Interview du conseiller national Nicolas Kolly

« Les défis posés par l’immigration ne sont plus mis en avant uniquement par la droite, mais sont désormais partagés par d’autres sensibilités politiques. »

Eric Bertinat – Perspective catholique remercie Me Nicolas Kolly, conseiller national (UDC-FR) qui a aimablement répondu à nos questions suite au dépôt, le 3 avril dernier, de l’initiative populaire fédérale «Pas de Suisse à 10 millions! (initiative pour la durabilité)» forte de 114’600 signatures. Cette initiative demande que la population suisse ne dépasse pas 10 millions d’habitants avant l’année 2050. Si, avant cette date, elle dépasse 9,5 millions, le Conseil fédéral et le Parlement seraient chargés de prendre des mesures en particulier en matière d’asile et de regroupement familial, en vue de respecter la valeur limite fixée.


(Perspective catholique) En 25 ans, notre petit pays a accueilli près de deux millions de personnes. Nous sommes aujourd’hui 8,7 millions d’habitants. Pourquoi l’UDC, qui admet l’urgence de maîtriser enfin l’immigration, attend qu’arrivent 9,5 millions d’habitants en Suisse pour obliger les autorités à intervenir ?

(Nicolas Kolly) S’agissant de la barre de 9.5 millions d’habitants, il s’agit là, je pense, d’une décision pragmatique du comité d’initiative. Compte tenu de la très forte croissance démographique, le temps que l’initiative soit traitée par les Chambres puis soumise au vote, il est très probable que ce nombre soit atteint. Si un nombre inférieur avait été prévu, l’initiative aurait été très difficile, voire impossible à mettre en œuvre puisqu’une population serait déjà établie, bénéficiant d’un droit de séjour et donc de droits acquis qu’il y a lieu également de protéger, conformément au principe de la bonne foi.
 
(PC) Tous les partis populaires, de l’Action nationale à l’UDC, depuis le débuts des années 1970, ont échoué à maîtriser l’immigration, soit devant le peuple, soit devant les autorités. En quoi cette énième initiative, si elle est acceptée par le peuple, réussira-t-elle à juguler les flots migratoires en Suisse ?

(NK) Je pense que la situation évolue. Les défis posés par l’immigration ne sont plus mis en avant uniquement par la droite, mais sont désormais partagés par d’autres sensibilités politiques. Je pense en particulier aux personnes qui ont une sensibilité écologique et qui se rendent compte que, finalement, la croissance démographique contribue très fortement à la pression qui existe aujourd’hui sur l’environnement. Finalement, cette initiative de l’UDC ne concerne pas seulement l’immigration, mais bien le défi de la croissance démographique quelque peu exponentielle dans notre pays.

(PC) Après l’échec de plusieurs initiatives, ne devrions-nous pas corriger la Constitution fédérale pour obliger le Parlement et le Conseil fédéral à mettre in extenso en pratique les initiatives acceptées par le peuple ?

(NK) Déjà aujourd’hui, l’art. 148 al. 1 Cst. rappelle que l’Assemblée fédérale est « l’autorité suprême de la Confédération, sous réserve des droits du peuple et des cantons ». Cela signifie que le droit du peuple et des cantons – et donc les décisions qu’ils prennent lors de votations populaires – priment les décisions de l’Assemblée fédérale et doivent être contraignantes. Il est donc parfaitement scandaleux que l’Assemblée fédérale décide sciemment de ne pas appliquer des initiatives populaires, comme cela a été le cas avec l’initiative populaire « Contre l’immigration de masse », acceptée en votation populaire le 14 février 2012. Je crois cependant que notre démocratie ne fonctionne, malgré tout, pas si mal et est sujette à un délicat équilibre. Le peuple peut régulièrement renouveler ses autorités et si le Parlement bafouait, durant une législature, totalement les décisions prises par le peuple, nul doute que le peuple corrigerait ensuite la composition de la représentation du peuple et des cantons à l’Assemblée fédérale. Or, ces dernières années, le peuple a plutôt confirmé une certaine stabilité politique, ce qui est à saluer, car cela contribue à la stabilité de notre pays.


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(1) Concrètement, l’initiative demande que la population suisse ne dépasse pas 10 millions d’habitants avant l’année 2050. Si elle dépasse 9,5 millions avant cette date, Conseil fédéral et Parlement seraient chargés de prendre des mesures en particulier en matière d’asile et de regroupement familial, en vue de respecter la valeur limite fixée.

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Newsletter N° 200 – 13 avril 2024 | Source : Perspective catholique