Christian Bless – Sous le titre de « Le Concile contesté à sa racine » Présent (28 décembre 2019) avait déjà attiré l’attention de ses lecteurs sur l’ouvrage de Mgr Athanasius Schneider intitulé Christus vincit paru en anglais. Aujourd’hui, nous devons au dévouement et à la ténacité de Jean-Pierre Maugendre, la publication d’une traduction en français aux éditions Contretemps. Cet ouvrage est important, mérite une lecture attentive et une large diffusion. Il s’agit d’un long entretien (près de 400 pages) avec la journaliste Diane Montagna, sous-titré Le triomphe du Christ contre les ténèbres du temps. Si le livre traite du Concile de Vatican II et de ses conséquences, l’horizon de cette conversation est plus vaste.

Mgr Schneider, évêque auxiliaire d’Astana au Kazakhstan, est un homme qui fait face, droit et franc, ce qui nous change du discours vaseux et fuyant de la plupart de nos excellences. Sans doute doit-il cette force de caractère et son courage intellectuel aux années passées au Goulag et à son éducation familiale. Il naît effectivement dans une famille venue du sud-ouest de l’Allemagne pour s’établir, en 1809, sur les rives de la Mer Noire près de la ville d’ Odessa. Les pages consacrées à l’histoire de cette famille au travers des heurs et des malheurs de ces années vécues dans l’Union Soviétique, le repli avec les troupes allemandes jusqu’aux portes de Berlin et, de là, la déportation des Allemands de Russie qui les conduira au Goulag dans l’Oural, disent le drame de ces décennies et la fidélité héroïque de cette famille à la foi catholique à travers la nuit communiste. Fidélité de ces familles le plus souvent privées de prêtres et de sacrements, fidèles à la prière en famille, à la méditation du rosaire et à la communion spirituelle. Le futur évêque en sera marqué pour toujours.

Ce long entretien passe en revue tous les sujets qui déchirent notre époque tant au temporel qu’au plan de l’Eglise. La sécularisation de nos sociétés, la dictature du relativisme, l’islam et l’immigration de masse, la perte du sens du surnaturel, le triomphe du modernisme et les conséquences du concile de Vatican II, l’autorité pontificale et la dénonciation d’une certaine papolâtrie, l’Ostpolitik et le rôle de la Franc-Maçonnerie, enfin, la réforme de la réforme et l’herméneutique de la continuité font l’objet de réflexions approfondies que les limites du présent article ne permettent pas de présenter en détails.

L’islam

L’évêque auxiliaire de Karaganda analyse, sans langue de bois, la déferlante migratoire qui submerge l’Europe et l’islamisation de nos sociétés. Depuis peut-être 50 ans, « … en Europe, nous avons été les témoins d’un influx massif et de la présence de l’Islam qui a eu pour effet de supplanter, et dans certains cas, de s’opposer à ce qui reste de culture chrétienne ». Contrairement à la plupart des membres de la hiérarchie catholique, jusqu’au Souverain Pontife lui-même, Mgr. Schneider n’hésite pas à dénoncer cette islamisation de l’Europe dont il analyse les causes et les différents aspects, soulignant le rôle de la Franc-Maçonnerie dans cette entreprise d’éradication du christianisme de sa terre d’élection. Présentant clairement les différences fondamentales entre la foi catholique et la croyance naturelle des musulmans, l’évêque démontre sans ambiguïté que nous n’adorons pas le même Dieu contrairement aux affirmations habituelles d’un clergé déboussolé et apeuré, jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie. « En fait, les immigrants sont essentiellement utilisés comme des instruments d’un processus politique orchestré dans le but l’islamiser l’Europe », nous répète le prélat sans concession.

Ces considérations sont placées dans le contexte de l’indifférentisme religieux auquel est consacré un chapitre qui est l’occasion de dénoncer les affirmations de Evangelii Gaudium qui « promeut le relativisme and banalise l’unique voie du salut … qui est le Christ et son Église … » et le document signé en février 2009 par le pape François avec le recteur de l’université Al-Azhar dont les racines plongent « dans certaines phrases ambigües des documents du Second Concile du Vatican, … spécialement Nostra Aetate … ainsi que l’affirmation de Lumen Gentium n. 16, qui dit que catholiques et musulmans adorent un même Dieu ».

Le débat est ouvert

Longuement, Mgr. Schneider scrute la crise religieuse qui secoue l’Eglise et confirme, point par point, la prédication de Mgr. Marcel Lefebvre. En 2009, Mgr. Brunero Gherardini publiait un ouvrage intitulé Le Concile Œcuménique Vatican II UN DÉBAT À OUVRIR. Le successeur des apôtres né au Goulag l’ouvre en rendant hommage au fondateur de la FSSPX qui « … a commencé, avec une franchise semblable à celle de certains des grands Pères de l’Église, à protester contre la destruction de la foi catholique et de la sainte messe ». Admettons que la comparaison est forte ! Il poursuit : « Dans une lettre adressée au pape Jean-Paul II, … l’archevêque Lefebvre a décrit avec réalisme et justesse … la véritable ampleur de la crise de l’Église. » Pour conclure : « Je reste toujours impressionné par la clairvoyance et le caractère prophétique de (ses) affirmations … » et « Nous assistons aujourd’hui à l’apogée du désastre spirituel au sein de la vie de l’Église, que l’Archevêque Lefebvre a souligné avec tant de vigueur il y a 40 ans déjà ».

Le débat ouvert en son temps par le fondateur du séminaire d’Écône et qui ne reçut alors que condamnations et sarcasmes trouve désormais des interlocuteurs à l’intérieur du périmètre de l’Église visible. Malgré les résistances, il ira en s’amplifiant et annonce un renouveau déjà amorcé. Le livre de Mgr. Athanasius Schneider bénéficie de la recommandation publique des cardiaux Sarah et Burke. Ses prises de position sont confirmées par celles de Mgr Carlo Maria Viganò, Archevêque et ancien nonce à Washington.

Le temps vient où les mauvaises querelles et les méfiances devront tomber et permettre aux catholiques qui partagent une même foi, un même catéchisme et une même liturgie d’unir leurs efforts – et Présent travaille dans cet esprit – pour que demain les âmes assoiffées de notre temps, et qui ne savent pas toujours quelle est leur soif, puissent s’abreuver à ces sources éternelles. Sicut cervus desiderat ad fontes aquarum …


Lettre d’information N° 25 – 15 octobre 2020 | Source : Perspective catholique