Christian Bless – Dans son livre Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, intéressant à plus d’un titre, à propos des réseaux d’influence qui agissent en sous-main au parlement européen à Bruxelles, Philippe de Villiers écrit, et il vaut la peine de le citer longuement pour ceux qui n’ont pas le livre sous les yeux: « Toutes ces éminences de l’aréopage bruxellois, cultivant la même idéologie, communient aux deux espèces du libéralisme économique et du libéralisme sociétal, portés par la religion du «No limit ».

« A leurs côtés, combattent des alliés objectifs, les puissants relais des réseaux LGBT. Quand je suis arrivé au Parlement européen, ce fut ma première surprise : près d’un quart des députés européens sont membres de l’intergroupe des « lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels ». Dans mon groupe, Indépendance et Démocratie, il y avait ainsi un député qui a changé de sexe entre deux mandats : au premier, elle était un homme ; au deuxième, il devient une femme, incarnant à elle seule et par sa propre mutation la chère parité.

« L’intergroupe LGBT est, de loin, le plus important des vingt-huit intergroupes actuels du Parlement européen. (écrit en 2015)

« Je me suis livré à un petit calcul au résultat éloquent : au cours des cinq dernières années, le Parlement européen s’est ainsi prononcé deux cent cinquante fois sur des textes liés à l’orientation sexuelle et à l’ « identité de genre », adoptant plus de cent rapports positifs sur la question. C’est dire que l’hémicycle est ainsi maintenu sous pression et qu’il se passionne pour la théorie du genre.

« Je revois les visages défaits de mes collègues démocrates-chrétiens votant, comme des idiots utiles, la « feuille de route de l’Union européenne contre l’homophobie ». Sous le drapeau de la couronne mariale, c’est la peur qui rôde dans les travées. »

C’est la peur qui rôde dans les travées

Peu ou prou ce sont probablement les mêmes mécanismes politiques et psychologiques qui ont conduit les parlementaires helvétiques dans leur décision de vouloir modifier notre législation en faveur d’un pseudo « mariage » pour tous. Bien manipulés, dans le style des régimes totalitaires, ils avaient préalablement voté une norme pénale permettant de réduire au silence les éventuels récalcitrants à cette effroyable révolution. Peut-être faudra-t-il publier à nouveau la liste des parlementaires qui ont voté ces législations afin de se rappeler de leurs noms à l’occasion d’une prochaine élection ?

C’est la peur qui rôde dans les travées

Une infime minorité organisée et déterminée impose ainsi au travers d’une classe politicienne démonétisée une révolution intellectuelle et morale sans précédent. Le tout appuyé par le lavage de cerveaux constant des médias et tout spécialement de la RTS que cette nomenklatura politicienne a réussi à contraindre la population à payer.

Le titre de Perspective catholique qu’affiche cette publication pourrait donner l’impression que l’opposition à cette révolution pompeusement nommée sociétale, que le rejet de la notion de« mariage » pour tous n’intéresserait, n’engagerait que les fidèles adhérant à la foi catholique, à ses dogmes, à l’enseignement de l’Église. Il n’en est rien.

Ce ne sont pas d’abord la foi ou la morale catholiques telles qu’enseignées de manière constante et irréformable depuis deux millénaires qui sont en jeu. Que l’on se réclame de toutes les grandes religions, que l’on soit juif ou musulman, que l’on soit même agnostique ou athée, la saine raison et le respect du réel imposent de s’opposer avec la dernière énergie à la banalisation de pratiques contraires à la nature et à ses lois. C’est la droite raison, l’intelligence et l’acceptation de la nature des choses qui réprouvent la légalisation de mœurs incontestablement contre-nature. Le bon sens, la reconnaissance et l’acceptation de l’être des choses, de ces lois qui s’imposent à l’homme, auxquelles il ne peut se soustraire sous peine de se mutiler. De mutiler sa dignité essentielle. Il ne s’agit pas ici ni de foi pas plus que d’opinions. Et le respect de cette loi de la nature même des êtres n’est en rien une servitude mais au contraire l’instrument même de la liberté et la garantie de la dignité de l’homme.

Ce ne sont pas d’abord le Catéchisme de l’Église catholique ou celui du Concile de Trente qui nous enseignent l’observation de ces lois ; bien avant ces textes du Magistère, du fond des âges, sous la plume de Sophocle témoin de la sagesse grecque, écho de la Sagesse éternelle, jaillit la voix cristalline et forte d’Antigone :

Créon. – Ainsi tu as osé passer outre à ma loi ?
Antigone. – Oui, car ce n’est pas Zeus qui l’avait proclamée ! ce n’est pas la Justice, assise aux côtés des dieux infernaux ; non, ce ne sont pas là les lois qu’ils ont jamais fixées aux hommes, et je ne pensais pas que tes défenses à toi fussent assez puissantes pour permettre à un mortel de passer outre à d’autres lois, aux lois non écrites, inébranlables, des dieux ! Elles ne datent, celles-là, ni d’aujourd’hui ni d’hier, elles sont éternelles, et nul ne sait le jour où elles ont paru. Ces lois-là, pouvais-je donc, par crainte de quelque homme, m’exposer à leur vengeance chez les dieux ? (…) Je te parais sans doute agir comme une folle. Mais le fou pourrait bien être celui même qui me traite de folle. »

Plus avant dans le texte, Antigone, bien consciente de l’insondable lâcheté des humains, formule le même constat que Philippe de Villiers :

Créon. – Toi seule penses ainsi parmi ces Cadméens.
Antigone. – Ils pensent comme moi, mais ils tiennent leur langue.

L’héroïne légère et libre clôt le dialogue et lance ce cri qui résonne à travers les siècles :
Antigone. – Je suis de ceux qui aiment et non de ceux qui haïssent.

Des siècles plus tard, en écho, saint Jean l’Évangéliste proclamera : « La vérité vous rendra libre. »

Le refus sans compromis d’une législation contre-nature manifeste donc un amour profond, amour de la nature reçue, et non pas résignation douloureuse, amour reconnaissant des lois qui gardent et grandissent l’homme, amour de la vie et de sa beauté. Il ne s’agit en rien d’une indifférence ou d’un mépris des personnes, de leurs destinées souvent tragiques et douloureuses mais bien d’une ardente charité à leur égard et le souci des lois qui nous contraignent, nous portent, nous élèvent.

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Lettre d’information N° 43 – 16 mars 2021 | Source : Perspective catholique