Eric Bertinat – Laurent Koelliker est titulaire d’un doctorat en relations internationales de l’Institut universitaire de hautes écoles internationales et du développement. Il a été membre de l’Institut suisse de Rome, ville dans laquelle il a étudié une année. Cet érudit catholique est connu du grand public pour sa fonction de Sautier du Grand Conseil genevois. Autrement dit, c’est le patron de l’administration du Parlement cantonal qui compte une vingtaine d’employés. Une fonction importante dont il s’échappe parfois pour sillonner les chemins de l’histoire. De ses promenades, il a tiré un roman passionnant : «Eminence, mémoire d’un cardinal» (1). L’éminence, c’est le cardinal Mariano Rampolla del Tindaro né en Sicile en 1843 et mort à Rome en 1913. De la race des princes de l’Église, de ces prélats au profil façonné pour occuper des postes prestigieux dans la hiérarchie vaticane – à l’image du cardinal Eugenio Pacceli, futur Pie XII, dont il ressemble à plus d’un trait – le secrétaire d’État de Léon XIII méritait que l’on se penche sur sa personne, sur son parcours et sur son époque déchirée par le Kulturkampf et la Question romaine. A notre connaissance, il n’existe pas – ou peu – d’ouvrages sur le cardinal. Du moins, n’avons-nous pas trouvé d’ouvrages de références signalées par l’auteur qui, il est vrai, nous raconte la vie du cardinal Rampolla sous la forme d’un roman.

En vérité, c’est un peu plus qu’un roman. Basé sur des documents inédits des Archives du Vatican, c’est une biographie détaillée, celle d’un serviteur de l’Église, homme de foi et de principes dans une Europe en plein chamboulements qui voit les ennemis du catholicisme, francs-maçons et autres socialistes, porter de rudes coups à la religion et à son Pape. Pour Mariano Rampolla, la diplomatie est essentielle. Il cherchera obstinément à conclure des alliances (principalement auprès de la France républicaine et de la Russie) qui permettent au Saint-Siège de recouvrer son territoire et son indépendance.

Le cardinal Rampolla a privilégié durant toute sa carrière une alliance franco-russe, rejetant toute tentatives de rapprochement avec l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et même l’Angleterre. Mais les relations diplomatiques rétablies ont-elles été aussi efficaces qu’espérées ? C’est peut-être là que se situe toute l’action du cardinal. Opposé à la voie diplomatique suivie par Rampolla, le réquisitoire de Mgr Pierantozzi est implacable (page 260). Elle annonce l’engrenage des concessions que fera l’Église à la suite du ralliement de Léon XIII et l’avènement de la démocratie-chrétienne. (voir texte en fin de Newsletter N° 43).

Le Secrétaire d’État a payé ses choix lors de l’élection du successeur à Léon XIII. Il aurait pu être Pape mais la haine de l’empereur François-Joseph, usant de son droit d’exclusive, bien que caduque, entraîna le Conclave à élire la cardinal Sarto qui deviendra le pape Pie X. La fin de sa vie est résumée en une seule page. Dès l’élection du nouveau Pape, un nouveau secrétaire d’État est nommé (le cardinal Merry del Val) et Mariano Rampolla s’efface, comme tout bon serviteur de l’Église. Laurent Koelliker est un conteur passionnant, glissant ici ou là quelques épisodes suisses dans cette longue carrière ecclésiastique. Ainsi en est-il de son voyage à Genève, en 1872, et sa rencontre avec le cardinal Mermillod. Je ne vous en dit pas plus. A vous de prendre sans doute autant de plaisir que j’en ai eu à la lecture de ce roman catholique.

(1) A commander sur : www.laurent-koelliker.ch

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Lettre d’information N° 43 – 16 mars 2021 | Source : Perspective catholique