Pourquoi la venue de Mgr Athanasisus Schneider à Genève est-elle un événement important ?

Christian Bless – Parce que, né au Goulag, cet évêque s’inscrit dans le sillage de grands évêques, tels Mgr Wyszynski en Pologne et Mgr Mindszenty en Hongrie qui, au XXe siècle, ont refusé le mensonge du communiste intrinsèquement pervers, la plus grande entreprise totalitaire des temps modernes et, sans doute, de tous les temps. Comme Alexandre Soljenitsyne, ils ont simplement refusé le système de mensonge qui prétendait les faire taire, ils ont refusé que le mensonge passe par eux. Mgr Athanasius Schneider se dresse contre les mensonges actuels avec lucidité et courage.

L’expérience quotidienne rappelle et confirme que le Prince de ce monde est essentiellement Prince du mensonge, et ce dès le début : « Vous serez comme des dieux ». Et cette promesse mensongère retentit de siècle en siècle et dans le nôtre peut-être plus fort que jamais. Ce mensonge omniprésent bénéficie aujourd’hui des caisses de résonance toutes puissantes du monde médiatique qui, dans tous les domaines de la vie humaine, prétend imposer une nouvelle réalité qui est essentiellement mensongère.

L’âme et le caractère de l’actuel évêque auxiliaire de Astana au Kazakhstan ont été forgés dans la nuit du Goulag par une mère et des grand-mères qu’aucune épreuve n’a pu décourager, pas même l’assassinat d’un époux ; qui ne réclamaient aucun droit et demeuraient fidèle jusqu’à l’héroïsme à leurs devoirs de mères et de chrétiennes, soutenues par l’humble méditation du chapelet, la récitation des litanies et une prière incessante. Des pratiques tournées en dérision par nos esprits « modernes ». L’hommage rendu par le futur évêque à ces femmes s’adresse à toutes celles qui, aujourd’hui, dans le silence, accomplissent quotidiennement, dans la plus grande humilité, leurs devoirs de mères en transmettant la vie généreusement et la foi sans changement.

Ces exemples et ces sacrifices vont façonner une âme sacerdotale : « J’ai commencé à servir la messe et après cette première messe, j’ai senti dans mon âme que je devais devenir prêtre. Je ne peux pas décrire cela. C’est une chose que j’ai ressentie dans mon âme, et aussitôt j’ai commencé à me souvenir des paroles de ma mère : « Il faut que Dieu appelle. » Depuis lors, je n’ai jamais eu le moindre doute sur ma vocation. Jamais. Tant cette conviction était profonde. J’étais tellement convaincu dans mon âme que je n’avais pas besoin de parler à qui que ce soit du sacerdoce. Je ne pouvais rien imaginer d’autre que d’être prêtre. C’était tellement clair pour moi … » (Christus vincit)

Au moment où, dans le sillage du dernier concile, le sacerdoce est attaqué, diminué, une vocation naît au milieu des décombres qui s’amoncellent et des abandons du clergé. Le mensonge des Nouveaux prêtres décrits par le romancier Michel de Saint-Pierre entraîne un effondrement des vocations et de la pratique religieuse. Et cette agonie semble ne jamais devoir finir.

Le sacerdoce et le Saint Sacrifice de la messe
Contre le mensonge d’un aggiornamento qui, prétentieusement, fait du passé table rase, Mgr Schneider témoigne de la raison fondamentale du sacerdoce catholique reçu des Apôtres, inchangé à travers les siècles : « La partie la plus importante de la journée est pour moi la sainte messe. C’est le travail le plus important. Je considère que c’est vraiment un travail, et c’est le travail le plus important : bien célébrer la sainte messe, avec attention et amour … Le sens de ma journée, de ma vie, c’est la messe. Avec, bien sûr, l’action de grâce après la messe. Et puis le bréviaire… Je dis l’ancien bréviaire, qui est plus long que le nouveau. Il contient les cent cinquante psaumes dans leur totalité. » Pas un agent pastoral, un animateur social, un homme en recherche, non, un prêtre qui monte à l’autel, chaque jour, pour renouveler le Saint Sacrifice de la Croix. « Vous ferez cela en mémoire de moi. » Pour l’honneur de Dieu et le salut des âmes.

