de notre pays à l’UE, le tableau qui s’offre à nous n’est guère enthousiasmant en terme d’indépendance et par conséquence de sécurité. Ainsi que l’affirme le dernier rapport de situation du Service de renseignement de la Confédération : Au regard de la politique de sécurité, l’environnement de la Suisse continue de se dégrader.

L’OTAN, le dossier incontournable

Est-ce que l’élection de Donald Trump changera la situation de la Suisse en matière d’indépendance et de sécurité ? C’est vers l’OTAN qu’il faut regarder. Quelque soit le scénario choisi par le nouveau président l’on peut penser qu’un désengagement financier des USA (plus ou moins conséquent) est inévitable et forcera les Européens à revoir leur sécurité tout en restant sous la protection de l’OTAN. Sans capacité industrielle, ils se fourniront toujours auprès de l’industrie de l’armement américain qui conservera ainsi son joug sur l’Europe. Quant à l’Ukraine, il y a fort à parier que les pays européens seront pressés de sortir de ce piège qui a vidé leurs maigres arsenaux. Ce pourrait d’ailleurs être un terrain d’entente entre les USA et l’OTAN pour la survie de cette dernière.

Dans ce réarmement européen, il est difficile d’imaginer que la Suisse (et sa neutralité) sera laissée de côté. Ignazio Cassis l’a admis fin mai 2022 en déclarant lors du Forum économique mondial (WEF) à Davos que la Suisse poursuit une neutralité coopérative. Cet alignement progressif, nous ne pouvons le nier et le dépôt d’initiatives pour sauver notre neutralité paraît bien illusoire : ce ne sont pas les Suisses qui décident de leur neutralité mais nos voisins qui la reconnaissent ou non. Sur LCI, dimanche soir (10 novembre), les compères Luc Ferry et Daniel Cohn-Bendit appelaient de leurs vœux un «nationalisme européen», un «chauvinisme européen» ou encore une «souveraineté européenne». La Suisse sera entraînée dans ce nouveau brassage des cartes géopolitiques et n’a aucun véritable atout à disposition pour défendre sa neutralité. Notre politique servile nous a menée à n’être plus qu’un îlot au centre de l’Europe sans rôle politique particuliers (chacun s‘en est aperçu lors de la mémorable «conférence de la paix» au Bürgenstock. Il y a longtemps que l’avenir de la Suisse ne se discute plus à Berne. —

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Newsletter N° 243 – 13 septembre 2024 | Source : Perspective catholique