Marc-André Mabillard, avocat des recourants – Le Tribunal cantonal valaisan ayant refusé notre demande provisionnelle visant à permettre l’accès de plus de dix fidèles aux cérémonies religieuses, dans le strict respect des règles sanitaires, avant le prononcé d’un jugement au fond, la décision du Conseil d’Etat du 21 octobre dernier est toujours effective pour ces cérémonies, alors qu’elle ne l’est plus pour d’autres activités.

Agissant toujours au nom d’un groupe de valaisans, j’ai déposé un recours auprès du Tribunal fédéral contre cette décision incidente. Je précise déjà que, parallèlement, le Tribunal cantonal valaisan instruit notre recours valaisan, ayant donné un bref délai au Gouvernement pour se prononcer à son sujet.

Avec ce recours auprès du Tribunal fédéral, nous entendons obtenir la levée rapide de cette limitation injuste et inadaptée qui touche les croyants valaisans, avant d’obtenir le jugement définitif qui n’interviendra, très probablement, pas avant Noël.  

Devant le Tribunal fédéral, nous invoquons un abus de son pouvoir d’appréciation par le Tribunal cantonal, lequel, contrairement aux exigences claires imposées par la jurisprudence, n’a pas procédé à une appréciation consciencieuse des circonstances de la cause. Ne qualifiant pas la liberté de culte d’intérêt public, le Tribunal cantonal a violé le droit, se soustrayant à son devoir d’analyser, déjà à ce stade, l’aptitude de la mesure ainsi que sa nécessité dans le concept actuel de protection (principe de proportionnalité):

– S’agissant de l’aptitude, nous avons notamment mis en avant le fait que la décision est arbitraire, en ce qu’elle ne distingue absolument pas les situations concrètes. Toutes les messes sont ainsi soumises à un même régime strict, d’une rare sévérité, qu’elles soient célébrées dans le salon d’une famille ou au sein de la cathédrale de Sion, par exemple.

– Le critère de la nécessité exige concrètement des juges qu’ils vérifient si d’autres mesures, plus respectueuses des libertés, ne sont pas également efficaces. Nous nous interrogeons sur le fait que le Gouvernement s’est dûment livré à cette appréciation pour d’autres activités, laissant notamment ouverts les grands magasins de Brico-loisir. Nous avons encore développé de nombreux autres arguments.

La décision de limiter l’assistance aux cultes à 10 personnes, sans tenir compte de l’espace et de mesures de protection élémentaires simples à mettre en place, est tout simplement arbitraire.

Dans notre recours, nous avons encore mis en avant le fait que le Conseil d’Etat avait fait des concessions quand il fallait pondérer les mesures sanitaires avec l’intérêt économique. Dans une attitude diamétralement différente, le Gouvernement, par la voie de son Président, a indiqué qu’il serait intransigeant dans l’analyse des demandes d’exceptions pour les cérémonies religieuses. Aussi, nous avons invoqué le fait que les croyants vivent une discrimination très sérieuse, du fait que leur liberté, pourtant consacrée à une place bien supérieure à celle de l’économie dans les traités internationaux applicables en Suisse, est totalement laissée pour compte.

Le Tribunal fédéral se prononcera uniquement, à ce stade, sur les mesures provisionnelles qui doivent intervenir avant que le Tribunal cantonal ne rende son jugement définitif.

Nous profitons de ce communiqué pour vous faire part de l’indignation suscitée, dans ce contexte d’inégalité, par la décision du Gouvernement d’ouvrir à nouveau les marchés. La manière d’agir du Conseil d’Etat à cette occasion n’a pas manqué de nous interpeler.

En effet, afin de permettre la réouverture des « marchés pour lesquels la consommation sur place est interdite » (sic !), le Conseil d’Etat a décidé de les soustraire à la catégorie « manifestations », catégorie à laquelle ils appartiennent pourtant de toute évidence. Le Conseil d’Etat a donc tout d’un coup décidé de les rattacher à la catégorie des « établissements de restauration » (établissements visés par la décision du 4 novembre), cela alors même qu’ils ne sauraient être assimilés à de tels établissements puisque, précisément, ils ne peuvent pas servir de mets à consommer sur place !

C’est d’ailleurs cette approche logique qui avait prévalu le 21 octobre, les marchés étant alors assimilés à des « manifestations » et ayant dû interrompre leurs activités, soumis à la restriction du nombre de participants. Inutile de vous dire que cette appréciation des marchés est également en totale contradiction avec les lois cantonales applicables à leur organisation ou aux « établissements de restauration » (notamment LHR).

Cette incohérence est d’autant plus flagrante qu’elle est intervenue dans la décision du Conseil d’Etat du 4 novembre dernier, justement au moment où il adoptait des restrictions plus sévères pour juguler la propagation du virus, estimant que celles mises en place le 21 octobre n’étaient pas suffisantes. Son communiqué de presse ne contient en effet aucune information justifiant un élargissement du nombre des participants aux manifestations. Le Gouvernement, après avoir assimilé les « marchés » à des « établissements de restauration », leur a directement accordé une large exception, permettant ainsi leur réouverture.

Si le Conseil d’Etat a agi ainsi, c’est pour permettre une nouvelle exception générale à la limitation des personnes sans avoir à se justifier sous l’angle de l’égalité de traitement, ni à effectuer une pesée des intérêts.

Cette exception accordée à une manifestation particulière, le marché, en plus de résulter d’un stratagème contraire à la bonne foi, constitue une violation claire du principe d’égalité de traitement. Elle consacre également :

  • le poids quasi prépondérant des critères économiques par rapport aux objectifs de santé publique ;
  • le fait que le Conseil d’Etat est d’accord de procéder à une application large du principe de la proportionnalité dans certains cas, ce qu’il s’interdit de faire pour les cérémonies religieuses.

    Ce procédé utilisé par le Gouvernement, en définitive, permet tout simplement à la population de douter du bien-fondé des mesures sanitaires et de leur importance pour le Conseil d’Etat.  

    Nous rappelons finalement que nous demandons la réouverture des messes au public, avec les mêmes plans de protection que ceux qui ont été édictés pour les marchés. C’est la seule manière pour le Conseil d’Etat de respecter la liberté de culte.

Lettre d’information N° 28 – 12 novembre 2020 | Source : Perspective catholique