Mais l’appel vient de loin et les parents soucieux de l’âme de leurs enfants méditeront cette confession : « Même quand j’allais à l’école, j’allais à la messe tous les jours avant l’école. Depuis l’âge de treize ans, je ne pouvais pas imaginer de commencer la journée sans la messe. Chaque jour j’assistais à la messe. A partir du moment où je suis entré au Gymnasium, j’ai même commencé à y aller, quand c’était possible, deux fois par jour – le matin et le soir. Ce m’était, à cet âge, un besoin de participer souvent à la sainte messe. Je ressentais ce besoin dans mon âme. Je passais aussi du temps en adoration eucharistique. » Voilà comment naissent les grandes vocations !

Lucidité et courage face à l’effondrement
Mais le mensonge s’est installé dans les esprits et la culture qui se croient modernes, sans rencontrer d’opposition déterminée ni dans le clergé ni chez les autorités politiques chargées de la défense du bien commun. En quelques décennies, une immense vague a emporté la liturgie bimillénaire (la messe, les sacrements, le bréviaire, le calendrier,), l’enseignement de la foi catholique et des fins dernières, la défense de la loi naturelle, l’institution sacrée du mariage. Mgr Athanasius Schneider (il porte le prénom du grand évêque d’Alexandrie qui s’est dressé contre le mensonge de l’arianisme au Vème siècle) analyse par le détail les maux qui minent nos sociétés : le relativisme, l’œcuménisme, l’invasion migratoire, la destruction de la famille, la promotion d’une culture dite « LGTB » de fait nihiliste, sans craindre d’affronter les tabous d’une société imbue de sa modernité : « Depuis le concile Vatican II, un des plus grands dangers au sein de l’Église est né du dialogue inter-religieux. » Dénonçant au passage « les rencontres d’Assise (…) si on les considère d’après leurs résultats – étaient l’expression d’une relativisation de l’unicité du Christ et de son Église quant au salut éternel des âmes. » Pas moins !

Logiquement, sans craindre les indignations pharisaïques des bien-pensants du moment, l’évêque en vient à rendre hommage à un autre descendant des Apôtres qui s’est dressé face à l’apostasie immanente, a fondé une œuvre florissante, qui abrite plusieurs familles religieuses, fonde séminaires et écoles : « Dans ce contexte, c’est surtout Mgr Lefebvre (bien qu’il ne soit pas le seul à l’avoir fait) qui a commencé, avec une franchise semblable à celle de certains des grands Pères de l’Église, à protester contre la destruction de la foi catholique et de la sainte messe qui se produisait dans l’Église et qui était soutenue, ou du moins tolérée, jusque par de hautes autorités du Saint-Siège. Dans une lettre adressée au pape Jean-Paul II au début de son pontificat, Mgr Lefebvre a décrit avec réalisme et justesse, dans un bref synopsis, la véritable ampleur de la crise de l’Église. Je reste toujours impressionné par la clairvoyance et le caractère prophétique des affirmations suivantes (…). Nous assistons aujourd’hui à l’apogée du désastre spirituel au sein de la vie de l’Église, que Mgr Lefebvre a souligné avec tant de vigueur il y a quarante ans déjà. »

Comparer la franchise de l’ancien Archevêque de Dakar à celle des Pères de l’Église et qualifier sa clairvoyance de prophétique sont des affirmations courageuses à ne pas prendre à la légère. Sans doute, ces comparaisons vaudront-elles quelques inimitiés à leur auteur. Mais la vérité rend libre.

Il faut écouter cet évêque attentivement et, sans doute, faudra-t-il le défendre.

Mgr Schneider : Pour aller plus loin

Mgr Schneider a confié à notre lecture attentive trois ouvrages qui demeureront des références et méritent que l’on s’y arrête. Rédigés sous forme de questions et de réponses, ils se lisent aisément :

Corpus Christi – La communion dans la main
Christus vincit – Le triomphe du Christ – analyse de la vie sociale et religieuse de notre époque
La messe catholique – Mettre Dieu au centre de la liturgie

Aux éditions Contretemps – 25 A, rue Montebello – F-78000 Versailles – renaissancecatholique.fr

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Newsletter N° 135 – 10 juin 2023 | Source : Perspective catholique